Intervention de Marie-Louise Fort

Séance en hémicycle du 15 septembre 2014 à 21h30
Lutte contre le terrorisme — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Louise Fort :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, depuis le 11 septembre 2001, les équilibres du monde ont profondément changé. Cet événement ô combien dramatique aurait dû entraîner en occident une prise de conscience beaucoup plus importante de l’ampleur du phénomène djihadiste. Il nous faut désormais l’envisager sans détour et mener une diplomatie lucide.

Environ mille Français combattraient en Syrie. Ce sont avant tout des hommes jeunes, âgés de vingt-cinq ans en moyenne, mais il est frappant de constater que les femmes sont elles aussi prêtes à combattre : on en aurait localisé cinquante-quatre en Syrie et trente en Turquie. Elles n’hésitent pas à partir avec des enfants, comme oublieuses du martyre de tant de femmes et d’enfants.

Comment en est-on arrivé là ? D’abord par notre difficulté à repérer ces jeunes radicaux sur le territoire national, comme le souligne un rapport du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale sur la prévention de la radicalisation. Ensuite, par le phénomène de radicalisation lui-même : nombre de jeunes s’auto-radicalisent sur des sites salafistes et cèdent à la tentation de l’engagement armé en consultant les sites des rebelles djihadistes. C’est la barbarie exposée à la face du monde, revendiquée et relayée par les médias et les réseaux sociaux, véritable plan marketing d’une horreur absolue et sans précédent, qui anéantit toute forme d’humanité et de civilisation. Enfin, il ne faut pas non plus négliger le prosélytisme, non seulement dans les prisons mais aussi au sein des collèges et des lycées, et à leur sortie.

Pour agir efficacement contre le terrorisme sur notre territoire, il nous faut prendre des mesures extrêmement dissuasives, beaucoup plus encore que celles actuellement prévues dans votre texte. Et si je soutiens la philosophie de votre loi, je souhaite que soient adoptées en séance des mesures plus répressives à l’encontre des terroristes. La lutte contre le djihadisme doit être menée au plan international, en concertation avec les pays arabes. Pourquoi ces jeunes partent-ils plus particulièrement en Syrie ? Notre politique étrangère est indéniablement en cause. La diplomatie, ce n’est pas l’angélisme, comme semble trop souvent le croire ce gouvernement. Certes, le régime de Bachar el-Assad n’a rien de démocratique, mais comment ignorer que la crise syrienne est un facteur d’accroissement des tensions entre Chiites et Sunnites ?

La révolution iranienne de 1979, puis la guerre en Irak de 2003 ont renversé l’équilibre des forces dans le monde musulman, avec la formation d’un « arc chiite » redouté par les Sunnites. Ces tensions sont renforcées par la rivalité entre l’Iran et l’Arabie saoudite, qui se disputent le leadership dans le monde musulman. Or la guerre en Syrie cristallise cet affrontement. L’Arabie saoudite et le Qatar d’un côté, l’Iran et le Hezbollah de l’autre y mènent leur lutte d’influence : les premiers y soutiennent l’opposition sunnite, et les seconds le régime dominé par la minorité alaouite, dont est issue la famille de Bachar el-Assad. Les monarchies du Golfe ont ainsi mis à la disposition des rebelles et des Frères musulmans syriens des armes et des munitions afin qu’ils se débarrassent du leader syrien, avec lequel pourtant elles n’ont pas toujours été en mauvais termes – tout cela pour affaiblir l’Iran.

Non seulement la France a exigé sans succès le départ de Bachar el-Assad, mais la guerre civile qui sévit en Syrie a permis à de nombreux groupes terroristes de prospérer. Les printemps arabes ont ouvert le champ au développement spectaculaire des mouvements islamistes radicaux qui de Damas à Tunis partent aujourd’hui à la conquête du monde. Du fait de la position stratégique de la Syrie, frontalière de la Turquie, de l’Irak, de la Jordanie, du Liban et d’Israël, le,risque de voir émerger un État djihadiste dans cette région du Moyen-Orient ne saurait être pris à la légère. Émanation d’Al-Qaïda en Irak, l’État islamique prospère en Syrie. Aujourd’hui l’organisation s’étend sur le nord de l’Irak et le nord de la Syrie, faisant fi des frontières.

Alors même que le Premier ministre estime que le terrorisme est la plus grande menace depuis des décennies, les errements diplomatiques du Gouvernement menacent la position de la France sur la scène internationale. Rappelons ici que la Russie est sans doute un partenaire incontournable. Il ne s’agit pas de lancer une croisade de l’Occident contre le monde musulman ou le monde arabe, mais de réaffirmer le combat essentiel de l’humanité contre la barbarie. Il faut donc mobiliser les musulmans eux-mêmes contre ces barbares que sont les djihadistes : certes, la France peut effectuer des actions militaires ciblées au Proche-Orient afin de garantir sa sécurité intérieure, mais c’est avant tout aux États arabes et à l’Iran d’agir contre ces fanatiques. Donnons-nous les moyens de notre protection : faisons en sorte que l’humanité triomphe de la haine et de la barbarie, qui parviennent à tenter beaucoup trop de nos jeunes.

Je soutiendrai toute mesure allant dans ce sens, à commencer, monsieur le ministre, par votre loi, amendée je l’espère.

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