Intervention de Robert Rochefort

Réunion du 9 septembre 2014 à 15h00
Commission des affaires européennes

Robert Rochefort, député européen :

Je voudrais éclairer le débat par un regard depuis Bruxelles et Strasbourg.

La question du TTIP a pris une importance croissante au fil de la dernière campagne européenne pour devenir l'un des enjeux centraux de l'élection. Pratiquement tous les partis français ont fini par adopter une position de refus du traité, au moins en l'état actuel des négociations ; ce thème fut également important dans plusieurs autres pays européens. S'il n'est pas largement débattu et expliqué, cet accord sera rejeté par les peuples. L'opposition se cristallise notamment sur les questions de sécurité alimentaire, de culture et plus généralement de projet de société. Dans ce contexte, les négociations sur le TTIP représentent un véritable combat – qui peut d'ailleurs se révéler plus long que ne le souhaitent les hautes autorités de l'État.

L'enjeu de cet accord m'apparaît beaucoup plus général qu'une relance économique ou des emplois que les PME pourraient gagner à court terme. Sans minimiser ces bénéfices, le traité – s'il est signé – définira le cadre et les normes du commerce mondial pour les cinquante ans à venir. Sa portée dépasse donc les États-Unis et l'Europe puisqu'il déterminera également notre rapport avec la Chine, l'Inde et d'autres pays.

La question des normes me semble à ce titre capitale. La négociation serait plus facile si tous les Européens défendaient les mêmes positions. Or nos désaccords sont multiples. Ainsi, les Français et les Italiens essaieront, en débattant la question de l'étiquetage, de réintroduire celle de la traçabilité et de l'origine des produits. Mais si nous luttons en ce sens, plusieurs pays d'Europe du Nord ne veulent pas en entendre parler ; le combat doit donc également être mené à l'intérieur de l'Union européenne. Loin de se réduire au seul aspect technique, la question des normes est ainsi profondément politique.

Gardons-nous de nous focaliser excessivement sur des points particuliers, qui sont autant d'arbres cachant la forêt. Ainsi, lors du débat sur le mandat de négociation, nous Français nous sommes totalement concentrés sur la question de l'exception culturelle ; avoir gagné sur ce point constitue une belle victoire, mais cette obsession nous a fait oublier tout le reste.

Si la marche des négociations semble aujourd'hui s'effectuer sans pilote politique, c'est que nous ne disposons pas encore d'une Commission. Or si Karel de Gucht a pu donner l'impression d'avoir voulu tout diriger lui-même, la façon dont Jean-Claude Juncker aborde les discussions me rend relativement optimiste. L'Union européenne joue gros dans ces négociations ; il faut donc espérer que la nouvelle Commission arrivera à bien hiérarchiser les priorités.

Ce n'est pas la transparence qui représente le principal problème des négociations, mais plutôt la difficulté à y associer les différents partenaires, en particulier politiques – tels que les parlements nationaux et le Parlement européen –, et à les faire travailler ensemble. Il nous faut inventer de nouvelles méthodes pour assurer cette coopération.

Enfin, si nous sommes plutôt favorables à l'élimination des barrières douanières, nous espérons que cette perte de l'une des rares recettes propres de l'Union européenne sera compensée d'une autre façon. En effet, vu la faiblesse du budget européen, notre position sur ce point peut apparaître suicidaire.

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