Intervention de Claude Goasguen

Séance en hémicycle du 15 septembre 2014 à 21h30
Lutte contre le terrorisme — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClaude Goasguen :

Je souhaite que nous donnions cette image d’union nationale à ceux qui, à partir de certaines de nos faiblesses, croient que la France est prête à accepter n’importe quoi.

Ce texte va d’ailleurs dans le bon sens puisqu’un certain nombre de mesures juridiques ou de police vont dans le sens de la législation que nous avions adoptée précédemment. Il est bon, objectivement.

Cela dit, est-ce un texte décisif qui va enrayer la progression du terrorisme ? Je suis sceptique. C’est un texte qui aura au moins le mérite, probablement, de rendre certains actes plus difficiles. Je dirais que c’est un texte d’empêchement. Mais nous serons certainement amenés dans cette assemblée à revenir plusieurs fois sur un phénomène après lequel nous courons mais qui en réalité, hélas, va plus vite que nous, et je suis le premier à le regretter, tout en reconnaissant qu’un tel travail était nécessaire.

Ce texte sera-t-il efficace ? Vous savez bien quelles sont ses insuffisances. Prenons internet : le juge Trévidic nous expliquait l’autre jour qu’en réalité, le plus sûr moyen de faire du djihadisme, c’était d’utiliser Facebook, largement en tête pour la constitution des troupes djihadistes. Va-t-on arrêter Facebook ?

Nous sommes là confrontés à un conflit avec les Américains ou, pour certains sites, avec les Canadiens. Je rappelle que le décret d’application de la loi sur la pédophilie, cas analogue, est bloqué et que l’État s’est lui-même imposé une compensation financière énorme. C’est tout de même extraordinaire : désormais, pour faire taire quelqu’un qui profère des menaces de mort sur la toile, il faut indemniser la société ou le site américain concerné parce qu’il aura perdu de la clientèle ! C’est un phénomène tout de même assez intéressant. Cela me rappelle le vieil adage romain, qui s’appliquait à l’époque au droit civil mais qui pourrait s’appliquer au droit pénal, Fraus omnia corrumpit : il s’arrête devant la bourse des Américains ou des Canadiens !

Bref, pour ce qui est d’internet, ce sera difficile. Et pour ce qui est de la sortie du territoire ?

En 2005, un social-démocrate anglais appelé Tony Blair a établi en Angleterre le control orders. En réalité, c’est ce que nous allons faire, avec un point supplémentaire auquel je vous demande de réfléchir : empêcher les gens de sortir, c’est bien, mais ne pas les mettre en assignation, c’est pratiquement reconnaître qu’ils peuvent se promener dans le territoire, ce qui rend plus difficile, vous le reconnaîtrez, de les attraper ! Je rappelle que si David Cameron a remis en question la loi Blair de 2005, il est en train d’y revenir à grande vitesse. L’assignation me paraît être complémentaire de la sortie.

Il faut ensuite une coordination des renseignements, mais je sais que vous préparez une grande loi sur le renseignement, qui est nécessaire.

Je voudrais dire aussi et surtout que la nouvelle loi sur la contrainte pénale est contradictoire, en réalité, avec ce que nous espérons. Lorsque l’on demande aux spécialistes Bruguière ou Trévidic comment se finance l’État islamique, ou d’ailleurs Al-Nosra, qu’il ne faut pas oublier parce que Al-Qaïda n’est pas mort, on s’aperçoit qu’il y a une multiplication de microdélits : on n’est plus du tout dans le gros financement des grandes périodes d’Al-Qaïda avec les Saoudiens. On reste ainsi sous la limite de la contrainte pénale. Au fond, on est en train de laisser se muscler par de petits larcins des gens qui sont en liberté. Il faut donc en tenir compte. De manière générale, la contrainte pénale évoque une philosophie pénale qui n’est pas la mienne mais dans cette affaire, il faut en voir les conséquences.

Disons aussi que l’internationalisation est nécessaire. Très franchement, nous sommes dépendants des Américains, hélas, et vous le savez bien. Ils nous imposent cette dépendance pour le renseignement et ce qu’on appelle les métadonnées, c’est-à-dire l’énorme quantité de renseignements nécessaires pour poursuivre le terrorisme international. Pensons à ce qu’a coûté le système américain Échelon, avec 20 millions de données par jour, qui viennent de tous les pays du monde ! L’Europe a essayé de mettre en place un système Échelon européen, mais le coût était tellement énorme que nous voilà dépendants des Américains, avec des conséquences de politique internationale importantes. Très franchement, si nous voulons un jour que l’Europe soit véritablement indépendante dans ce domaine et travaille à part égale avec les Américains,…

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