Le textile et l'habillement représentent encore en France 100 000 emplois et un chiffre d'affaires de 25 milliards d'euros, dont 14 milliards réalisés à l'exportation. Au niveau européen, le textile représente 175 milliards d'euros et 1,3 million d'emplois. Pour ce secteur, confronté à un marché intérieur caractérisé par la baisse de la consommation et par un taux de pénétration très important des importations à bas prix asiatiques, notamment chinoises, cette négociation avec les États-Unis apparaît décisive.
Dans le secteur du textile habillement, le solde des échanges bilatéraux entre la France et les États-Unis est d'ores et déjà excédentaire, s'élevant à quelque 400 millions d'euros. Au niveau européen, l'excédent se situe à 3 milliards d'euros environ. L'industrie européenne a donc tout à gagner d'un accord réussi, ambitieux et équilibré avec les États-Unis.
Notre position est offensive pour des raisons économiques évidentes. Nous nous heurtons aujourd'hui à des pics tarifaires extrêmement élevés puisque pour 100 à 120 produits – tissus haut de gamme ou prêt-à-porter féminin, sur lesquels la France et l'Italie tiennent des positions éminentes – les droits de douane dépassent 15 % et atteignent parfois jusqu'à 25 %. Nous attendons beaucoup de l'élimination de ces pics douaniers, que nous espérons immédiate alors que nos homologues américains plaident plutôt pour un échelonnage sur plusieurs années. Nous ne demandons d'ailleurs aucune exception, nos propres droits culminant aujourd'hui à 12 %.
Peu concerné par les problématiques régaliennes d'autorisations et de concessions, notre secteur est moins exposé aux protections non tarifaires. Nous devons travailler sur des sujets très concrets : étiquetage d'entretien, dénomination de fibres textiles, tests d'inflammabilité, reconnaissance de standards techniques pour des revêtements de sols ou des équipements de protection individuels. Nous menons un dialogue fructueux à l'échelle des professions et sommes également heureux de voir notre secteur faire l'objet d'un groupe de travail relativement efficace dans le cadre des négociations en cours.
Trois sujets restent pourtant d'actualité, et il faut attendre le prochain round des négociations qui se tiendra en octobre à Washington pour savoir sur quelles bases on entame ce dialogue : le rythme d'élimination des droits douaniers, qui représentent une recette non négligeable pour les États-Unis ; la question des règles d'origine, qui couvrent trois stades aux Etats-Unis et seulement deux en Europe ; l'accès aux marchés publics américains, très limité. En effet, les dispositions du Buy American Act et de l'amendement Berry empêchent par exemple des tisseurs cotonniers européens de fournir les confectionneurs américains qui réalisent des uniformes de douaniers ou de garde-côtes, pourtant dénués de toute valeur stratégique.
Les industries européenne et américaine du textile habillement apparaissent aujourd'hui fortement complémentaires : hautement créative, l'industrie européenne compte dans ses rangs des groupes de luxe de premier plan et traite toutes les matières premières – par exemple la soie ou le lin –, alors que les États-Unis utilisent des textiles plus sommaires tels que le coton et les fibres chimiques. L'investissement se porte bien des deux côtés de l'Atlantique, en particulier grâce aux possibilités de croissance dans les textiles à usage technique. La France bénéficie d'investissements significatifs de groupes textiles américains, notamment dans le domaine des composites, comme par exemple dans l'Isère où se trouve le premier tissage mondial de fibres de carbone destinées à l'aéronautique. Portés par cette bonne dynamique, nous restons mobilisés pour exprimer nos intérêts et chercher à dépasser les trois difficultés mentionnées.