Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une fois n’est pas coutume, je soutiens pleinement, pour ma part – et je sais que cette attitude est partagée par de nombreux collègues de l’opposition –, la démarche salutaire du Gouvernement.
En effet, lorsque l’essentiel est en jeu, à savoir la défense de la nation et la protection de la sécurité des Français, nos différences de sensibilité politique, les affrontements politiciens n’ont plus leur place. Seule s’impose, comme ici même il y a un siècle, l’union sacrée de toute la représentation nationale, de tous les républicains, face à ce qu’il faut bien appeler une guerre. Cette guerre nous est imposée par une frange fanatique du monde musulman, décidée, en instrumentalisant la religion, à entraîner le monde tout entier dans un conflit de civilisations aux conséquences potentiellement apocalyptiques. La première vertu de ce texte est donc précisément de marquer la prise de conscience, devant tous nos concitoyens, du péril auquel nous sommes désormais confrontés.
Dans son histoire récente, la France avait, comme d’autres nations, souvent été exposée au terrorisme. Attentats de la rue de Rennes, de la station Saint-Michel ou du Capitole, détournements ou destructions d’avions civils, prises d’otages : la liste est longue, très longue, de ces actes de terreur commis au nom de guerres de libération – de la Palestine ou du Kurdistan –, de revendications indépendantistes, d’idéaux révolutionnaires – comme dans le cas d’Action directe –, voire de terrorisme d’État, qu’il s’agisse de l’Iran ou de la Libye de Kadhafi.
Dans chaque cas, ce terrorisme prenait classiquement la forme d’un chantage entre le terroriste et un État, le vecteur de la terreur – la plus spectaculaire possible – étant utilisé contre la population civile de l’État visé afin de faire céder le Gouvernement en place. Dans ce macabre billard à trois bandes – terroristes, population civile, État –, il y avait cependant toujours présente l’idée d’une revendication, d’une négociation.
Mais avec l’État islamique – ou, pour reprendre la formule de Laurent Fabius, « les égorgeurs de Daech » –, avec les attentats de Toulouse et de Bruxelles, avec la présence d’un millier de citoyens français en Syrie et en Irak pour combattre au nom du djihad, avec cette violence et ce fanatisme sans précédents, nous avons, de fait, changé de monde. On ne négocie pas, on tue. On ne cherche pas à gagner ou même à sauver sa propre vie, on souhaite la mort, dans un combat joyeux contre un monde décadent – l’Occident infidèle bien sûr, mais également les « mauvais » musulmans –, jusqu’à ce que le califat règne sur la terre et impose à tous la pureté de la charia.
Il nous faut prendre conscience que nous n’en sommes qu’au début de cette guerre, dont l’arrière-plan n’est autre que l’implosion de l’ordre géopolitique de l’ensemble du Moyen-Orient et, au-delà, de la totalité du monde arabo-musulman.