Intervention de Éric Ciotti

Séance en hémicycle du 15 septembre 2014 à 17h00
Lutte contre le terrorisme — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Ciotti :

Monsieur le ministre, notre pays est en guerre.

Notre pays est en guerre contre le terrorisme et contre l’expression qu’il revêt aujourd’hui : celle du fanatisme religieux et de l’extrémisme, celle qui arbore le visage de l’État islamique, portant à un degré jamais égalé dans l’Histoire contemporaine la menace qui pèse sur notre pays et sur nos libertés. Dans uneinterview publiée ce matin, le patron de l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste a déclaré que la question n’était pas de savoir s’il y aurait demain un attentat en France, mais quand. Nous savons tous que le degré de risque est maximal parce que la France est engagée, depuis de nombreuses années, sur des théâtres d’opérations extérieures pour lutter contre ce radicalisme, contre cet extrémisme, contre ce fanatisme. La France est présente en Afghanistan ; elle l’a été et l’est toujours au Mali ; elle l’est au travers de ses services extérieurs sur beaucoup de théâtres d’opération ; elle l’est en Irak avec son armée qui soutient les forces kurdes et les forces irakiennes. Cette situation, combinée à notre volonté de maintenir la laïcité inscrite au coeur de nos principes républicains, fait aujourd’hui de notre pays une cible.

Nous en sommes tous conscients et cette situation, ces dangers, ces menaces nécessitent une unité nationale forte. Nous devons aujourd’hui, dans cet hémicycle, afficher une unité nationale contre le terrorisme. C’est pourquoi, et je vous le dis en introduction de mon propos, monsieur le ministre, je voterai ce projet de loi. Ce projet de loi va dans la bonne direction : il contient des mesures, des dispositions opportunes, même s’il comporte aussi nombre de faiblesses, même s’il ne va pas assez loin – j’y reviendrai dans quelques instants. Cependant, face à cette situation de guerre, nous devons manifester notre unité, laquelle nous impose par ailleurs de rendre hommage à l’action remarquable de nos services et d’assurer de notre confiance tant les services extérieurs que les services qui, sur notre territoire national, luttent avec beaucoup d’efficacité contre le terrorisme.

Ce texte doit aussi nous rappeler que la France s’est imposée, depuis bien longtemps – et notamment depuis 1986, lorsque Jacques Chirac, alors Premier ministre, avait fait adopter une loi contre le terrorisme –, comme un des pays qui ont su le mieux appréhender, contenir et prévenir les risques de terrorisme.

Il le doit à cette législation, qui fut probablement une des premières dans les pays développés à viser le risque terroriste. Il le doit également au difficile – de plus en plus difficile – et courageux travail de nos services, je tiens à le dire au moment où nous ouvrons ce débat crucial pour la défense de nos libertés, et qui n’est autre, finalement, que le débat, aussi ancien que notre démocratie, entre les exigences de la liberté et celles de la sécurité. Mais n’oublions pas, au moment d’apprécier cet équilibre délicat, que la sécurité est la première des libertés et que nous ne saurions garantir nos libertés fondamentales, auxquelles nous sommes aussi attachés que vous, sans garantir d’abord notre sécurité.

C’est dans cet état d’esprit constructif, monsieur le ministre, que nous abordons l’examen d’un projet qui va dans la bonne direction, même s’il ne nous exempte pas d’un certain nombre de regrets.

Nous regrettons d’abord tout le temps perdu depuis avril 2012, quand le gouvernement de François Fillon avait déposé un projet de loi similaire, à la suite de l’affaire Merah. Nous étions certes en pleine campagne présidentielle, mais le drame qui avait frappé de jeunes élèves d’une école juive à Toulouse et des militaires à Montauban appelait une réaction immédiate. Vous aviez pourtant, par la voix de l’actuel Président de la République, refusé de débattre et de vous inscrire, comme nous le faisons aujourd’hui, dans une démarche d’unité nationale contre le terrorisme.

Vous avez certes fait voter une loi antiterroriste en décembre 2012, à l’initiative de l’actuel Premier ministre. Mais cette loi était bien insuffisante : la preuve en est que vous êtes aujourd’hui contraint de soumettre à nouveau ce sujet au débat. Nous vous avions alerté alors sur la nécessité de bloquer l’accès aux sites internet faisant l’apologie du terrorisme, mais vous vous y étiez alors totalement refusé, repoussant nos propositions en ce sens.

Nous vous avons à nouveau proposé d’instituer la possibilité de bloquer de tels sites à travers une proposition de loi, déposée par Guillaume Larrivé et débattue au début de l’été dans cet hémicycle. Nous y proposions également la définition d’une infraction obstacle visant à prévenir le danger que constituent ceux qu’il est convenu d’appeler les loups solitaires. Vous y venez aujourd’hui, monsieur le ministre, mais trop de temps a été perdu.

Même si nous soutenons ce texte, ses lacunes sont trop importantes pour ne pas être soulignées. Ce texte ne nous paraît pas à la hauteur de ce qui constitue une menace extrême et un danger imminent. Je vous le dis solennellement, monsieur le ministre : avec ce texte, vous restez à la remorque des événements.

Du haut de cette tribune, vous avez rejeté d’emblée certaines de nos propositions, comme un peu plus tôt, lors de la réunion de la commission des lois qui s’est tenue en application de l’article 88 du règlement, vous aviez rejeté l’ensemble des amendements déposés par les députés de l’opposition. Ce n’est pas bon signe.

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