Intervention de Christian Paul

Séance en hémicycle du 17 septembre 2014 à 15h00
Lutte contre le terrorisme — Article 4

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Paul :

Le débat que nous avons ce soir est l’un des premiers de la législature à l’occasion duquel se rencontrent l’objectif essentiel de l’efficacité de l’action publique et la défense des libertés, en particulier celles qui sont liées de façon évidentes à l’existence des réseaux numériques. Il a donc pour le législateur, et peut-être aussi pour le Gouvernement, un effet pédagogique. Il n’est pas inutile, dans une démocratie comme la nôtre, même quand on mène le combat contre le terrorisme, de procéder à une pédagogie de la lutte contre le terrorisme mais aussi à une pédagogie des libertés. J’espère donc que le débat nous fera progresser ensemble sur au moins deux idées simples que j’évoquerai également tout à l’heure en défendant un amendement.

Ce qui nous distingue, monsieur le ministre, n’est pas la différence entre les réalistes et les angéliques. Nous sommes extrêmement réalistes sur l’existence de la menace que vous entendez combattre, qui est nouvelle et barbare. Mais nous ne le sommes pas moins sur la nécessité d’être attentif à la préservation de l’environnement numérique à l’encontre de laquelle va l’aggravation des peines. J’ai suffisamment de désaccords avec Mme de La Raudière sur mille et un sujets pour ne pas tomber d’accord avec elle qu’internet n’est évidemment pas une zone de non-droit. Personne ici ne défend une telle idée, ni vous-même, monsieur le ministre. Internet, depuis plus de vingt ans qu’il existe, est un espace où s’appliquent les lois de la République, le code pénal en particulier, même si leur application n’est pas facile, et qui n’est nullement exonéré des lois qui sont votées ici et que vous avez la charge d’appliquer, monsieur le ministre. Ce n’est pas une zone de non-droit, et ce n’est pas une zone où l’on pratiquerait simplement l’auto-régulation. Bien sûr, l’auto-régulation peut être pratiquée, dans certains domaines, et cela se passe tous les jours. Il est également nécessaire de mobiliser les acteurs. La discussion de l’article 9 montrera la nécessité d’obtenir la coopération de Facebook, par exemple, pour obtenir le retrait de certains contenus, ce qui est sans doute plus efficace que le blocage pour 90 % des contenus considérés. Il faut donc évidemment faire appel aux grands acteurs d’internet. Mais le principe de neutralité technologique ne doit pas entraver votre action, monsieur le ministre. Si vous considérez que les peines sont insuffisantes, proposez donc qu’elles soient relevées, ce n’est pas hors de portée !

J’ai bien compris la démonstration qui est avancée depuis le début du débat selon laquelle un certain nombre de groupes utilisent des blogs et surtout des réseaux sociaux pour recruter et faire de la propagande. Mais enfin, il existe d’autres médias de masse, vous en avez cité un, qui est un média de très grande écoute tous les jours à vingt heures, susceptibles d’avoir un effet d’incitation à des formes de violence dans bien des domaines, et pas seulement à des actes de terrorisme. Il importe donc, si on veut écrire la loi, y compris la loi pénale, avec un souci d’équité et d’équilibre, de faire respecter le principe de neutralité technologique, c’est-à-dire l’égalité devant la loi pénale. C’est un principe que notre assemblée devrait vous aider à faire respecter, monsieur le ministre. Sur ce point précis, je suis favorable aux amendements qui viennent d’être défendus.

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