Intervention de Michel Guilbaud

Réunion du 16 septembre 2014 à 21h00
Commission spéciale pour l'examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte

Michel Guilbaud, directeur général du MEDEF :

Il me semble que cette schizophrénie s'efface quand il s'agit de chercher la bonne voie pour l'économie française.

Le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte est un texte majeur, que nous abordons de manière résolument positive, car nous assumons, sur le plan industriel et économique, la nécessité de la transition. Celle-ci est attendue tant par nos concitoyens que par les entreprises, pour lesquelles elle constituera un facteur de développement et d'investissement. Lors de son université d'été, le MEDEF l'a d'ailleurs intégrée à la liste des grands défis que l'économie française devra relever à l'horizon de 2020.

Ces dernières années, le paysage mondial de l'énergie, facteur clé de compétitivité, de croissance et d'emploi, a été bouleversé. On a vu apparaître de nouveaux enjeux, comme l'efficacité énergétique, les villes durables, la mobilité dans un monde aux ressources limitées ou l'adaptation au changement climatique. Nous assistons en même temps à la transition énergétique allemande, à la révolution énergétique aux États-Unis et à l'exploration et à l'exploitation des gaz et huiles non conventionnels. Ces évolutions modifient profondément le scénario énergétique et industriel des grandes puissances.

La France a longtemps bénéficié d'une relative indépendance énergétique et d'un prix de l'énergie particulièrement compétitif, mais cet avantage relatif tend à se réduire pour les industriels. Les politiques énergétiques de nos partenaires, notamment de l'Allemagne, intègrent un volet de protection de l'industrie. Les Allemands ont pris des mesures qui ont réduit de 20 % le prix effectif de l'électricité pour ses industriels fortement consommateurs, rapporté à celui que paient leurs homologues français. L'écart pourrait atteindre 25 % en 2014.

Le moment est venu pour la France de partager une vision positive de l'énergie, qui lui permettra d'aller vers une économie durablement compétitive. Le projet de loi est une opportunité de diversifier notre mix énergétique en développant les énergies renouvelables, ce qui améliorera notre efficacité énergétique et sécurisera notre approvisionnement.

La France possède des atouts, au premier rang desquels figurent ses champions de l'énergie : producteurs, fournisseurs, acteurs de l'efficacité énergétique, opérateurs de réseaux, industries consommatrices, fournisseurs de solutions dans l'industrie, le bâtiment et les transports. Le MEDEF est garant de leur capacité de dialoguer ensemble afin de trouver des solutions.

Nous souhaitons que le projet de loi permette aux entreprises d'exprimer leur dynamisme et leur créativité dans tous les domaines de la recherche et de l'innovation, et de s'appuyer sur leur expertise. La transition doit s'appuyer sur le patrimoine que constituent le réseau électrique et son parc nucléaire et hydroélectrique faiblement émetteur de gaz à effet de serre (GES), le réseau de gaz, les infrastructures d'approvisionnement et de production de produits pétroliers, le patrimoine des collectivités et les ressources réparties sur le territoire.

La transition, qui engagera des dizaines de milliards d'euros d'investissement, doit s'inscrire dans la durée. Pour réussir le changement, il faut le préparer, en prévoyant une allocation optimale des moyens en fonction de nos marges de manoeuvre financières, budgétaires et surtout économiques, puisqu'on ignore ce que sera notre taux de croissance dans les prochaines années. Certaines actions en matière de transition énergétique – par exemple les gains d'efficacité – nécessitent de la croissance économique, que d'autres permettront de doper.

Le débat sur la transition énergétique, dans lequel le MEDEF s'est fortement impliqué, a été long et difficile, mais les échanges passionnés, parfois clivants, ont toujours été respectueux.

Nous nous félicitons que le projet de loi ait retenu plusieurs de nos priorités.

Il était essentiel de reconnaître la compétitivité comme un objectif structurant de la transition énergétique. Les objectifs généraux mentionnent la mobilisation de toutes les filières industrielles et pas seulement celles de la croissance verte. L'essentiel est non de développer une filière verte, mais de verdir l'ensemble de l'économie, ce qui suppose d'étudier la manière dont chaque filière industrielle peut contribuer à la transition écologique et énergétique.

Cette insistance sur la compétitivité, qui n'était même pas mentionnée dans les premiers travaux, est un sujet de satisfaction pour le MEDEF. Nous saluons le travail accompli par le groupe compétitivité coprésidé par Denis Baupin, rapporteur du texte, et le dialogue très constructif qu'il a mené avec un représentant des entreprises.

Nous nous réjouissons, en deuxième lieu, que le texte ait l'ambition de conforter l'excellente position de la France en matière de lutte contre le changement climatique. Les entreprises souhaitent s'impliquer dans la préparation de la conférence Paris Climat COP21, qui se tiendra à Paris en décembre 2015.

Nous nous félicitons que des objectifs soient annoncés avec suffisamment d'avance pour offrir une visibilité aux acteurs économiques.

Nous apprécions le pragmatisme dont témoignent l'introduction d'un nouvel outil de programmation des investissements énergétiques et l'examen périodique, au vu de la situation économique, de l'atteinte des objectifs. Ces mesures sont précieuses, car nous travaillons sur le long terme dans un contexte incertain.

La mise en avant du rôle de l'efficacité énergétique dans le bâtiment est un autre acquis du texte, qui mise sur l'efficacité passive pour accélérer l'effort de rénovation. Il faudra compléter cette avancée en favorisant aussi l'efficacité active.

Le texte rapproche heureusement les mécanismes de financement des énergies renouvelables (EnR) d'une logique de marché, ce qui améliorera le rapport coûtefficacité, même si cette évolution n'exclut pas un soutien mutualisé aux EnR.

Le texte simplifie à bon escient les procédures en matière d'énergies renouvelables et d'infrastructures. Il affirme enfin le rôle majeur de la recherche et de l'innovation dans la politique énergétique.

En dépit de ces avancées, les entreprises conservent des attentes fortes et des sujets de préoccupation.

Tout d'abord, le texte met la compétitivité au rang des principes, sans la décliner sur le plan opérationnel. Le mot devrait figurer dans les objectifs du projet ainsi que dans l'intitulé du titre I. D'autre part, l'article 1er pourrait mentionner, à côté des objectifs énergétiques et climatiques – réduction des émissions, efficacité énergétique –, des objectifs liés à la compétitivité, comme celui de fournir de l'énergie à des prix en rapport avec la concurrence internationale.

Au titre VII, les articles 43 et 44, qui traitent des électro-intensifs, portent essentiellement sur le tarif de réseau. Dès lors que nos concurrents utilisent d'autres atouts, il faut compléter ces mesures, notamment par des dispositions sur les gazo-intensifs.

Au titre VIII, l'article 49 porte sur la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), qui comprend quatre volets : sécurité d'approvisionnement, efficacité énergétique, EnR, réseaux. Il faut en ajouter un autre : la préservation de la compétitivité des prix de l'énergie pour les consommateurs, particulièrement les entreprises exposées à la concurrence internationale. On doit construire un véritable outil de pilotage économique qui s'appuie sur des scénarios robustes, si l'on veut garantir la cohérence des objectifs et des trajectoires avec la conjoncture économique, les ressources mobilisables et le contexte européen et international. Ce pilotage permettra de choisir les meilleures solutions en fonction de leur rapport coût efficacité. Nous formulerons des propositions en ce sens.

D'autre part, si nous prenons acte des objectifs énergétiques et climatiques fixés par l'article 1er, nous regrettons que leur multiplicité rende le pilotage complexe et la visibilité incertaine. Le texte met sur le même plan des objectifs réels, comme la baisse des émissions de GES – qui devrait être au coeur du dispositif –, et des objectifs de moyens, comme la composition du mix énergétique ou la baisse de la consommation. La réduction des émissions doit être conditionnée en 2015 par un accord climatique international contraignant. Nous appuierons les efforts de notre pays en ce sens, sachant qu'une action française et européenne qui ne serait pas suivie par les autres puissances ferait courir un risque important à nos entreprises.

Troisièmement, l'efficacité énergétique doit être encouragée dans une approche globale. Dans le titre II, il faut inclure à l'article 5 des technologies d'efficacité énergétique actives, comme le pilotage des consommations et le numérique, ainsi que la dimension humaine du pilotage.

Quatrièmement, il faut compléter les dispositions relatives à la gouvernance. Au titre VIII, on doit élargir l'importance que l'article 53 accorde à la recherche et développement (R&D), et lever l'interdiction de la recherche et de l'exploration de toutes les formes d'énergie, en particulier des ressources énergétiques non conventionnelles. Une dynamique d'innovation n'est pas incompatible avec le respect du principe de précaution.

Au titre VIII, l'article 56 doit encourager la dynamique des territoires à énergie positive, tout en respectant le principe de la solidarité nationale. Le système électrique s'est construit dans une cohérence nationale fondée sur la mutualisation, garante de l'équilibre du système. Veillons à ce que les initiatives locales ne remettent pas cette organisation en cause.

De manière générale, les instances qui seront mises en place, notamment par voie réglementaire, devront donner leur place aux entreprises.

Cinquièmement, l'étude d'impact doit être renforcée sur le plan économique. Elle doit évaluer l'effet des mesures sur le prix de l'énergie, donc sur l'activité des consommateurs d'énergie, sur leur compétitivité intra- et extra-européenne, sur les enjeux industriels et sur l'emploi.

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