Intervention de Jean-Luc Martinez

Réunion du 11 septembre 2014 à 10h00
Mission d'information sur la candidature de la france à l'exposition universelle de 2025

Jean-Luc Martinez, président-directeur du Louvre :

Le musée du Louvre a toute sa place dans un projet d'exposition universelle tant au nom de l'histoire, que par son caractère hors norme et son rayonnement culturel international.

L'idée du Grand Louvre actuel remonte à la première exposition universelle parisienne de 1855. C'est à cette occasion que Napoléon III a décidé de valoriser l'axe est-ouest de la capitale et d'achever le « grand dessein » des Bourbons en finissant de relier les palais des Tuileries et du Louvre. La nouvelle liaison côté nord a permis la construction de nouveaux bâtiments le long de la rue de Rivoli parmi lesquels le Grand Hôtel du Louvre qui devait permettre de recevoir les nombreux visiteurs affluant vers Paris. Par ailleurs, durant la seconde moitié du XIXe siècle, plusieurs collections acquises par le Louvre furent présentées au Palais de l'Industrie, emblème de l'exposition universelle de 1855, situé à l'emplacement actuel du Petit Palais et du Grand Palais. La relation entre le musée du Louvre et les expositions universelles est donc inscrite dans l'histoire.

Le musée du Louvre est un musée hors norme. En 2014, il franchira pour la troisième année consécutive le cap des neuf millions de visiteurs annuels – 9,7 millions en 2012, année de l'ouverture du département des arts de l'Islam, et 9,3 millions l'année dernière – alors qu'au début des années 1980, il en accueillait moins de trois millions. Sa fréquentation a donc été multipliée par trois en trente ans. Nous regardons nous-mêmes ce phénomène avec stupéfaction car aucun musée n'atteint ce niveau d'affluence qui nous rapproche de certains monuments historiques à forte fréquentation touristique, comme la tour Eiffel ou Notre-Dame de Paris. La composition du public du musée par nationalités ne correspond pas plus à celle traditionnellement observée dans les musées. Près de 70 % des visiteurs du Louvre sont en effet originaires d'un pays étranger, au premier rang desquels les États-Unis dont proviennent 900 000 personnes par an. On a compté ensuite 440 000 visiteurs chinois l'année dernière alors que l'on en recensait très peu il y a encore trois ou quatre ans, puis environ 220 000 Brésiliens. En 2014, les Chinois et les Brésiliens semblent moins nombreux, et les Européens sont plus présents. En tout état de cause, le public du monde est déjà à Paris et au musée du Louvre.

Le rayonnement culturel du musée du Louvre, de ses collections et de ses savoir-faire, constitue l'une de mes priorités depuis un an et demi. Il nous appartient de mener des actions internationales destinées à des publics étrangers que nous connaissons encore mal comme les Chinois, les Brésiliens ou tous les visiteurs venant d'Amérique latine, qui sont aussi nos publics du futur. Nous publions encore trop peu de documents dans trop peu de langues, même si nous traduisons actuellement notre audioguide en mandarin ou en portugais du Brésil. Des projets d'expositions devront aussi être développés dans les pays émergents, comme celle qui s'est tenue à Pékin l'année dernière, consacrée aux collections du musée du Louvre, et celle que nous espérons organiser en 2016, au Brésil, à l'occasion des Jeux olympiques.

Quelle place pourrait occuper le musée du Louvre dans une exposition universelle ? Ce qu'un musée sait le mieux faire, c'est organiser des expositions. Nous pourrions concevoir une exposition exceptionnelle par sa durée et par son ambition sur un sujet qui reste à déterminer. L'histoire du Louvre et ses collections en ont fait une vitrine du monde : ce pourrait être une thématique qui permettrait de refonder cette vocation universelle. J'appelle néanmoins votre attention sur le fait que, sur le plan scientifique et financier, un tel projet se prépare au moins cinq ans à l'avance.

J'en viens aux limites que pourrait rencontrer notre participation à l'exposition universelle.

Nous avons d'ores et déjà pris acte que nous ne pouvions plus accueillir correctement nos neuf millions de visiteurs annuels, sachant que d'ici à quelques années nous en recevrons sans doute dix à douze millions. Un projet d'investissement visant à rénover les infrastructures du musée – billetterie, bagagerie, restauration des visiteurs, toilettes… – est donc engagé depuis le début du mois et doit s'achever en avril 2016. Ce projet « Pyramide » est financé pour 57 millions d'euros grâce à la licence de marque du Louvre Abou Dabi, ce qui me permet, au passage, d'affirmer que cette coopération est une chance pour le Louvre. Malgré les efforts entrepris, il est inévitable de rencontrer un seuil de saturation qui est atteint à trente-cinq mille ou cinquante mille visiteurs par jour. C'est la raison pour laquelle nous conseillons de limiter la participation du musée en 2025 à un projet d'exposition.

Il y a dix ans, l'État a affecté au musée du Louvre la gestion du domaine des Tuileries sans qu'aucune dotation supplémentaire ne lui soit attribuée. Nous cherchons aujourd'hui des moyens financiers pour restaurer ce jardin qui a joué un rôle particulier dans l'histoire des expositions universelles à Paris – le fameux banquet des maires de France s'y est par exemple déroulé lors de l'exposition de 1900 –, et qui a beaucoup souffert lors de la tempête de 1999. Un projet décennal de « revégétalisation » a été rédigé avec l'architecte des Bâtiments de France responsable, dont le coût est estimé à environ 15 millions d'euros. La dé- végétalisation actuelle abîme les sols qui dégagent beaucoup de poussière. Toute organisation de manifestation entraîne des dégradations supplémentaires dans un espace très fragile. À moins d'investir d'ici à 2025, le jardin des Tuileries ne sera pas en mesure à cette date d'accueillir des animations « lourdes » au sens physique. Il faudra aussi compter avec les oppositions des riverains qui se manifestent déjà lors de la fête foraine annuelle.

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