Intervention de Pascal Popelin

Séance en hémicycle du 15 septembre 2014 à 21h30
Lutte contre le terrorisme — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Popelin :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il est des sujets dont la gravité doit nous mener sur la voie du rassemblement et du consensus républicains. Le combat contre le terrorisme, la défense des intérêts supérieurs de la nation ainsi que la protection des valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité, qui font le socle et la force de la France, en font partie. Aucun des débats que nous avons eus ici sur ces questions, depuis le début de la législature, n’a démenti cette affirmation.

Ainsi, la loi du 21 décembre 2012, qui donnait, déjà, des moyens supplémentaires à la lutte contre le terrorisme, a-t-elle été adoptée à la quasi-unanimité par notre assemblée. Le texte dont nous entamons l’examen aujourd’hui poursuit un objectif similaire et semble emprunter la même direction, si j’en juge par la tonalité de nos débats au sein de la commission des lois le 22 juillet dernier.

Mais à la lueur de ce qui a déjà été dit dans cette discussion générale, j’ai le sentiment que certains devraient tout de même se modérer. Parce que pour ma part, je suis toujours mal à l’aise face à l’instrumentalisation politicienne d’un sujet aussi sérieux. Et aussi parce que lorsque j’entends déclarer à cette tribune, par un député de la République française, fût-ce de manière bonhomme comme tout à l’heure lors de la défense de la motion de renvoi en commission déposée par le groupe UMP, que les enjeux justifieraient que l’on soit peu regardants sur les libertés individuelles, j’ai du mal à l’admettre. Le consensus en matière de lutte contre le terrorisme, je l’appelle de mes voeux, mais pas au prix d’un tel renoncement !

Pour autant, nous devons regarder en face la réalité de la menace qui pèse sur les intérêts de la France et sur les Français. Vous n’avez pas manqué, monsieur le ministre, de situer dans son contexte la grave situation à laquelle nous sommes confrontés, que l’actualité illustre avec la conférence de Paris qui s’est tenue aujourd’hui. Nous le savons, notre pays est, de longue date, exposé à un risque élevé d’actions terroristes sur son sol.

Mais ce qui fait, peut-être, la différence avec les décennies passées réside dans le caractère diffus de cette menace. Elle repose toujours sur la même idéologie, sans scrupule, archaïque et barbare, mais qui n’en est pas pour autant restée à l’âge de pierre dans ses méthodes. Le terrorisme est pleinement entré dans la modernité, avec tout ce que cela suppose de moyens techniques, logistiques et tactiques et de facilitation des mises en relation entre groupes actifs et individus en voie de radicalisation. Le Web constitue de ce point de vue un redoutable outil lorsqu’il est mis au service de toutes les formes de terrorisme.

Nous sommes donc appelés, par la loi et par le droit, à participer au combat contre les agissements d’un ennemi aux multiples visages, qui ne se fixe aucune limite morale, ne respecte aucune règle, si ce n’est celles d’un fanatisme aveugle qui autorise et légitime tous les excès, toutes les dérives.

Plus personne ne croit aujourd’hui qu’il suffit de la volonté d’un gouvernement, elle est là, ou d’une loi, à laquelle nous nous efforçons d’oeuvrer, pour « terroriser les terroristes ». Qui pourrait prétendre en faisant preuve de responsabilité que la puissance publique sera en toutes circonstances capable d’écarter totalement le danger quand, dans l’esprit de ceux que nous combattons, la fin justifie absolument tous les moyens ?

Pour autant, notre responsabilité de législateur nous commande de faire preuve de lucidité et de réactivité. Les dispositions contenues dans ce projet de loi tirent les conséquences de mutations profondes qui ont fait évoluer la menace au cours de la période récente. Parmi celles-ci, l’explosion du nombre de nos ressortissants qui rejoignent ou auraient l’intention de rejoindre des destinations étrangères dans une seule finalité terroriste. Ils seraient plus de neuf cents rien que pour la Syrie et l’Irak, qu’ils soient encore sur place, revenus ou qu’ils aient simplement donné des signes de vouloir partir, et trente-six auraient déjà perdu la vie.

L’article 1er du texte a vocation à apporter une part de réponse à ce phénomène en créant une interdiction de sortie de territoire qui permettra aux autorités de s’opposer au départ de nos ressortissants hors de France dès lors qu’il existe des raisons sérieuses de croire que leur déplacement a une finalité terroriste ou que leur retour pourrait porter atteinte à la sécurité publique.

L’article 5, qui crée un délit d’entreprise terroriste individuelle, apporte un nouveau moyen juridique face au problème de l’auto-radicalisation, que des drames récents ont douloureusement mis en lumière.

Enfin, notre législation ne pouvait rester silencieuse face aux conséquences dramatiques de la prolifération de contenus internet faisant l’apologie du terrorisme. L’article 9 propose des mesures sur ce sujet, à l’image de ce que le législateur a déjà prévu lorsqu’il s’est préoccupé de lutter contre la pédopornographie.

Il ne m’a pas échappé que toutes ces dispositions suscitaient de l’inquiétude, voire la désapprobation de collègues et, ce soir, d’éditorialistes, légitimement attachés au respect des libertés individuelles et notamment des libertés de circulation, d’opinion et d’expression qui fondent notre État de droit. Je ne le suis pas moins qu’eux, mais je considère que le travail effectué par notre rapporteur Sébastien Pietrasanta, que je salue, en lien avec le Gouvernement, les amendements adoptés en commission et ceux que nous défendrons avec le groupe SRC au cours de la discussion apportent les garanties et les précisions nécessaires.

« Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites mais je me battrai pour que vous ayez le droit de le dire » est une pensée attribuée à tort à Voltaire. J’ai donc moins de scrupules à proposer un codicille : « à condition que votre finalité ne soit pas de m’empêcher de parler, de penser ou de vivre ».

Voilà pourquoi je n’ai aucune réserve, mais une pleine détermination à soutenir ce projet de loi, qui renforcera de manière utile et respectueuse des principes généraux de notre droit les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme.

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