Intervention de Michel Guilbaud

Réunion du 16 septembre 2014 à 21h00
Commission spéciale pour l'examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte

Michel Guilbaud, directeur général du MEDEF :

Le concept de compétitivité, pourtant bien accepté de tous aujourd'hui, demeure, comme le concept de croissance, un peu abstrait aux yeux de chacun. La compétitivité, qui est la capacité d'être présent sur les marchés européens et mondiaux dans des conditions de concurrence équitable, afin de vendre à des prix alors qualifiés de « compétitifs », est constituée de différents facteurs, qu'on ne peut isoler : l'énergie, le coût du travail, la fiscalité, la valeur de l'euro pour les exportations hors zone euro. S'agissant de nos exportations à l'intérieur de cette zone, d'autres facteurs que la valeur de l'euro jouent évidemment pour expliquer notre manque de compétitivité et le fait que nous perdions régulièrement des parts de marchés.

Les entreprises françaises ont le taux de marge le plus faible d'Europe. La différence est phénoménale par rapport à l'Allemagne : 28 % d'excédent brut d'exploitation ramené à la valeur ajoutée pour la France contre 40 % pour l'Allemagne. L'énergie est un des éléments de la compétitivité : certes, son prix n'explique pas tout, mais il peut devenir très vite un facteur aggravant.

En matière de transition énergétique, les entreprises ne demandent pas de mesure de soutien particulière, exception faite des industries électro-intensives et gazo-intensives, que la plupart des pays du monde traitent de manière spécifique. Le fait que la part de l'intrant énergétique soit majeure dans la valeur ajoutée d'un secteur – d'une moyenne de 14 % dans l'industrie, elle passe à 50 % dans la plasturgie et la chimie – justifie des mesures ciblées.

S'agissant de l'ensemble des entreprises, nous demandons simplement que la transition énergétique prenne en compte le facteur économique. Si nous ne contestons pas les objectifs – lutter contre le changement climatique, préserver les approvisionnements énergétiques –, il faut absolument que, pour réussir la transition, la loi fixe un critère de compétitivité économique. Il est a minima nécessaire de prendre en compte le facteur énergétique dans la compétitivité des entreprises. Si nous avons déploré que l'impact économique n'ait pas été évalué – nous l'avions souligné lors de l'adoption du texte en conseil des ministres –, le projet de loi nous paraît en revanche relativement pragmatique puisqu'il prévoit une programmation pluriannuelle et crée des outils permettant d'adapter les grands objectifs à l'évolution, notamment, de la croissance – il serait toutefois souhaitable que le texte soit encore plus précis sur ce point.

Alors que, d'un côté, l'énergie apparaît comme un facteur parmi d'autres de l'économie – une loi n'est pas là pour déterminer le fonctionnement des différents éléments qui constituent le marché –, de l'autre, elle exige une programmation à long terme des investissements dans le cadre d'une régulation des réseaux : le marché de l'énergie n'est donc pas totalement libre. C'est pourquoi personne ne saurait évaluer le mix énergétique optimal à l'horizon 2030. Aussi aurait-il été souhaitable, dans le cadre du débat national, de prévoir plusieurs scénarios, établis en fonction de la part laissée dans le mix énergétique à chaque type d'énergie – nucléaire, énergies renouvelables, gaz, pétrole, etc.

Nous sommes favorables, je le répète, au pragmatisme du texte qui prévoit de conduire la politique énergétique de la France dans le cadre d'une stratégie bas carbone sur quinze ans revue tous les cinq ans et d'une programmation pluriannuelle de l'énergie. Les opérateurs de l'énergie que vous avez auditionnés ont pu vous apporter des réponses plus précises en la matière. Les consommateurs que nous sommes espèrent que le prix de l'énergie évoluera au mieux de l'économie.

Nous reconnaissons bien volontiers, d'ailleurs, que certaines catégories justifient des mesures spécifiques de soutien : d'un côté du spectre, les ménages en précarité énergétique, de l'autre, les industries électro-intensives. Quant à la masse des consommateurs, ils devront bénéficier d'un prix maîtrisé.

Chacun s'accorde à reconnaître que la transition énergétique aura un coût, puisqu'elle nécessitera d'énormes investissements. Il en sera ainsi du nucléaire, qui sera plus cher demain qu'aujourd'hui, et des autres formes d'énergie, qui subiront toutes des aléas entraînant sans aucun doute leur surenchérissement. On ne peut que souhaiter la mise en place de dispositifs de pilotage du mix énergétique qui soient les meilleurs possible.

Quant au coût des industries électro-intensives, il faut prendre en compte non seulement le transport, mais également la CSPE et les taxes qui, d'une manière générale, sont payées par les opérateurs, ainsi que les mécanismes d'effacement.

S'agissant du nombre d'emplois ou du taux de PIB liés à la croissance verte, nous nous refusons à donner des chiffres. Non que nous refusions le concept de croissance verte, mais, de même que le numérique s'est traduit par de nouveaux business models, de même la transition énergétique se traduira par le verdissement de toute l'économie. Toutes les filières industrielles devront diminuer leur émission de gaz à effet de serre. On ne saurait donc réduire la filière verte aux entreprises qui aideront les autres à s'équiper en dispositifs moins énergivores, puisque toutes les technologies devront être mises au service de la croissance verte. C'est pourquoi, s'agissant notamment du nombre d'emplois qui seront créés par la transition énergétique, nous contestons généralement les chiffres qui sont avancés : faute d'une définition précise de la croissance verte, nous ignorons comment ils ont pu être établis.

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