La participation de Français ou de personnes résidant en France aux combats en Syrie et en Irak, dont l’intensité est attestée par le nombre croissant de morts, et aux exactions des groupes djihadistes est aussi une préoccupation majeure. Le nombre de morts dans des attentats suicides – au moins une dizaine, dont deux en Irak au nom du Daech – augmente de manière significative. La désinhibition à la violence extrême et les traumatismes induits contribuent à l’aggravation de la menace émanant de l’ensemble de ces personnes à leur retour en Europe.
Les filières de volontaires francophones se sont structurées. Les djihadistes disposent désormais de katibas francophones dirigées par un certain nombre de Français.
L’ampleur sans précédent de ce phénomène se nourrit de la surmédiatisation du djihad syrien sur Internet et les réseaux sociaux, qui contribuent à l’accélération des recrutements, notamment chez les plus jeunes. Cette action a été théorisée sous l’expression « djihad médiatique ». À titre d’exemple, je rappellerai qu’Al Zawahiri, chef d’Al Qaïda depuis la mort d’Oussama Ben Laden, déclarait en 2007 que ceux qui mènent le djihad médiatique sont des soldats anonymes de la cause au même titre que ceux qui combattent dans les zones de conflit ; en récompense, il leur promettait le paradis. Ces propos illustrent bien la place essentielle, parfaitement comprise et intégrée par les terroristes eux-mêmes, qu’occupe désormais la communication sur Internet. Plus de quarante-quatre mineurs, dont treize filles, ont quitté la France pour la Syrie. La plus jeune, recrutée par Internet et partie de région parisienne pour épouser un combattant en Syrie, est âgée de 14 ans seulement.
Enfin, la plupart des volontaires sont inconnus des services au moment de leur départ. Parmi eux, 20 % sont des convertis, radicalisés dans des délais parfois extrêmement brefs. La diversification des profils des volontaires révèle des fractures préoccupantes au sein de notre société. Le phénomène s’étend désormais à des catégories socioprofessionnelles plus variées. Soixante-quinze départements français sont concernés.
Face à cette menace nouvelle, face à ce danger pour l’intégrité de notre territoire, nous ne devons pas avoir la main qui tremble.
Nous ne devons pas avoir la main qui tremble pour adapter notre législation afin de la rendre plus efficace.
Nous ne devons pas avoir la main qui tremble pour refuser toute stigmatisation, pour s’opposer à toutes celles et tous ceux qui veulent instrumentaliser le débat pour pointer du doigt une religion. Nous devons réaffirmer ici haut et fort que l’État islamique n’a rien à voir avec l’islam.
Nous ne devons pas non plus avoir la main qui tremble pour assortir les moyens de sécurité renforcés de garanties suffisantes pour préserver les libertés fondamentales de notre pays. Nous devons tout simplement nous adapter à l’évolution de cette menace en préservant les libertés individuelles. C’est le sens du projet de loi présenté par Bernard Cazeneuve que nous examinons. C’est aussi le sens des amendements que j’ai fait adopter en commission des lois en juillet dernier.
À l’article 1er, la commission a adopté un de mes amendements qui permet à la personne concernée par une interdiction de sortie du territoire d’être assistée d’un avocat, d’un conseil ou d’un mandataire lorsqu’elle est entendue par le ministre de l’intérieur ou son représentant.
Cette rédaction s’inspire de celle prévue par l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, lequel dispose que lorsque l’administration s’apprête à prendre une décision individuelle, la personne concernée peut demander à être entendue et « se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix ».
Je précise d’ailleurs que, contrairement à ce qui est parfois affirmé, la décision n’est pas prise sur la base d’éléments classifiés au titre du secret de la défense nationale, mais sur celle d’un dossier communiqué à la personne concernée et, le cas échéant, à son avocat.