Intervention de Malek Boutih

Séance en hémicycle du 15 septembre 2014 à 21h30
Lutte contre le terrorisme — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMalek Boutih :

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, le projet de loi que vous nous demandez d’adopter n’est pas une loi d’exception, mais il reste un texte exceptionnel. La gravité des propos qui ont été prononcés dans cet hémicycle, l’attention que vous-même, monsieur le ministre, ainsi que vos services, les membres de la commission des lois et l’ensemble des députés ont portée à l’équilibre parfait de ce projet montrent qu’il ne s’agit pas d’un texte parmi d’autres, mais qui prend en compte une situation exceptionnelle.

La disposition la plus importante de ce texte consiste dans la restriction faite à la liberté de voyager et dans la suppression des pièces d’identité au sein du territoire national, pour des majeurs et des mineurs de la communauté nationale. Il s’agit d’une loi d’exception, d’une loi exceptionnelle, qui répond à l’urgence de la situation. Personne ici ne conteste que nos services, la police et la justice ont besoin d’outils pour lutter contre ce phénomène nouveau et d’ampleur. Au fil de la discussion générale, on s’aperçoit que si certains aspects du phénomène ont été bien appréhendés, on peine tout de même à dire à quoi on a exactement affaire.

Au cours de la soirée, c’est bien normal, le terme le plus utilisé a été celui de terrorisme, qu’il soit qualifié d’évolutif, de moderne ou de spectaculaire. Mais je crois que nous avons affaire à quelque chose d’autre que du terrorisme. Comme cela a été évoqué, nous avons affaire à un nouveau type de guerre : hybride, qui allie des composantes du terrorisme, de la guerre sur le terrain, et de ce que furent les mouvements de guérilla. C’est un hybride qui évolue, qui s’adapte, et qui cherche à être au plus près de ses objectifs.

À cet égard, le fait – comme ce fut le cas dans les propos de certains de nos collègues, en particulier M. Lellouche – de caractériser nos ennemis comme des sauvages ou des animaux est une faute de notre part, parce que cela nous aveugle. Ce ne sont pas des animaux. Ce sont des gens organisés qui poursuivent des objectifs et qui ont un but.

La question que nous devons nous poser est : quel est leur but ? Leur but se laisse deviner dans ce que nous avons vu de ce qu’ils font, et des images sur internet. Mais nous l’avons aussi vu cet été sur le territoire national. Leur but est de déstabiliser au plus profond la société française, de créer les ferments d’une division et d’enclencher une mécanique d’action-réaction qui échappera à tout le monde jusqu’à ce que la situation devienne suffisamment exceptionnelle pour justifier des lois d’exception. Alors nous aurons perdu une partie du combat contre eux. Il est clair que notre pays, la République française, est la scène majeure de leur lutte. Nous avons des adversaires militaires et politiques face à nous.

Nous devons donc donner les moyens à nos services, dans l’urgence, d’agir, et ce texte le fait. Mais si j’ai une très grande confiance en nos services, en notre armée, en notre justice et en notre police, j’ai beaucoup moins confiance dans la capacité du monde politique à s’attaquer aux racines du mal, à ce qui se passe au coeur de notre pays, pour tenter d’empêcher l’explosion que cherchent à provoquer nos adversaires.

La question n’est pas de savoir si nous pouvons rendre nos frontières imperméables, et si l’on arrivera à arrêter tous les individus. La question est de savoir si nous arriverons à irriguer pour éviter que la plaine ne s’assèche et qu’une étincelle y cause un incendie. Arriverons-nous à agir sur ce territoire ? C’est un enjeu extrêmement important.

C’est bien pour cela que les mesures qui remettent en cause les libertés doivent être un peu plus encadrées que ce que ne prévoit le texte. Pour ma part, je défends l’idée que si l’on doit interdire la circulation d’individus et confisquer des papiers d’identité, le délai doit être court – et renouvelé si besoin – de manière à montrer le caractère exceptionnel de cette mesure.

Au-delà, j’appelle l’ensemble de la représentation nationale, de nos formations politiques et de notre gouvernement à agir désormais concrètement. Je suis favorable à l’idée de M. Habib qui propose de travailler dans l’éducation. Je partage l’idée de M. Ciotti de mettre en place des programmes de déradicalisation d’un certain nombre d’individus. Toutes les bonnes idées sont à prendre, toutes celles qui vont construire notre pays.

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