Je comprends parfaitement la volonté qui est celle des groupes de cet hémicycle, toutes sensibilités confondues, de faire en sorte que le texte atteigne ses objectifs et que chacune de ses dispositions soit efficace. La question que posent MM. Lellouche et Marsaud est celle de l’efficacité des dispositions que nous avons mises en place pour prévenir le départ de ceux qui rejoignent des groupes et pour nous permettre, dès lors qu’ils reviennent, de judiciariser correctement leur situation. C’est effectivement l’objectif que je poursuis à travers ce texte : comment faire en sorte que ceux qui sont engagés dans des opérations à caractère terroriste, telles qu’on les voit sur les images terribles, horribles, que vous avez décrites, soient traités par la justice de façon rapide et ferme à leur retour. C’est tout à fait ma préoccupation parce que les actes dont ils se sont rendus coupables sont des actes épouvantables, d’une extrême atrocité, qui méritent la fermeté et la sévérité la plus grande, et ensuite parce que leur neutralisation par la justice est la condition et le moyen de ne pas les voir commettre des crimes sur le territoire national.
Je suis donc d’accord sur la préoccupation et le constat, mais je ne suis pas d’accord sur le moyen, pour des raisons qui tiennent au fait que nous avons aujourd’hui, au travers de l’arsenal pénal français, le moyen de récupérer ces gens à leur retour en judiciarisant leur situation. De plus, nous allons ajouter à l’arsenal des incriminations pénales dont nous disposons une incrimination pénale concernant l’entreprise terroriste individuelle. Celle-ci permettra de récupérer des gens qui ne pouvaient pas l’être à ce jour – certains juges antiterroristes, dont le juge Trévidic, en témoignent –, parce qu’ils ne rentraient pas dans la catégorie de l’association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste. Tous ceux dont vous parlez, et dont vous avez raison de vous inquiéter du traitement judiciaire qui leur sera réservé à leur retour afin qu’ils ne nuisent pas, peuvent déjà, dans le cadre de l’incrimination de l’association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste, voir judiciariser leur situation dans des conditions assez imparables.
Je profite d’ailleurs de ce débat pour dire que nous sommes conduits chaque jour à procéder à des arrestations et à la judiciarisation de la situation de ceux qui reviennent. Ainsi, des interpellations ont eu lieu hier à Vénissieux, qui concernent des recruteurs et des personnes qui se sont engagées, qui ont voulu conduire d’autres citoyens à s’engager, qui ont procédé à des trafics d’armes ; les incriminations pénales dont nous disposons nous permettent de le faire.
Je rappelle les chiffres, car ils sont très importants : sur les neuf cent trente Français concernés par des opérations djihadistes, cent quatre-vingt-cinq sont sur le chemin du retour ou rentrés, donnant lieu à cent interpellations, soixante-dix-sept mises en examen et plus d’une cinquantaine d’incarcérations. Cela veut dire que le travail conjoint des services de renseignement, de la police et de la justice, sur la base des incriminations dont nous disposons, permet aujourd’hui une efficacité de l’action que nous conduisons. C’est parce que je suis convaincu que nous disposons de l’arsenal permettant d’agir efficacement que je propose que nous n’introduisions pas dans le texte des éléments complémentaires et supplémentaires qui pourraient créer de la confusion, sans pour autant nous donner les moyens d’être plus efficaces dans la volonté qui est la nôtre, au demeurant bien légitime, de neutraliser ces criminels.