Le projet de loi ne parle pas, ou peu, des départements. Est-ce à dire qu'ils ne constituent pas un échelon pertinent dans la mise en oeuvre de la politique énergétique, ou leur disparition est-elle d'ores et déjà programmée ? Quoi qu'il en soit, cette loi s'inscrit dans la suite logique des lois « Grenelle 1 » et « Grenelle 2 », dont j'ai été le rapporteur au Sénat. J'ajoute que, invité au titre de mes fonctions au sein de l'ADF, je m'exprimerai également en tant que président de l'Office parlementaire pour l'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST).
L'ADF regrette la décision du Gouvernement de recourir à la procédure accélérée. Elle déplore surtout, je l'ai dit, que le projet de loi anticipe clairement la disparition des départements. Elle s'étonne enfin d'un paradoxe majeur : alors que les objectifs fixés sont très ambitieux, ce qui nécessite de mobiliser tous les acteurs, le Gouvernement fait le choix de se passer du concours des conseils généraux, alors même qu'ils jouent un rôle très important dans la mise en place des plans climat-énergie territoriaux (PCET). Plus globalement, à l'exception des départements qui comptent une métropole, le conseil général reste un acteur incontournable pour relayer et renforcer l'impact des politiques nationales.
Les conseils généraux jouent un rôle majeur dans quatre domaines. L'action sociale, qui est leur coeur de métier, représente la moitié de leurs dépenses de fonctionnement. En matière de prévention de la précarité énergétique, ils gèrent les aides financières liées au Fonds de solidarité pour le logement, qui permettent de réduire la facture des ménages aux ressources modestes.
Les conseils généraux sont également nombreux à financer des espaces info-énergie pour la promotion des énergies renouvelables. Beaucoup gèrent aussi des aides à la pierre et interviennent donc dans le domaine du logement. C'est pourquoi l'ADF propose de retenir l'échelon départemental comme maillon d'information et de mutualisation des moyens entre tous les acteurs publics de la transition énergétique. Il s'agirait d'être en mesure d'accueillir le public mais surtout de le renseigner et de monter avec les demandeurs les dossiers d'aide, que les financements relèvent de l'État, de l'ADEME, des conseils régionaux ou des conseils généraux.
Plus largement, les conseils généraux disposent d'une vraie capacité d'ingénierie, qu'ils peuvent mettre au service des autres collectivités, comme les communes, qui en sont dépourvues et sont souvent démunies pour assurer les maîtrises d'ouvrage depuis le désengagement de l'État de ses missions d'assistance technique. L'appel à projet concernant les méthaniseurs prévu par le projet de loi pour le monde rural pourrait ainsi mobiliser les conseils généraux au côté des communes.
Les conseils généraux sont enfin impliqués dans les actions de rénovation thermique. En équipant de panneaux solaires ou de chaufferies bois leurs collèges, ils soutiennent le développement des énergies renouvelables et s'inscrivent dans le cadre de la politique voulue par le Gouvernement.
Si la construction de nouveaux bâtiments publics doit, comme le propose l'article 4, être l'occasion d'atteindre le label BEPOS – bâtiment à énergie positive –, la réglementation ne doit pas alourdir les charges des conseils généraux. Je pense notamment aux obligations thermiques auxquelles sont soumis les bâtiments tertiaires par la loi « Grenelle 2 » : les décrets d'application ne sont fort heureusement pas sortis, mais l'impact d'une telle mesure se chiffrerait, toutes collectivités confondues à plus de 50 milliards d'euros.
Les conseils généraux peuvent, cela étant, contribuer à renforcer l'impact de cette loi, pour peu que le Parlement veille à mieux intégrer cet échelon-clef parmi les acteurs publics concernés.
Je vous renverrai, en conclusion, à deux rapports d'information produits par l'OPECST. Le titre du premier, rédigé par le député Jean-Yves Le Déaut et le sénateur Marcel Deneux parle de lui-même : « Les freins réglementaires à l'innovation en matière d'économies d'énergie dans le bâtiment : le besoin d'une thérapie de choc ». Ses auteurs posent notamment la question du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB).
Le second, que j'ai coécrit il y a quelques années avec les députés Christian Bataille et Claude Birraux, se penchait sur la transition énergétique et le temps nécessaire pour diminuer la part du nucléaire dans notre production d'électricité. Nos conclusions étaient qu'il était irréaliste de vouloir aller trop vite et que ramener la part du nucléaire à 50 % d'ici à 2025 était un objectif excessivement ambitieux. L'OPECST plaidait donc pour une trajectoire raisonnée, prévoyant d'atteindre cet objectif à la fin du siècle. Une telle diminution correspond en effet à une réduction de l'ordre de 20 à 25 gigawatts de notre production d'énergie nucléaire, soit l'équivalent d'un jour de consommation d'électricité par semaine !