Intervention de Amr Moussa

Réunion du 18 juin 2014 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Amr Moussa, ancien ministre des affaires étrangères de la République arabe d'Egypte, ancien secrétaire général de la Ligue arabe, ancien président du Comité constituant de :

Permettez-moi de vous adresser, Madame la Présidente, ainsi qu'à vous tous, mes remerciements pour cette invitation à m'exprimer devant vous.

L'Égypte a fait face, pendant les dernières décennies, à une situation très dangereuse. La cause principale de la révolution du 25 janvier 2011 réside dans l'échec des gouvernements successifs à gérer correctement les affaires du pays. La mauvaise administration, l'absence de démocratie, le manque de politique claire et efficace pour favoriser le développement économique et l'augmentation très préoccupante de la pauvreté ont conduit le pays à une situation extrêmement grave. Aujourd'hui, un Égyptien sur deux peut être considéré comme pauvre. Les critères internationaux, en application desquels on n'est pauvre qu'à partir d'un revenu quotidien inférieur à 2 dollars, sont insuffisants pour bien saisir la réalité. La situation était si dégradée que la révolution était prévisible dès 2009 ou 2010. Les conditions de vie de la population étaient insupportables en Égypte, comme dans de nombreux autres pays de la région, où les populations éprouvaient un sentiment d'humiliation.

Dans ce contexte, les Frères musulmans se sont présentés comme une alternative modérée et compétente au régime précédent. Tout un courant de pensée, émanant des centres de recherche et des think tanks internationaux, notamment aux Etats-Unis, a étayé l'idée selon laquelle la coopération avec l'islam politique modéré était la solution appropriée dans les pays arabes, en particulier en Égypte, pour combattre l'islam radical. Mais cette théorie ne reflétait nullement ce que pensait le peuple égyptien. Il y a certes eu des élections démocratiquement organisées qui ont conduit à l'arrivée au pouvoir des Frères musulmans, mais ce résultat ne peut pas s'expliquer par les raisons qui ont été mises en avant à l'étranger. Le peuple ne s'est pas dit que l'islam politique modéré était la bonne solution. Il a simplement voulu donner leur chance aux Frères musulmans pour améliorer la situation économique, sociale et politique en Égypte. Toute l'administration s'était effondrée après le départ du président Moubarak.

Les Frères musulmans se sont montrés incapables d'incarner l'alternative dont ils se réclamaient. C'est pourquoi le peuple s'est à nouveau dressé contre un pouvoir incompétent. J'ai fait partie de ces millions d'Egyptiens qui se sont soulevés contre ce gouvernement qui allait conduire à un effondrement complet de l'Etat. La deuxième révolution portait en elle des exigences démocratiques profondes. Au départ, il s'agissait uniquement de demander au président Morsi d'organiser des élections anticipées, et non de quitter le pouvoir. Il s'y est refusé, ce qui a conduit à la révolution populaire du 30 juin, au Caire et dans l'ensemble du pays. L'Egypte ne pouvait pas supporter davantage une aussi mauvaise gestion.

Depuis, la « feuille de route » a été suivie, avec l'adoption d'une nouvelle Constitution, l'organisation d'élections et la mise en place d'institutions qui commencent à travailler pour rétablir la situation. Les élections législatives se dérouleront au plus tard en octobre, conformément à la nouvelle Constitution. Leur préparation commencera dès le mois de juillet.

J'ai beaucoup apprécié, Madame la Présidente, la manière dont vous avez rappelé la position de la France. La nouvelle Constitution égyptienne est exemplaire en matière de droits de l'homme et de la femme. La Constituante s'est beaucoup référée, au cours de ses travaux, à la Constitution française et à la pensée constitutionnaliste française dans son ensemble.

Vous avez également évoqué la question de la violence politique. La révolution du 30 juin a été très violente, car elle témoignait d'une détermination très forte à obtenir des changements profonds, après le refus d'organiser des élections anticipées. Mais c'est seulement après la révolution que du sang a coulé. Il y a un grave malentendu au sujet des condamnations à la peine de mort qui auraient été prononcées dans un millier de cas. Sur les 529 dossiers qui ont déjà été transmis au grand Mufti d'Égypte, il n'y a eu que 37 personnes condamnées à mort, dont 30 par contumace. Parmi ceux qui étaient présents dans la salle d'audience, seule une dizaine a donc été condamnée à mort. J'ajoute que la loi égyptienne impose de faire systématiquement appel contre toute peine de mort prononcée, et qu'il faut suivre quatre étapes avant que la peine de mort soit définitive en Egypte.

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