Intervention de Guillaume de Bodard

Réunion du 16 septembre 2014 à 21h00
Commission spéciale pour l'examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte

Guillaume de Bodard, président de la commission environnement et développement durable de la CGPME :

La CGPME est une organisation patronale interprofessionnelle qui représente les TPE et les PME, c'est-à-dire des entreprises qui emploient moins de 250 salariés. Celles-ci sont essentiellement familiales et patrimoniales. La France compte 3 millions d'entreprises, dont 5 000 emploient plus de 250 salariés et 2,8 millions moins de 9 salariés.

Comme le MEDEF, la CGPME a participé activement aux débats difficiles mais fructueux qui ont permis d'établir une synthèse des propositions. Le projet de loi, qui en reprend la plupart, est un texte équilibré dans lequel les parties peuvent se retrouver, pourvu que les objectifs soient réalisables et leur coût économique acceptable.

Nous éprouvons toutefois quelques regrets. Les TPE-PME, sans lesquelles on ne peut réussir la transition énergétique, apparaissent trop peu dans le projet de loi.

Celui-ci se concentre sur l'efficacité passive, alors qu'il existe en France beaucoup d'innovations en matière d'efficacité active, par exemple grâce aux réseaux intelligents (smart grids).

Le projet de loi traite de l'économie circulaire, alors que la Conférence environnementale de l'automne 2013 n'avait pas conclu à la nécessité de prendre de dispositions législatives dans ce domaine.

La formation, sujet consensuel, dont l'urgence est reconnue par tous, n'apparaît pas assez dans le texte. Nous avions observé le même travers en 2007 dans le Grenelle de l'environnement.

Le projet de loi prévoit de multiples recours aux ordonnances sur des sujets très importants, ce qui risque de priver les entreprises d'une vision précise.

Nous souhaitons que le texte respecte certains principes. Il doit dessiner une trajectoire claire afin de porter la transition énergétique dans toutes ses composantes : efficacité énergétique, mix énergétique équilibré, grâce au développement des EnR, financements adaptés, réseaux de distribution, développement de la R&D comme de la formation. Nous sommes très attachés à ce que les objectifs soient réalistes et non idéologiques, de même que nous tenons à l'indépendance énergétique, à la stabilité des prix et à la garantie de la compétitivité des entreprises, en particulier des TPE et des PME. Ces éléments constitutifs d'une trajectoire claire et définie sont arrivés tardivement dans le débat, alors qu'il faut fixer des orientations stratégiques, qui doivent s'inscrire dans une politique européenne de l'énergie. Enfin, nous regrettons que de nombreux objectifs du texte ne semblent guère réalistes.

Le deuxième principe auquel nous sommes attachés est la compétitivité. Les entreprises françaises disposent d'un avantage concurrentiel important par rapport à leurs voisins européens et internationaux : le prix de l'énergie. Le sujet est stratégique pour les TPE-PME, dont les marges ont baissé de 20 % à 30 % en France entre 2000 et 2011, tandis qu'elles progressaient de 7 % en Allemagne pendant la même période. Dans notre pays, 63 000 entreprises déposent le bilan chaque année. Nombreuses sont celles qui connaissent la précarité énergétique, par exemple dans le secteur de la logistique des transports ou de l'hôtellerie. Il faut donner aux entreprises une visibilité à long terme, se doter des outils nécessaires pour mesurer les conséquences de la transition énergétique et retenir l'innovation comme un axe prioritaire de cette transition et de son financement.

Le troisième principe est d'agir sur la demande, en favorisant l'efficacité énergétique plus que la sobriété, qui risquerait d'entraîner une croissance zéro, voire une décroissance. Si nous ne croyons guère à la possibilité de diviser par deux la consommation finale, objectif qui n'a fait l'objet d'aucune étude d'impact sérieuse, une meilleure efficacité énergétique permettrait de réduire la consommation en conservant le niveau de confort actuel.

J'en viens à quelques points du projet de loi. La CGPME est globalement favorable au titre II, notamment aux dispositions qui permettent les travaux de rénovation aux moments-clés de la vie du bâtiment, à condition qu'elles soient bien encadrées. Deux questions nous préoccupent toutefois.

La première est la cohabitation de deux réglementations. Le Grenelle 2 oblige les entreprises à réduire de 38 % leur consommation énergétique avant 2020 dans le tertiaire existant, ce qui pose des difficultés majeures de mise en oeuvre. Pourtant, le décret d'application de cette mesure n'est toujours pas disponible. On pourrait profiter du projet de loi pour supprimer cette disposition et permettre le déploiement du dispositif d'étude préalable.

La seconde question concerne l'étude de faisabilité, qui devrait jouer un rôle incitatif sans créer d'obligation aux chefs d'entreprise.

Le transport a fait d'énormes progrès en termes de réduction des GES, mais, dans ce secteur, les marges des entreprises sont faibles. Au lieu de privilégier le tout-électrique, comme le fait le projet de loi, la CGPME propose de favoriser également d'autres technologies, comme les biocarburants ou l'hydrogène. Le texte oblige les grandes entreprises de la distribution à mettre en place un programme d'action pour réduire l'émission de GES, mais à quoi bon stigmatiser une profession qui risque de reporter ses obligations sur les entreprises sous-traitantes, notamment les transporteurs ?

Nous ne croyons pas que, dès 2020, on puisse réduire de 30 % par rapport à 2010 la quantité de déchets non dangereux non inertes admis en installation de stockage. La CGPME propose d'établir des seuils annuels permettant d'anticiper la progression et d'ajuster les objectifs. Elle rappelle qu'il est important de poursuivre la lutte contre les sites illégaux de tri et de traitement des déchets, nos entreprises ne pouvant pas lutter contre des concurrents qui s'affranchissent de toute contrainte. Il faut aussi rappeler que le développement du recyclage est conditionné par l'existence de débouchés et d'un marché aval pour les matières issues des déchets. Dans le cadre des filières de responsabilité élargie du producteur (REP), qui instaurent la proximité dans la gestion des déchets, les cahiers des charges des éco-organismes doivent mettre en place des incitations proportionnées à la poursuite d'un intérêt général. Mais le principe de proximité ne doit pas faire oublier les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Dans certains cas, il n'est ni possible ni rentable d'obliger les entreprises à retraiter des déchets sur le territoire français.

Enfin, le projet de loi reprend assez fidèlement les débats sur les EnR, qui se sont tenus au sein du groupe de travail. La CGPME propose de développer l'ensemble des EnR et non pas simplement le photovoltaïque. Il est favorable au développement industriel et territorialisé des filières EnR pour les TPE-PME, à l'instauration d'un cadre ne déstabilisant pas la filière – évitons de reproduire l'épisode malheureux du moratoire photovoltaïque – et à la simplification de la réglementation et des démarches administratives obligatoires pour la mise en oeuvre des projets d'EnR. Le projet de loi semble avoir bien repris ces propositions.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion