La question de M. Rodet portait sur les chiffres par sous-secteurs, en particulier sur ceux de l'agriculture. Les chiffres que j'ai cités s'entendent de façon globale, c'est-à-dire qu'ils valent indépendamment de la nature des revenus – qu'ils soient agricoles, industriels ou commerçants, ou issus de l'exercice d'une profession libérale –, aucune différence significative n'ayant été relevée entre les différents secteurs d'activité.
Pour ce qui est des remarques de M. Grandguillaume au sujet de l'imposition au forfait, je ne peux que confirmer que nous n'avons pas étudié la situation des contribuables soumis à ce régime, les adhérents des organismes de gestion agréés étant, par définition, soumis au régime réel d'imposition.
Les très nombreuses auditions auxquelles nous avons procédé nous ont donné le sentiment que la mission initiale des centres de gestion agréés, principalement fiscale, s'était diluée avec le temps pour se muer en un contrôle effectué de manière mécanique, notamment en raison de la dématérialisation des documents, tandis que les missions considérées à l'origine comme annexes – d'information, de conseil, de formation – avaient tendance à devenir les missions principales. C'est ce qui motive notre proposition, peut-être naïve, de revenir en arrière pour faire en sorte que les centres de gestion agréés aient à nouveau pour mission essentielle de consacrer leur énergie et leurs moyens à l'apport d'une plus-value en termes de sincérité fiscale, les fonctions d'information, conseil et formation pouvant facilement être assumées par d'autres organismes de nature publique, parapublique ou privée – notamment les chambres d'agriculture, pour ne citer qu'elles.
M. Lefebvre nous a interrogés sur l'état d'esprit des personnes que nous avons auditionnées. Je dois dire que le travail réalisé par la Cour à votre demande auprès des organismes de gestion agréés a manifestement suscité de l'émoi et de l'inquiétude de la part de ces entités qui, depuis l'intégration de l'abattement au barème fiscal en 2006, vivent dans l'idée que leurs jours sont comptés. Si, huit ans plus tard, ils sont toujours là, il faut reconnaître que le choix de plus en plus fréquent des entreprises de se constituer en société, ainsi que le développement du statut de l'auto-entrepreneur, réduisent d'autant l'étendue du marché sur lequel ils ont vocation à intervenir. Nous avons donc eu affaire à des personnes sur la défensive, et avançant fréquemment l'idée selon laquelle leur survie passait par un renforcement de l'incitation fiscale récompensant l'adhésion des entrepreneurs – cette idée étant d'ailleurs confortée par le fait que l'intégration de l'abattement au barème en 2006, qui avait semblé faire peser une menace sur les centres de gestion agréés, s'était accompagnée d'une augmentation de l'incitation fiscale. Le sentiment d'angoisse auquel sont en proie les organismes explique également en partie le fait qu'ils aient de plus en plus tendance à élargir leur mission en proposant des services allant au-delà de l'aspect strictement fiscal. C'est un univers complexe, présentant des particularités socioprofessionnelles fortement marquées – agriculteurs, professions libérales, commerçant et artisans – et très émietté dans sa composition, qui comporte un grand nombre d'entités fédératives.
Quant à l'administration fiscale, il est clair qu'elle ne souhaite pas la disparition de l'interface que constituent les organismes de gestion agréés, qui aurait pour conséquence de la placer en relation directe avec les travailleurs indépendants. Reprendre le rôle d'intermédiation consistant à délivrer des informations aux entrepreneurs en vue de l'accomplissement de leurs obligations fiscales nécessiterait, selon elle, la création de nombreux emplois au sein de la direction générale des finances publiques – et, quand bien même il pourrait être pourvu aux nouveaux besoins par des redéploiements, elle n'a aucune envie d'en arriver là. À notre sens, la vraie difficulté pour l'administration fiscale réside dans le fait de se servir réellement des centres de gestion agréés, en faisant pression sur eux afin qu'ils se consacrent davantage à la mission consistant à favoriser la régularité des déclarations, c'est-à-dire la sincérité fiscale. Si je ne vais pas jusqu'à dire que les recommandations que nous avons formulées – qui n'entraînent pas de grands bouleversements pour l'administration fiscale et les centres de gestion agréés – font consensus, il nous semble cependant qu'elles constituent une base sur laquelle nous pourrions organiser une concertation associant l'ensemble des professionnels concernés.