L'UNA fait partie de la branche de l'aide et des soins à domicile ; sur les 220 000 salariés qui relèvent de celle-ci, ses 900 associations en emploient un peu plus de 80 000. Selon les prévisionnistes, le secteur était appelé à devenir un gisement d'emplois mais, même si nous ne désespérons pas qu'il en soit ainsi, nous constatons plutôt une stagnation de ce point de vue depuis deux ou trois ans. Toutefois, la situation de nos concurrents du secteur lucratif privé n'est guère meilleure, ce qui montre que le problème n'est pas circonscrit aux associations. Il est plus global.
L'idée selon laquelle le secteur associatif en général et le secteur de l'aide à domicile en particulier auraient des difficultés parce qu'ils seraient mal gérés doit de toute façon être balayée. L'ensemble de la branche, et pas seulement l'UNA, a fait d'énormes efforts depuis une dizaine d'années dans le cadre de plans de modernisation, soutenus par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) qui a dégagé à cette fin une enveloppe dont le montant a été distribué par l'intermédiaire des conseils généraux ou des fédérations d'aide à domicile. Et comme nous consacrons plus de 2 % de la masse salariale à la formation professionnelle, nos salariés sont de plus en plus qualifiés…
Nos difficultés sont bien connues. Elles tiennent en premier lieu au fait que nous avons dans notre secteur de l'aide et des soins à domicile plusieurs interlocuteurs – la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), la direction générale de la compétitivité, de l'industrie et des services (DGCIS), etc. – et sommes soumis à plusieurs modes de réglementation, mais que nous ne disposons pas de véritable gouvernance nationale. On pourrait penser que la CNSA joue ce rôle, mais tel n'est pas le cas. Elle n'intervient financièrement que de façon marginale : le coût des plans de modernisation que j'évoquais à l'instant est estimé à une centaine de millions et ce n'est pas sur le fondement de ce montant qu'on peut piloter un secteur. D'autre part, si elle redistribue aux conseils généraux la part nationale des crédits d'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et de prestation de compensation du handicap (PCH), elle n'intervient pas autrement dans la gestion de ces deux prestations.
Nous souffrons aussi de l'éclatement de l'action sociale entre les différents conseils généraux, qui pratiquent des tarifications différentes. Notre secteur est également caractérisé par l'existence de régimes réglementaires très divers, un régime d'autorisation et un régime d'agrément, qui contribuent encore à la différenciation des tarifications. S'agissant de l'autorisation, par exemple, il n'y a pas véritablement d'échelle nationale des coûts et l'on relève, dans des départements tout à fait comparables et pour les mêmes activités, des tarifications allant de 18 à 23 euros de l'heure.
S'ajoutent à cela les difficultés croissantes rencontrées par les conseils généraux pour financer leur part de l'APA et de la PCH – qui est en moyenne de 70 %. Or, depuis des années, ces prestations sociales contribuent majoritairement au financement de notre secteur et ces difficultés ont bien sûr des répercussions à la fois sur les personnes en perte d'autonomie et sur nos services.
Nous espérions beaucoup des mesures en faveur de l'emploi annoncées par le Gouvernement. Las, le CICE ne nous concerne pas ! J'y reviendrai.
Toutes ces difficultés nous conduisent à avancer un certain nombre de propositions.
Tout d'abord, nous préconisons d'aller vers un régime unique d'autorisation, auquel seront soumis le privé comme l'associatif, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs – cette proposition se retrouve dans les récents rapports de deux sénateurs et de la Cour des comptes. D'autre part, avec l'Assemblée des départements de France, les fédérations d'aide à domicile ont, depuis 2010, entamé un travail en vue de refonder les relations entre leurs services et les conseils généraux et ont fait des propositions pour réformer la tarification. Nous souhaitons que, dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à l'adaptation de la société au vieillissement, le législateur s'empare de ces deux sujets afin de lancer le débat et d'aboutir à un système plus satisfaisant que le système actuel.
Nous connaissons l'état des finances publiques, mais nous serons attentifs à la bonne affectation de la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (CASA), créée pour la prise en charge de la dépendance et pour l'instant affectée au fonds de solidarité vieillesse. L'année dernière, de nombreuses interventions ont été nécessaires pour qu'une partie en soit consacrée à un troisième fonds d'urgence. Il conviendrait que la CASA soit dès le début de l'année 2015 mise au service d'un secteur qui souffre durement.
S'agissant toujours du financement, je reprendrai la proposition de la Cour des comptes d'un débat sur l'ensemble des aides fiscales accordées au titre des services à la personne. Ne faudrait-il pas réduire ces incitations ou les plafonner plus strictement lorsqu'elles concernent des services de confort en contrepartie d'un effort plus accentué en faveur des services aux publics fragiles, tels que la petite enfance et les personnes en perte d'autonomie ? La Cour, dans son dernier rapport, avait présenté trois propositions visant à faire une économie de 1,3 milliard d'euros. Il nous semblerait intéressant de reprendre cette idée.
Enfin, une proposition de l'UNA, mais largement partagée, consisterait à créer un fonds d'investissement et de garantie qui permettrait de mieux organiser notre secteur.
Pour remédier à l'absence de gouvernance nationale, nous souhaitons que la CNSA soit dotée de prérogatives claires pour piloter ce secteur. Nous nous interrogeons également sur la gouvernance locale et sur son évolution. Dans le premier projet de loi Delaunay figurait l'idée d'une gouvernance territoriale, qui a disparu de la version actuelle. Nous aimerions que les parlementaires nous disent comment le secteur sera organisé au niveau local, ce qu'il adviendra des conseils généraux et si nos services seront rattachés, au cas où ceux-ci disparaîtraient, aux intercommunalités, à une fédération d'intercommunalités ou aux agences régionales de santé (ARS). Sur ces sujets, nous avons tout entendu ! Pouvez-vous nous assurer que la réforme ne créera pas plus de difficultés qu'il n'y en a actuellement ?
S'agissant du CICE, nous avons fait, dans le cadre de l'Union des employeurs de l'économie sociale et solidaire (UDES), une proposition que nous avons présentée aux services de la Présidence, du Premier ministre et des ministères concernés, lesquels l'on jugée intéressante, semble-t-il : celle d'une réforme du barème de la taxe sur les salaires. Nous allons vous la soumettre à nouveau dans le cadre du futur projet de loi de finances, l'idée étant que, parallèlement au CICE, il convient d'aider le monde associatif à tenir lui aussi son rôle dans la création d'emplois.