Intervention de Maina Sage

Séance en hémicycle du 15 septembre 2014 à 17h00
Lutte contre le terrorisme — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMaina Sage :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, en préambule de mon intervention – la première dans le cadre d’une discussion générale –, je souhaite vous indiquer qu’en tant que députée issue de l’outre-mer, je me sens tout autant concernée par ce texte, par cette question de la lutte contre le terrorisme, que tous les autres députés. Je suis d’ailleurs convaincue que les ultramarins présents aujourd’hui partagent mon point de vue.

Il est important de rappeler que le terrorisme n’a pas de frontières. Celles de la France, quant à elles, ne se limitent pas à celles de l’Hexagone : nos territoires sont aussi des bouts de France dans les trois océans du monde et il me semble que la vigilance dont nous devons faire preuve doit s’exercer sur l’ensemble du territoire français, que ce soit sur le sol métropolitain ou en outre-mer.

Souvent, les ultramarins vous demandent la solidarité nationale, sur des sujets qui nous sont spécifiques, qui vous concernent peut-être moins. Aujourd’hui, même si la question du terrorisme nous concerne peut-être un peu moins que vous, dans l’Hexagone, nous sommes tout aussi conscients des risques et de la menace qui pèsent sur la nation. J’ai beaucoup entendu parler d’unité et de solidarité. Eh bien, c’est précisément dans cet état d’esprit que j’aborde l’examen de ce texte, celui d’une opposition constructive et solidaire des enjeux nationaux.

La France et ses outre-mer disposent, en matière de lutte contre le terrorisme, d’un arsenal juridique reconnu pour sa pertinence par nos voisins, notamment européens. Cependant, les évolutions du terrorisme, comme je l’ai expliqué en donnant notre position sur la motion de renvoi en commission, démontrent qu’il y a une progression constante des départs de djihadistes vers la Syrie et l’Irak. Le retour potentiel de ces individus fait peser sur la France des menaces bien réelles, qui nous imposent aujourd’hui, pour la seconde fois sous cette législature, d’adapter notre droit à ces nouvelles réalités.

Le terrorisme, en effet, n’est plus celui d’hier. Multiplication des comportements de transition entre l’intégrisme et le terrorisme actif, développement d’internet, embrigadement d’individus souvent jeunes, voire très jeunes, qui décident de passer à l’acte : ses causes et ses caractéristiques évoluent en permanence et de manière de plus en plus menaçante.

Comme en témoignent les chiffres qui ont déjà été évoqués plusieurs fois, de plus en plus de Français participent activement aux combats en Syrie ou en Irak, mais également aux exactions de groupes djihadistes. Environ 900 personnes sont concernées par ces filières. J’ai d’ailleurs relevé que trente-trois d’entre elles auraient été tuées dans ces combats ou dans des attentats suicides.

Nous devons donc vraiment faire en sorte qu’aucun outil, aucun moyen de détection, d’identification et de répression ne manque à celles et ceux qui, aujourd’hui, combattent le terrorisme, que ce soient nos forces de police ou nos magistrats.

Certes, c’est un exercice difficile, mais notre rôle de législateur nous impose de trouver ce juste équilibre entre notre volonté de mieux protéger la société et celle de défendre notre liberté, les droits fondamentaux qui doivent être garantis à chacun de nos concitoyens. Cet équilibre n’est pas simple à trouver, mais il me semble que, dans le contexte actuel, ce projet de loi va dans le bon sens en renforçant notre arsenal juridique.

On peut y remarquer, ce que nous saluons, la transformation de la provocation à la commission d’actes terroristes et de l’apologie d’actes terroristes en délits terroristes. C’est un point essentiel. On ne peut plus tolérer que, sur le sol français, des messages appelant au Djihad ou le glorifiant soient diffusés en toute impunité. Ces messages participent très clairement du conditionnement idéologique et sont de nature à entraîner la commission d’actes terroristes. Je vous rappelle qu’en 2012, lors de l’examen du projet de loi sur la sécurité et la lutte contre le terrorisme présenté par Michel Mercier, le groupe UDI avait déjà proposé de déplacer l’incrimination de ces délits de la loi sur la liberté de la presse vers le code pénal.

À l’époque, cela avait été refusé. Je tiens à souligner que cette mesure essentielle est bien aujourd’hui incluse dans ce nouveau projet de loi ce dont, là aussi, nous nous félicitons car elle renforce l’efficacité de la répression de tels comportements. Demain, les saisies, le recours au contrôle judiciaire, à la détention provisoire ou à la procédure de comparution immédiate seront possibles. Il s’agit donc, là aussi, d’un point qui nous semble tout à fait positif.

En ce qui concerne internet, il est vrai qu’il est devenu le principal vecteur de propagation des appels à la commission d’actes terroristes et de diffusion d’idées extrémistes. Il fallait donc élaborer une législation prenant en compte ces évolutions. Les dispositions de l’article 9 vont dans ce sens, notamment en étendant des obligations pour les fournisseurs d’accès à internet, les FAI, et les hébergeurs. Nous créons également la possibilité de blocage administratif de sites internet. Il est vrai que ce sujet a suscité de longs débats mais, sur le fond, je reste intimement convaincue que nous devons prendre des dispositions afin de le permettre pour les sites participant à la promotion d’actions terroristes.

Autre point qui nous paraît important : la création d’un délit d’entreprise individuelle terroriste. Il est vrai que notre arsenal juridique est essentiellement construit autour de la notion de délit d’association de malfaiteurs à visées terroristes. Or il s’avère que de plus en plus de personnes isolées préparent et commettent de tels actes. La mesure sera donc utile afin de les appréhender avant qu’elles ne passent à l’acte.

Ce projet de loi comporte aussi des mesures préventives de police administrative, puisqu’il vise à interdire le départ de France d’un ressortissant français lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser qu’il projette des déplacements à l’étranger ayant notamment pour objet la participation à des activités terroristes.

En prévoyant que l’interdiction de sortie du territoire implique également le retrait de la carte nationale d’identité, en plus de celui du passeport, nous avons renforcé et sécurisé la disposition proposée par le Gouvernement.

Une autre amélioration importante apportée en commission concerne la délivrance d’un récépissé permettant aux personnes concernées de justifier de leur identité.

Tels sont, selon nous, les points positifs de ce projet de loi et les évolutions favorables qu’il a connues. Toutefois, un certain nombre de limites demeurent ; même si nous sommes favorables à ce texte, il est important de les rappeler.

Tout d’abord, s’agissant des mesures préventives, j’ai entendu les propositions formulées par mon collègue M. Ciotti. Il me semble que nos politiques éducatives doivent effectivement intégrer – notamment à travers l’éducation civique – un programme spécifique permettant d’encadrer des populations plus vulnérables que les autres, en particulier les jeunes en situation d’exclusion sociale, qui sont un terreau fertile pour ceux qui propagent et promeuvent le terrorisme par l’intermédiaire d’internet.

S’agissant des dispositions relatives à la répression, nous formulerons également quelques remarques. D’ailleurs, M. le rapporteur a lui-même reconnu que leur impact dissuasif était en réalité limité. En effet, nous sommes confrontés à des individus très déterminés qui sauront contourner les interdictions, par exemple en ne prenant pas l’avion.

De même, les binationaux pourront, quant à eux, toujours voyager grâce à un titre d’identité étranger. Nous ne pouvons donc que rejoindre les préconisations qui ont été faites en commission. Il nous semble qu’une coopération avec les États intéressés doit impérativement être organisée. Ce projet de loi ne sera pleinement efficace, en effet, que si des initiatives européennes et internationales sont prises.

Il est vrai également que nous attendons l’adaptation du système d’information Schengen, le SIS.

Par ailleurs, la question se pose de la gestion de ces individus potentiellement dangereux au sein même de notre territoire, lequel, comme je l’ai rappelé, ne se limite pas aux frontières de l’Hexagone.

À ce titre, monsieur le ministre, j’aurais souhaité avoir toutes les garanties de l’État quant à sa vigilance et aux moyens employés afin que ces derniers soient identiques sur l’ensemble du territoire, même en outre-mer, pour garantir la sécurité de nos citoyens ultramarins, qui vivent parfois dans des territoires plus vulnérables que d’autres.

Étant originaire de Polynésie, je puis en témoigner : nous devons gérer une surface qui représente la moitié de notre surface maritime, grande comme l’Europe – on l’oublie parfois – avec plus d’une centaine d’îles éparpillées au milieu du Pacifique. Vous comprenez toute la difficulté qu’il y a à surveiller une telle zone.

Comme je l’ai dit, les déplacements de personnes potentiellement dangereuses ne se font pas seulement par voie aérienne : ils peuvent aussi se faire par voie maritime, laquelle constitue une porte d’entrée sur le territoire français.

Pour conclure, nous lutterons efficacement contre le terrorisme en promouvant une politique concertée au niveau européen et international. Une telle dimension constitue un des grands défis de ce XXIe siècle, au même titre que la lutte contre la cybercriminalité.

Pour toutes ces raisons, le groupe UDI votera en faveur de ce projet de loi.

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