Je suis tout à fait d’accord avec Sandrine Mazetier : il est absolument indispensable de lire cette tribune et j’invite nos collègues à le faire. Monsieur le ministre, je ne souhaite pas de malentendus entre nous. Je ne vous considère pas comme un méchant personnage, qui voudrait faire preuve d’autoritarisme et aurait pour seul objectif la suppression de toutes nos libertés fondamentales. En retour, j’espère que vous accepterez l’idée que nos amendements, qui visent à restreindre certaines dispositions prévues par ce texte, ne sont pas l’oeuvre de naïfs idéalistes et inconscients des réalités du terrorisme.
Je comprends tout à fait votre volonté de doter les officiers de police et les juges d’outils juridiques adaptés à des comportements criminels nouveaux. Mais de tout temps, les pouvoirs accordés aux forces de police ont été contrebalancés par des limites, des garde-fous, parce que l’erreur est humaine.
Dans l’article 4, vous tentez de punir la propagande terroriste, comme s’il existait une définition juridique claire la concernant. Les dispositions relatives aux délits de provocation aux actes de terrorisme et d’apologie de ces actes apparaissent actuellement dans les lois qui réglementent la liberté d’expression et non dans le droit pénal, ainsi que vous souhaitez le faire. Les lois existantes découlent de la nécessité d’empêcher tout gouvernement, même démocratiquement élu, de céder à la tentation récurrente de censurer la contestation radicale de ses politiques. Porter atteinte à cette protection de la liberté d’expression, c’est porter atteinte à la démocratie.
Vous souhaitez aussi, monsieur le ministre, que l’usage d’internet soit considéré comme une circonstance aggravante alors qu’il faudrait presque remercier celui qui est prêt à déverser sa haine sur internet, car il simplifie considérablement le travail de la police en fournissant la preuve de son crime.
Il est très difficile de faire condamner quelqu’un sur la foi de propos rapportés. Il en est de même pour un document imprimé et non signé. En revanche l’usage d’internet simplifie considérablement la traçabilité. Pour publier en ligne, il faut utiliser un ordinateur, se connecter via un fournisseur d’accès, transmettre des données par de nombreuses machines, de sorte qu’il en devient bien plus simple de condamner quelqu’un. Je souhaite même que l’utilisation d’internet soit une circonstance atténuante puisqu’il facilite le travail de la police.
Monsieur le ministre, notre groupe a déposé des amendements pour que les actes d’apologie, qui restent des délits d’opinion, soient maintenus dans le cadre protecteur de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse. Nous proposons également que l’utilisation d’internet ne soit pas une circonstance aggravante.