Je rappellerai en préambule que nous avons été assez impliqués dans une précédente Exposition universelle, en l'occurrence celle de Shanghai. Nous avons en effet été l'un des trois partenaires, avec la Région et la Ville de Paris, à développer dans la zone économique un pavillon spécifique « Paris-Île-de-France ». Cela nous a amenés à voir de près la façon dont les choses peuvent se passer. Par ailleurs, comme le rappelait M. Gailly, dès le départ, nous avons été associés, directement ou indirectement, à vos réflexions, et nous avons soutenu votre démarche.
M. le président Fromantin a présenté les expositions universelles comme des moteurs de l'innovation, des vitrines et des accélérateurs de l'économie, et des facteurs de rassemblement. Certes, mais la vision que vous portez aujourd'hui est extrêmement intéressante dans la mesure où elle constitue une rupture positive par rapport à un schéma d'exposition universelle qui a trouvé ses limites. J'en veux pour preuve la dernière exposition, de Shanghai, où le monde entier a payé des sommes importantes pour distraire le peuple chinois, qui représentait 95 % des visiteurs.
Nous avons effectivement besoin aujourd'hui d'un grand projet qui mobilise l'ensemble de notre pays et porte non seulement le développement économique des infrastructures, mais également le développement des idées. Nous étions justement ce matin chez la secrétaire d'État en charge du numérique, secteur qui a un impact considérable, pour voir comment accompagner les évolutions de cette nature. La forme même que vous envisagez pour cette exposition, en n'investissant que très peu dans le dur, mais en utilisant tous les atouts existants, sans compter ceux qui sont en cours de développement, nous paraît extraordinairement intéressante, apte à favoriser la réflexion, l'innovation et l'investissement au service des entreprises françaises.
Une exposition universelle représente un immense évènement, qui aura un impact très positif sur le moral des Français, en particulier celui des chefs d'entreprise. Elle leur donnera un objectif et une vision, tout en mettant en exergue la capacité de la France à se réinventer et à réinventer un domaine dans lequel, au XIXe siècle, elle fut un pays pionnier, aux côtés de l'Angleterre.
Il se trouve par ailleurs que les calendriers, qui ne relèvent pas du hasard, coïncident parfaitement avec certaines évolutions, en particulier avec celle du Grand Paris. En 2025, le réseau du métro express devrait être presque entièrement réalisé. Les arbitrages rendus par le Premier ministre et annoncés le 9 juillet en conseil des ministres, qui amènent à accélérer de deux à trois ans la réalisation des liaisons avec les aéroports, justifient la réalisation de l'exposition universelle. À l'inverse, l'exposition universelle imposera un calendrier qui permettra de sécuriser cette réalisation indispensable. D'autres évolutions en matière de transports s'en trouveront également sécurisées. Je pense notamment au projet Éole.
La consolidation de nos engagements collectifs en matière de développement et de modernisation des transports est un élément essentiel. Aujourd'hui encore, les infrastructures de transport réalisées il y a maintenant plus d'un siècle en milieu parisien représentent un atout. L'attractivité de Paris tient en partie à son réseau de transports – malgré certaines critiques. Autour de 2025, nous ferons un autre saut fantastique en matière d'infrastructures de transport. L'organisation de l'exposition universelle nous donnera l'occasion de le souligner et nous obligera, dans le même temps, quoi qu'il arrive, à tenir nos engagements.
Actuellement, nous recevons chaque année 50 millions de visiteurs. Mais l'évolution gigantesque du tourisme mondial fait que si la France et la région parisienne veulent garder leur position de leader, notre pays devra consentir des efforts considérables, non seulement en termes de structuration du tourisme – tourisme d'affaire et tourisme de loisirs – mais aussi en termes d'infrastructures et de gouvernance. Nous avons besoin pour cela de grands évènements prestigieux, ne serait-ce que justifier les investissements publics et privés qui seront engagés. L'Exposition universelle devrait durer six mois et accueillir quelques dizaines millions de visiteurs, probablement 50 ou 60 millions – ce qui n'est pas très loin du nombre de visiteurs de l'Exposition universelle de 1900. Voilà pourquoi il nous semble extraordinairement important d'avoir un tel projet. D'ailleurs, nous n'avons pratiquement aucune occasion d'avoir un autre projet de cette envergure.
Parmi les projets concurrents, les projets sportifs, qui nécessitent des infrastructures spécifiques dont le réemploi est extraordinairement difficile, ont un impact limité dans le temps et des retombées économiques presque exclusivement de type touristique. Pour nous, le projet d'exposition universelle est beaucoup plus porteur et donne un sens beaucoup plus fort.
Enfin, il est clair que la première exposition universelle du Grand Paris sera un élément fédérateur de la métropole. Et comme nous sommes intimement convaincus que l'évolution de notre territoire et la croissance française toute entière dépendent très largement de cette métropole du Grand Paris, il est d'autant plus important de pouvoir organiser un évènement de cette nature.
Nous devons bien entendu faire preuve de vigilance.
En premier lieu, il faut très rapidement décider collectivement quel projet nous souhaitons suivre, entre la candidature aux Jeux olympiques de 2024 et l'Exposition universelle de 2025. Il serait absurde de penser que l'on peut réaliser les deux, en termes de dépenses, en termes de structuration et d'organisation et même probablement en termes d'impact sur la vie des Parisiens et des Franciliens. Nous pouvons assurer une manifestation, mais pas deux. Or, sauf démenti de la part de M. le président Gailly, et même si les deux sont importantes, nous sommes plus enclins à supporter l'exposition universelle que les Jeux olympiques.
En deuxième lieu, il faut observer très attentivement nos concurrents potentiels. Jusqu'à présent, nous avons entendu parler de Londres, de Houston, de San Francisco, de Rotterdam, de Téhéran, d'Alexandrie, voire d'un site en Russie. C'est encore très flou. Mais nous ne pouvons négliger aucune candidature, vraie ou supposée, sérieuse ou pas. Nous avons connu, en particulier pour les Jeux olympiques, trop d'échecs dans le passé pour oublier qui que ce soit.
La structuration de notre projet doit être extraordinairement solide si l'on veut que notre lobbying, notre pouvoir de conviction soit fort. N'oublions pas que ce sont des nations qui votent, et que chaque nation a une voix : les petites et les grandes, les amies et les autres. Il serait absurde de s'engager dans un projet comme celui-ci et de ne pas gagner. Nous devons gagner et, pour y parvenir, nous en donner les moyens – ce qui n'est pas la chose la plus facile en milieu français.
Nous devons convaincre et éviter, lorsque nous présenterons ce projet, que son côté novateur ne joue contre notre candidature. Dans le roman Le Guépard, on lit que « pour que rien ne change, il faut que tout change ». Il nous faut donc démontrer qu'avec ce projet, nous nous inscrivons dans la continuité, que nous servons bien l'aspect universel de ce genre de manifestation, mais que nous apportons quelque chose. Le choix du thème, l'expression du thème et la présentation devront être d'autant plus soignés que nous serons en décalage par rapport à ceux qui vont expliquer qu'ils mettent 500 hectares à la disposition des visiteurs, et que le total de l'investissement sera de quelques milliards ou quelques dizaines de milliards d'euros.
En conclusion, si l'on veut que ce projet aboutisse, nous devons nous en donner les moyens. Mais il faut être prudent : ce projet est en rupture, il est innovant. Ce peut être un avantage, mais ce peut être aussi un inconvénient.
En troisième lieu, il faut veiller à notre capacité d'accueil – transport et hébergement. J'ai mentionné l'atout que représente le métro express du Grand Paris et l'intérêt de pouvoir « appuyer » l'exposition universelle sur cette structure. Mais il y a aussi les aérogares et les gares assurant, notamment, le transport inter régional. Le projet est certes basé sur la région Île-de-France, mais il s'appuie aussi sur un certain nombre de grandes métropoles régionales. La capacité d'accueil et de transport intégré est un élément absolument déterminant dont il faudra se préoccuper d'entrée de jeu.
Ensuite, nous recevrons entre 50 et 80 millions de visiteurs sur six mois. Même si nous avons aujourd'hui la première capacité hôtelière du monde, nous savons que celle de Paris et de la première couronne est insuffisante. La Ville de Paris affiche d'ailleurs une volonté tout à fait légitime d'augmenter significativement le nombre des chambres. Avant-hier, l' adjoint au maire en charge du tourisme m'a indiqué qu'au minimum et en dehors même de cet évènement, il en faudrait 20 000 de plus.
Il faut donc accroître notre capacité d'hébergement, faciliter le développement hôtelier, bien segmenter ce qui est nécessaire et structurer beaucoup mieux la capacité des hébergements alternatifs que sont les flat hôtels ou les appart hôtels, mais aussi le logement chez l'habitant ou dans des résidences. En la matière, les attitudes sont contrastées, parfois ambiguës, voire schizophrènes, et une clarification s'impose.
Enfin, il faut sécuriser de manière absolue les dessertes des aéroports de Roissy Charles de Gaulle et d'Orly grâce au métro express du Grand Paris – faisant l'objet des nouveaux calendriers décidés par le Premier ministre. En même temps, il faut réaliser la liaison CDG Express, qui est indispensable. Les dessertes routières de ces aéroports doivent également être renforcées. Probablement conviendrait-il, à cette occasion, d'augmenter les capacités d'hébergement dans les environs des lieux d'entrée des étrangers sur notre territoire. Je pense bien sûr aux aéroports, mais aussi au territoire « gare du Nordgare de l'Est », dont le développement actuel est très insuffisant de ce point de vue.
Voilà quelques éléments de réflexion sur un projet que nous considérons comme majeur et extraordinairement porteur, et qui intéresse toutes les entreprises avec lesquelles nous en avons parlé. Nous savons qu'il est possible de mobiliser le monde économique et le monde des entreprises autour d'un tel projet, qui est porteur d'espoir.