J'ai apprécié la qualité de ces échanges. L'extrême technicité de certaines des questions posées appelle une expertise supplémentaire avant qu'une réponse précise leur soit apportée. Sur un plan général, j'ai été frappée par la tonalité très positive de notre dialogue. Je remercie ceux d'entre vous qui ont dit leur soutien et leur adhésion à ce texte, fruit d'un travail considérable que je suis heureuse de vous présenter. Vos contributions, sur tous les bancs, témoignent d'un engagement réel pour trouver les meilleures solutions, propres à entraîner nos concitoyens à adopter les nouveaux comportements qui leur permettront de réduire leur facture énergétique, et à créer des emplois.
Vos interventions ont montré à la fois une vision stratégique partagée sur les choix structurants de notre modèle énergétique et certaines divergences. Des questions ont ainsi porté sur la cohérence globale du texte, sur la part réservée au nucléaire, sur les échéances stratégiques fixées dans le texte – tant en matière de pourcentages que de calendrier – et sur la place réservée aux questions européennes. Je me réjouis des fortes convergences exprimées sur la nécessité d'être opérationnels au plus vite car, souvent, nos concitoyens sont en avance sur le temps parlementaire ; vous ne l'ignorez pas, vous qui aidez à la réalisation de projets de rénovation thermique ou de production d'énergies renouvelables.
L'ancienne parlementaire que je suis comprend les questions relatives au choix de la procédure d'urgence pour l'examen de ce texte. Permettez-moi toutefois de rappeler que le temps de parole n'a pas été limité ; vous aurez donc le temps de vous exprimer et pendant les travaux de votre commission, au cours desquels je serai bien sûr constamment présente, et lors du débat en séance publique. Le temps imparti au débat sera donc de qualité et très dense. La discussion qui s'achève a d'ailleurs montré qu'il n'est pas besoin de s'éterniser pour mettre l'accent sur des sujets opérationnels, à propos desquels je m'engage à vous apporter des réponses précises et argumentées.
J'observe aussi que l'appréciation de l'urgence n'est pas la même pour nous, qui avons le temps de débattre, pour nos concitoyens qui souffrent du chômage et pour les petites entreprises du bâtiment qui attendent des commandes. J'ai donc eu le souci de trouver le juste équilibre permettant de concilier la qualité du débat parlementaire et la nécessité d'apporter le plus vite possible à nos entreprises – celles du secteur du bâtiment, celles de la filière des énergies renouvelables et celles qui veulent innover – des réponses opérationnelles. Elles nous en sauront gré. Vos questions le prouvent, qu'elles portent sur les méthaniseurs ; sur les ZNI ; sur la nécessité d'une action très rapide outremer, où le coût de l'énergie est considérable et où des opportunités majeures existent d'apporter des solutions en termes de formation professionnelle et d'emploi à une jeunesse pour moitié inactive ; sur la rénovation thermique et sur la manière dont le crédit d'impôt permettra aux citoyens de passer rapidement des commandes aux entreprises du secteur du bâtiment ; sur la formation professionnelle, que les entreprises du bâtiment sont en train de définir ; sur la place faite aux communautés de communes ; sur l'accès, crucial, aux renseignements sur tous ces sujets, nécessité qui nous poussera à installer des plateformes d'information.
De vos contributions, auxquelles je répondrai précisément soit par écrit, soit lors de l'examen des articles, soit après une expertise complémentaire pour certaines des questions abordées, je retiens votre souci de pragmatisme et d'efficacité. Je suis persuadée que le débat parlementaire, à partir de questions dont je n'avais pas obligatoirement perçu tous les aspects ou de sujets qu'il faudra préciser, donnera une marge de manoeuvre suffisante pour permettre aux collectivités territoriales de se mettre en mouvement. Je ne voudrais donc pas que le choix de la procédure d'urgence soit mal interprété : il ne s'agit pas, et le dialogue que nous venons d'avoir le prouve, de bâcler le débat mais de répondre à l'urgence et aux attentes des territoires, qui sont souvent en avance sur le législateur.
Si la dimension européenne de la question ne relève pas de dispositions législatives, vos questions à ce sujet sont tout à fait fondées et je vous informerai des échéances européennes à venir. Je vous dirai aussi comment, en dépit de modèles énergétiques très divers, nous avons essayé de faire converger les approches des États membres de manière à respecter les engagements pris au niveau planétaire pour lutter contre le réchauffement climatique, réduire la précarité énergétique et renforcer l'indépendance énergétique, chaque pays ayant à ce sujet un même objectif. Je vous dirai encore comment nous parviendrons peut-être à un échange de stratégies et à la construction de filières d'investissement communes dans ce qui sera la prochaine révolution énergétique, celle du transport propre et du stockage de l'énergie. Le jour où l'on saura stocker l'énergie – et la recherche progresse assez vite – on aura également résolu la question du coût de l'utilisation des énergies renouvelables.
Voilà qui m'amène à traiter de la cohérence du texte, sur laquelle M. de Courson, notamment, s'est interrogé, évoquant le coût du plafonnement de notre capacité nucléaire. Cette cohérence existe : elle tient à la montée en puissance des énergies renouvelables, à la recherche de la performance énergétique, aux économies d'énergie et à la complémentarité voulue avec l'économie circulaire. Nous devons parvenir à faire de nos territoires des territoires dits « zéro déchet », où tous les déchets non éliminés doivent être considérés comme de nouvelles matières premières. En Allemagne, 70 % des déchets du bâtiment sont recyclés dans la construction. Parce que, en France, le taux est très bas, j'ai décidé de permettre la valorisation de ces déchets en les catégorisant comme matières premières, ce qui renforcera la productivité de la filière du bâtiment. Des évolutions considérables sont donc possibles, en s'inspirant des meilleures pratiques de chaque pays, pour réduire de manière draconienne le volume de déchets – dont l'élimination ou le traitement coûte fort cher –, en les intégrant, en qualité de matières premières, au cycle de production. Cela implique aussi une autre consommation. Cette vision globale de l'énergie emporte et une cohérence et une ambition.
Mais il faudra, bien sûr, plusieurs années pour l'atteindre. Dans un premier temps, j'ai comme vous, monsieur Heinrich, jugé que viser une réduction de 7 % en dix ans de la production de déchet par habitant était bien peu. C'était oublier que cette production augmente de manière exponentielle ; parvenir à la stabiliser est donc un effort considérable en soi, la réduire de 7 % est un effort plus important encore. J'étudierai la question dans le détail, car je suis convaincue que le volume de certains déchets – cartons, emballages, bouteilles d'eau en plastique par exemple – peut être réduit bien davantage et réintégré dans le cycle de production. Cela vaut aussi pour les déchets putrescibles et pour ce qui concerne le gaspillage alimentaire : d'évidence, on peut tirer de ces déchets-là beaucoup plus de compost, et les utiliser à grande échelle dans les méthaniseurs. Cela suppose la montée en puissance de projets individuels dans des territoires à énergie positive, dans le cadre de contrats locaux de transition énergétique. Ces contrats permettront de mobiliser les ressources de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, les moyens définis dans le projet et les co-financements des collectivités territoriales et du système bancaire, notamment ceux de la Banque publique d'investissement.
Vos interventions ont rendu perceptible une adhésion globale à l'idée que la transition énergétique est réalisable et à portée de main.
J'ai entendu les divergences qui se sont exprimées à propos du nucléaire. Après avoir écouté attentivement toutes les sensibilités et toutes les parties prenantes, j'ai le sentiment d'être parvenue à un équilibre et je vous propose un choix raisonné. Il souligne la place très importante du nucléaire – qui, en nous permettant d'accomplir la transition énergétique sans devoir, contrairement à nos voisins allemands, recourir au charbon, nous apporte une sécurité énergétique – tout en incluant dans l'appréciation du coût de cette filière celui du traitement des déchets ultimes, pour le comparer valablement au coût des énergies renouvelables, dont la performance économique s'améliorera à mesure qu'elles monteront en puissance.
Nous sommes à un moment charnière. Nous devons adopter les bonnes stratégies, cruciales pour l'avenir du pays ; opter pour le « tout ou rien » serait une erreur très coûteuse, à terme, pour la nation. En plafonnant la capacité de production nucléaire du pays, nous choisissons la sécurité. Par ce choix volontariste, nous nous donnons aussi les moyens de faire monter en puissance les énergies renouvelables et de ce fait d'en réduire le coût, et aussi de motiver l'investissement dans le stockage de l'énergie, élément clef. Le troisième pilier du dispositif, c'est la lutte contre le gaspillage énergétique, le choix de la sobriété et de la performance énergétique pour les bâtiments, un domaine dans lequel la France doit être à la pointe des compétences. Aussi, je souhaite que tous les nouveaux permis de construire des bâtiments publics et des logements sociaux concernent des bâtiments à énergie positive. Si certains réussissent à produire au moins autant d'énergie qu'ils en consomment, pourquoi n'en irait-il pas de même pour tous ? Michel-Ange le disait : le progrès est dans la contrainte – une contrainte qui doit, bien sûr, être intelligente. Il ne s'agit pas de fixer des normes incompréhensibles mais de tracer les contours de ce qui deviendra irréversible, non seulement parce que ce sera la norme juridique mais parce que tous les citoyens du pays auront compris qu'ils ont intérêt à s'engager dans cette voie.
Voilà ce qui fait de ce formidable chantier un champ d'innovation et de créativité. C'est aussi un instrument pour ceux qui souffrent de la précarité énergétique ; pour notre pays qui paye cher ses importations d'énergie ; pour les citoyens qui ne comprennent pas toujours le montant des factures qui leur sont adressées et qui veulent en réduire le coût pour gagner du pouvoir d'achat ; pour nos entreprises enfin, qu'elles soient traditionnelles ou innovantes et qui, chaque jour, apportent la preuve que la technologie française en matière de transition énergétique fait partie des meilleures au monde. (Applaudissements)