Monsieur le président, je vous remercie de nous avoir invités à témoigner devant votre commission sur les difficultés du monde associatif. L'UNIOPSS, association plus que sexagénaire, regroupe environ 20 000 établissements et services qui interviennent dans le domaine du handicap, de la santé, des personnes âgées, de la famille, de l'enfance, de l'exclusion, etc. Nos adhérents emploient 750 000 salariés et un million de bénévoles.
Nous connaissons tous les difficultés, notamment financières, que traverse depuis plusieurs années le monde associatif, mais, comme je n'oublie pas que j'ai été, dans une vie antérieure, délégué à l'emploi au ministère du travail, j'insisterai sur celles qui ont trait à l'emploi en soulignant d'abord un paradoxe qui me paraît résumer assez largement les problèmes de notre secteur.
Le Gouvernement conduit, avec le Parlement, une politique de l'emploi : baisse du coût du travail, invitation aux partenaires sociaux à négocier sur différents sujets, notamment sur la mise en place du pacte de responsabilité et de solidarité…, mais, depuis de nombreuses années déjà, on oublie que le monde associatif, en particulier le monde associatif de la solidarité, est un formidable réservoir d'emplois – d'emplois permanents et, de surcroît, non délocalisables. Ces emplois correspondent à une demande sociale que nous avons de plus en plus de mal à satisfaire tant elle croît en raison de la situation que connaît notre pays, du vieillissement de la population, de l'accroissement du nombre de familles monoparentales, de la nécessité de rendre notre société plus accueillante aux personnes handicapées ou vieillissantes et de celle de réduire les inégalités dans l'accès aux soins. Le noeud du problème se situe dans la solvabilisation de cette demande.
Or, plutôt que d'investir dans ce secteur où le moindre euro accordé au monde associatif contribue à la création d'emplois, les pouvoirs publics, qu'il s'agisse de l'État ou des collectivités, se désengagent financièrement, ce qui conduit à l'inverse à la destruction d'emplois. Certaines décisions pénalisent les associations. Nombre d'entre nous subissent depuis plusieurs années une réduction des subventions qui sont généralement accordées par l'État, mais aussi par les collectivités territoriales qui ont pris son relais mais qui ont vu elles aussi leurs ressources se restreindre. Les perspectives de réduction des dotations accordées aux collectivités territoriales ne font qu'amplifier nos inquiétudes. Tous les secteurs sont touchés : l'hébergement des personnes en difficulté et sans abri, les actions de prévention que conduisent notamment les municipalités, les services à domicile sur lesquels, je pense, M. Verollet reviendra. Alors que le monde associatif créait des emplois il y a encore quelques années, le nombre d'emplois est maintenant globalement stabilisé, voire en baisse sensible dans nos secteurs.
De surcroît, on impose au monde associatif des charges nouvelles, ce qui est assez curieux. Par exemple, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) est réservé aux entreprises du secteur lucratif ou à certaines petites associations, ce qui fait que les associations moyennes ou grandes se trouvent confrontées à une concurrence inédite dans les domaines sanitaire ou médico-social, où le secteur lucratif s'est développé depuis longtemps déjà. Il y a là une rupture d'égalité qui me paraît tout à fait anormale.
Avant l'été, nous avons également subi sans explication la suppression de l'exonération du versement transport, qui nous était acquise depuis trente ans environ. Certains d'entre nous sont ainsi confrontés à une dépense supplémentaire alors que nos budgets sont déjà extrêmement fragiles. Nous ne comprenons pas comment le Gouvernement peut alourdir de la sorte les charges des associations. Comble du paradoxe – et M. Verollet le dira sans doute encore mieux que moi : alors que nos politiques veulent que l'on réduise, pour des motifs économiques que l'on comprend, les durées de séjour dans les établissements hospitaliers et médico-sociaux, ils diminuent dans le même temps le montant des crédits accordés aux services d'aide à domicile. Il semble que personne n'ait voulu jusqu'à présent prendre conscience de cette contradiction. Cette politique entraîne une perte d'emplois dans le secteur associatif de la solidarité alors que, je le répète, la demande croît.
Autre inconséquence : on ne prend jamais en compte les externalités négatives de cette politique ou absence de politique de l'emploi en direction du mode associatif ; or, s'il n'y a plus d'hébergements en volume et qualité suffisants, si les actions de prévention – en particulier celles qui sont destinées aux jeunes – se réduisent, les conséquences seront coûteuses pour l'État, ne serait-ce qu'en termes de sécurité. Mais on ne les chiffre pas. Il n'est pas certain que la cohésion sociale et la confiance du pays dans ses autorités s'en trouvent améliorées.
Tout cela nous surprend d'autant plus que nous avons signé avec le Gouvernement, au mois de février dernier, une charte d'engagements réciproques qui indique clairement que la relation entre la puissance publique, tant nationale que territoriale, et le monde associatif est une relation de partenariat. Or nous avons le sentiment que nous en sommes encore très loin. Une charte de cette nature avait déjà été signée en 2001, sous le gouvernement de Lionel Jospin. Elle a été reprise, améliorée et modernisée au début de cette année, mais nous avons le sentiment que le partenariat n'est toujours pas à l'ordre du jour et que le Gouvernement et les pouvoirs publics n'ont pas une politique de l'emploi qui correspond aux besoins généraux du pays, et plus particulièrement à ses besoins sociaux.