Oui, sauf si le démantèlement a été anticipé et se trouve prévu par le décret.
Les arrêts et les mises en route de centrales doivent, du point de vue de la sûreté, faire l'objet d'une planification ; en effet, les décisions prises dans l'urgence sont, en la matière, loin d'être souhaitables, et les acteurs doivent pouvoir anticiper ces mouvements.
Nous constatons l'émergence d'enjeux sans précédent pour les cinq à dix ans qui viennent, et il convient de prendre cette dimension en compte lorsque l'on pose la question des moyens de l'autorité de contrôle. Ces défis relèvent de la prolongation ou non de la durée de vie des centrales – sujet qui ne sera tranché que dans plusieurs années, si bien que l'arrêt éventuel ne se produira pas avant longtemps – et des suites de l'accident de Fukushima qui induisent des charges supplémentaires jusqu'au moins le début de la prochaine décennie. Au-delà de cette période, il est possible – selon les décisions de politique énergétique qui seront prises – que les charges diminuent et que les effectifs suivent le mouvement. C'est dans ce contexte que nous souhaitons une réforme du financement, afin d'établir un lien direct entre les besoins entre les moyens et éviter les décalages que le budget de l'État ne sait que très partiellement gérer.
La question du renouvellement des compétences et du maintien de l'expertise chez les exploitants se pose également pour les autorités de contrôle. Bon nombre d'agents viennent des écoles d'ingénieurs ou de l'université, et la connaissance scientifique nécessaire ne se réduit pas à celle liée au nucléaire. Les enseignements généraux conviennent bien pour la formation de ces salariés, les entreprises assurant l'enseignement des connaissances nécessaires à la filière. L'ASN et l'IRSN dispensent également des formations spécifiques. Nous évaluons les actions menées dans les sites et nous jugeons des résultats, les entreprises devant remplir des obligations de qualification pour leurs salariés. Nous avons relevé certains dysfonctionnements, notamment à Bugey où le personnel de contrôle de la maintenance exercée par EDF s'avérait insuffisamment expérimenté. Ce problème devra être vite réglé – EDF en est conscient –, car se profile la perspective éventuelle d'un grand carénage qui accroîtra les travaux de maintenance.
Le démantèlement présente un enjeu de sûreté majeur, ce qu'attestent les procédures prévues par la loi qui sont de même nature que celles de création d'une installation nucléaire. Le découpage d'éléments qui ont été radioactifs et la gestion de déchets sont en effet dangereux pour les personnes. La difficulté industrielle ne s'avère pas, en revanche, immense, même si on doit affiner certains procédés.
Nous essayons d'intégrer les éléments liés au changement climatique, et nous effectuons des réévaluations de sûreté tous les dix ans ; au cours de cette opération, nous modifions les aléas externes comme les prévisions climatiques. Nous nous concentrons sur les tendances lourdes à cinquante ans, plus visibles que celles de court terme. Cette préoccupation est particulièrement présente pour un projet comme celui de l'EPR dont la durée de vie est estimée à soixante ans. Les centrales actuelles situées sur des cours d'eau ont rencontré des problèmes de refroidissement en cas d'été chaud ; or les étés le seront de plus en plus et dureront plus longtemps. De même, dans les réévaluations conduites à la suite de l'accident de Fukushima, nous avons revu à la hausse les aléas externes importants, comme les tsunamis.
Le rendez-vous des quarante ans est hors-norme en termes de sûreté. La procédure actuellement retenue consiste en une consultation, par internet, sur notre projet de décision. Il serait intéressant d'organiser une consultation, non seulement sur le projet de décision finale, mais également, en amont, sur le dossier soumis par l'exploitant.
La transposition de la directive européenne sur la sûreté nucléaire, intervenue au début de l'été, présente une disposition complètement nouvelle qui prévoit d'effectuer des stress-tests thématiques tous les six ans – nous en avons réalisé un sur les suites de l'accident de Fukushima et avons souhaité reconduire cet exercice. Nous choisirons un sujet pertinent tous les six ans et comparerons les pratiques dans le domaine retenu. J'ignore si la sanctuarisation de ce rendez-vous relève de la loi.