Intervention de éric Spitz

Réunion du 11 septembre 2014 à 10h00
Mission d'information sur la candidature de la france à l'exposition universelle de 2025

éric Spitz, directeur général de la Société d'exploitation de la Tour Eiffel, SETE :

Parce que la tour Eiffel a été au centre de toutes les expositions universelles qui se sont déroulées dans la capitale depuis 1889, le directeur général de Société d'exploitation de la tour Eiffel que je suis ne peut qu'être enthousiaste à l'idée que cette expérience se reproduise en 2025.

Comme le Louvre, l'histoire inscrit la tour Eiffel dans une future exposition universelle. Le parallèle avec le Louvre vaut aussi pour l'ouverture de la ville sur un nouvel axe puisque le monument se dresse dans une grandiose perspective qui s'étend de Chaillot à l'École militaire.

Une exposition universelle est avant tout une vitrine prestigieuse pour des États qui veulent montrer leur culture, leur savoir-faire, et leur avancée technique. La tour Eiffel comme objet technologique a incarné en 1889 un projet à l'avant-garde des sciences et des techniques. Aujourd'hui, la Ville de Paris souhaite porter le projet d'une ville innovante, intelligente et connectée, inscrite dans la biodiversité. La tour Eiffel a été à la racine du progrès hier ; tout concourt à ce qu'on lui donne aujourd'hui les ailes qui la projetteront dans l'avenir.

La tour Eiffel a aussi toute sa place dans une exposition universelle parce qu'elle est d'abord une porte ouverte sur le monde. Ses visiteurs proviennent à 86 % de l'étranger. Elle symbolise la France entière plus encore que Paris, et il suffit de voyager pour constater son prestige. Comme le Louvre, nous recevons de très nombreux visiteurs venus des États-Unis. Les ressortissants chinois sont en revanche moins nombreux, mais les Brésiliens, les Italiens et les Espagnols sont très présents. Nos agents sont en permanence formés à plusieurs langues étrangères afin d'accueillir ces populations, et nous n'oublions pas que le monde entier ne parle pas l'anglais. J'estime qu'il est de notre devoir de diversifier les langues dans lesquelles nous accueillons le public.

J'en viens aux modalités éventuelles de notre association, et aux limites que nous rencontrerons.

La tour Eiffel, monument historique, accueille sept millions de visiteurs par an dans un espace incomparablement plus réduit que celui du Louvre. L'activité de cet établissement recevant du public (ERP) de première catégorie est contrainte par de très fortes limites physiques : le premier étage ne peut recevoir plus de trois mille personnes, le deuxième étage en reçoit au maximum mille cinq cents, et le troisième étage cinq à six cents. Autrement dit, la Tour Eiffel ne peut accueillir simultanément plus de cinq mille personnes. Malgré cette contrainte, nous parvenons lors des journées de très forte fréquentation, qui se situent autour du 15 août, à recevoir près de 35 000 personnes, soit une affluence quasiment comparable à celle du Louvre. Évidemment, lors de ces périodes, il est quasiment impossible de circuler dans le monument. La tour Eiffel se visite déjà de neuf heures jusqu'à minuit quarante-cinq, mais l'on pourrait imaginer d'étendre les horaires d'ouverture, à condition cependant de tenir d'avoir conscience que les très fortes fréquentations font beaucoup souffrir le patrimoine. En cas d'afflux de visiteurs à Paris, il semble en tout cas difficile d'accueillir beaucoup plus de public qu'aujourd'hui. Cette question constitue évidemment un enjeu dans la perspective d'une future exposition universelle.

Pour accueillir du public, il faut de l'espace et des infrastructures. N'oublions pas que ceux qui ont attendu dans les files d'attente pendant une heure commencent par se rendre aux toilettes ! Les visiteurs se déplacent sans doute pour le prestige d'un lieu, mais il faut que l'intendance suive. Peut-être vous paraît-il étrange que j'insiste sur les sanitaires, mais tout ce qui participe à l'accueil et au confort des visiteurs joue un rôle majeur. Les critiques relatives aux services rendus ou à la distribution de boissons, à la présence de pickpockets ou des vendeurs à la sauvette ont une influence considérable sur la satisfaction des visiteurs. Il ne suffit pas de disposer de monuments magnifiques et d'un passé historique incomparable ; il faut que tout soit réfléchi et parfait jusqu'au dernier bouton de guêtre pour offrir une expérience complète de qualité car c'est un ensemble que jugeront les visiteurs.

La tour Eiffel dispose d'espaces réduits au sol : son parvis mesure 125 mètres sur 125 mètres. La Mairie de Paris réfléchit à l'installation d'un accueil central en sous-sol qui permettrait d'abriter les files d'attentes et d'installer un pôle commercial permettant de générer les recettes indispensables à la vie du monument.

Vous souhaitez à juste titre qu'une future exposition universelle à Paris utilise le patrimoine existant et ne se contente pas de construire des lieux nouveaux. Il faut néanmoins que les exposants trouvent des espaces d'exposition. La tour Eiffel dispose aussi d'un sous-sol de 1 500 mètres carrés, situé sous le Champ-de-Mars, entre l'avenue Gustave Eiffel et l'avenue du Général Ferrié. Tout pourrait être imaginé pour le réaménager. Il faudra toutefois tenir compte des règles d'urbanismes et des contraintes administratives s'appliquant à une zone verte espace boisé classé, sachant que les architectes des Bâtiments de France sont particulièrement sourcilleux, et que toute modification concernant les sous-sols est aujourd'hui interdite. Il ne faut pas négliger par ailleurs l'hostilité éventuelle des riverains et des associations. Il est extrêmement difficile de construire dans les lieux emblématiques de Paris. Si l'on tient compte des délais nécessaires à la concertation, les dix ans qui nous séparent de 2025 ne seront pas de trop pour faire aboutir ce type de projet.

Des questions se posent également en termes financiers. M. Jean-François Martins, adjoint au maire de Paris, chargé des sports et de l'urbanisme, a déclaré devant vous le 4 juin dernier que la Ville était « naturellement disposée à mettre à disposition un certain nombre de ses grands monuments, au premier rang desquels la tour Eiffel ». Je rappelle que la tour Eiffel est gérée par une société d'économie mixte dont la Ville de Paris est actionnaire à 60 %, ce qui lui rapporte près de 11 millions d'euros tous les ans. Je la vois mal renoncer à cette recette pour quelque cause que cela soit. Il faut de plus que les visiteurs puissent continuer d'accéder à la tour. Quant aux constructions nouvelles, il faut réfléchir aux modalités de financement.

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