Intervention de Florent Gueguen

Réunion du 9 septembre 2014 à 17h00
Commission d'enquête chargée d'étudier les difficultés du monde associatif dans la période de crise actuelle, de proposeer des réponses concrètes et d'avenir pour que les associations puissent assurer leurs missions, maintenir et développer les emplois liés à leurs activités, rayonner dans la vie locale et citoyenne et conforter le

Florent Gueguen, directeur de la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale, FNARS :

La FNARS regroupe 900 associations oeuvrant dans le champ de la lutte contre l'exclusion. On distingue dans ces activités deux pôles dominants : d'une part, les actions d'hébergement, d'accompagnement des personnes sans abri, assurées essentiellement par les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), par tous les dispositifs d'accueil des personnes en situation de grande exclusion, par les centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) et par l'ensemble des services d'accueil associatifs destinés à ces mêmes demandeurs d'asile ; d'autre part, l'insertion par l'activité économique, principalement à travers les chantiers d'insertion.

Cette audition est pour moi l'occasion d'insister, à la suite de M. Balmary, sur les très fortes tensions budgétaires supportées par le secteur associatif, particulièrement par celui de la lutte contre l'exclusion. Ainsi, en ce qui concerne l'hébergement d'urgence, nous subissons depuis plusieurs années une sous-dotation systématique du budget opérationnel de programme (BOP) 177, budget de quelque 1,2 milliard d'euros. En effet, les crédits inscrits dans la loi de finances initiale sont toujours en deçà de l'exécution des crédits de l'année précédente alors même que, chaque année, le nombre de personnes qui appellent le 115 en vue d'obtenir un hébergement dans nos établissements augmente de 10 % environ. La loi de finances initiale pour 2014 ne fait pas exception à cette règle puisque les crédits d'hébergement inscrits sont inférieurs de 5 % aux crédits exécutés en 2013. Cette insincérité budgétaire oblige l'État à accorder des rallonges multiples en cours d'année, ce qui déstabilise totalement le secteur. Mes adhérents sont composés d'associations qui ne savent pas si leurs places d'hébergement pourront rester ouvertes au-delà de trois mois, s'ils pourront continuer de suivre les personnes qui sont remises à la rue à chaque printemps – puisque l'État continue de développer les plans hivernaux bien qu'on sache depuis longtemps que la dangerosité de la rue est aussi forte l'été que l'hiver. Il y a donc un contexte anxiogène très fort lié à un très mauvais pilotage des crédits d'hébergement. Il faudrait au minimum que la loi de finances initiale prenne en compte l'ensemble des dépenses constatées l'année n – 1.

La tension budgétaire est liée également aux dysfonctionnements maintenant connus des fonds européens. La FNARS est concernée principalement par le Fonds social européen (FSE) et le Fonds européen pour les réfugiés (FER). Ces fonds, en particulier le FSE, sont devenus une terrible machine bureaucratique pour le secteur associatif. Des contrôles disproportionnés interviennent deux ou trois ans après que l'action a été réalisée, des crédits sont versés deux à trois ans, parfois plus, après que l'action a démarré. Résultat : seules les grandes associations, celles qui ont de la trésorerie, peuvent faire face à ces périodes de non-financement. Actuellement, un grand nombre d'adhérents ne sollicitent plus le FSE bien que les crédits nationaux soient en contraction et les besoins immenses. Le mécanisme de contrôle est ingérable et la mobilisation de ces fonds requerrait la création de postes administratifs dans nos associations. De surcroît, cette année sera « blanche » pour nous car nous sommes entre deux programmations FSE. Les plateformes d'accompagnement des demandeurs d'asile sont ainsi privées de crédits FSE alors que ces associations sont financées à 50 % par l'Union européenne. Bref, il faut revoir toute cette mécanique qui nous déstabilise.

Autre tendance inquiétante : le développement de la commande publique par rapport à d'autres modes de financement, notamment la subvention. Nous constatons un accroissement de 10 % par an de la part des marchés publics dans le financement des associations, ce qui représente pour celles-ci une perte de leur capacité d'initiative et d'innovation dans la mesure où elles sont soumises, dans le cadre de la commande publique, à un cahier des charges souvent fermé, à l'élaboration duquel elles n'ont pas nécessairement été associées. La commande publique contribue ainsi à une réduction du fait associatif, et entraîne une mise en concurrence et une perte d'autonomie. Or cette capacité d'autonomie est évidemment très importante. Sur ce point, la FNARS défend le conventionnement en matière de subventions. Or, si la loi relative à l'économie sociale et solidaire comporte une avancée avec la définition qu'elle donne de la subvention, nous constatons que celle-ci devient un mode de financement minoritaire dans le secteur social.

La fiscalité également est défavorable à l'emploi associatif. Comme vous le savez, le CICE ne bénéficie pas au secteur associatif alors que, comme l'a fort bien dit M. Balmary, les associations sont créatrices d'emplois d'utilité sociale reconnue et contribuent à la lutte contre le chômage et à la croissance dans notre pays. Certes, il y a bien eu un abattement de la taxe sur les salaires, mais cette mesure ne bénéficie qu'aux petites associations. Or ce sont les grandes qui embauchent le plus. Elles ne bénéficient pas non plus du CICE alors qu'elles sont souvent en concurrence avec le secteur privé sur un certain nombre de prestations. Ce crédit d'impôt a donc créé une situation de concurrence déloyale, qui n'a pas été totalement compensée par l'abattement que je viens de citer.

M. Balmary a évoqué la suppression de l'exonération de la taxe transport, taxe qui se monte à 2 % des salaires. Pour le secteur de la lutte contre l'exclusion, cette mesure se soldera par le versement de 100 millions d'euros aux autorités organisatrices de transports, ce qui est totalement inacceptable. Les CHRS, donc les crédits d'hébergement de l'État, vont ainsi financer les rames du RER ! Bien évidemment, les associations vont continuer à demander soit leur exonération, soit la compensation par l'État de cette charge nouvelle – en ce qui nous concerne, nous n'avons d'ailleurs pas d'autre choix puisque le secteur de la lutte contre l'exclusion est financé à 100 % par l'État. Toute taxe nouvelle doit être compensée, sinon nous serons obligés de fermer des places d'hébergement, de supprimer des emplois, ce qui serait tout à fait scandaleux.

Un mot pour finir sur la gouvernance du secteur associatif. La FNARS plaide, avec d'autres associations, pour une implication beaucoup plus forte dans cette gouvernance des personnes que nous accompagnons. Cette demande est confortée par le plan quinquennal de lutte contre la pauvreté, qui fixe notamment comme priorité la participation des usagers et des personnes accompagnées aux instances de décision. Nous avons engagé des actions visant à faire entrer des personnes accompagnées dans les conseils d'administration. C'est le cas à la FNARS et chez un grand nombre de nos adhérents, soucieux de reconnaître plus fortement l'expertise des personnes qui bénéficient de nos prestations.

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