Intervention de Jean-Hervé Lorenzi

Réunion du 11 septembre 2014 à 8h00
Mission d'information sur la candidature de la france à l'exposition universelle de 2025

Jean-Hervé Lorenzi, président du Cercle des économistes :

Sur ce sujet, je suis moins impliqué que M. de Boissieu, vice-président d'Expo France 2025. Ma position relève essentiellement d'une perception intuitive.

Je me suis cependant penché sur le bilan de l'exposition universelle de Shanghai. Au vu de ses résultats – 60 milliards de dollars d'investissement, pour 7 à 8 milliards de recettes touristiques –, il est difficile de conclure que l'opération a été rentable.

Dans mon livre Un monde de violences : l'économie mondiale 2015-2030, j'insiste sur le fait que, depuis 2007, nous sommes entrés dans une période de croissance faible. Entre 2009 et 2013, on a cru, non sans naïveté, qu'il serait possible de réguler la finance et de confier au G20 la gouvernance mondiale de l'économie. La peur du gendarme ou de la crise ayant rapidement disparu, le cercle vertueux n'a pas duré au-delà de 2009. Par ailleurs, le progrès technique ne produit plus guère de résultats en matière de croissance. Les équilibres sociaux sont fragiles. Les inégalités ont explosé, comme l'a brillamment montré Thomas Piketty. La population vieillit. Ma conviction est que la croissance mondiale annuelle, jadis comprise entre 4 % et 5 %, se situera désormais entre 2,5 % et 3,5 %.

Il y a quelques jours, Patrick Artus, membre du Conseil d'analyse économique, a souligné qu'à moins d'un événement imprévu, le taux croissance français et européen – et, à mon sens, mondial – atteindra cette année 0,9 %. Le ralentissement concerne principalement les pays de l'OCDE. Autant dire qu'on ne peut pas croire aux discours enflammés sur la reprise allemande ou américaine.

Les prochaines années seront marquées par le ralentissement de la croissance économique mondiale et par la montée des intégrismes ou des populismes. Ce n'est pas la fin du monde, mais il faut avoir ces données en tête si l'on veut organiser un événement de grande ampleur.

En la matière, une exposition universelle semble plus porteuse pour notre pays que des Jeux olympiques. Elle nous obligera à présenter ce dont nous sommes capables et à mettre l'accent sur l'innovation, seul facteur qui puisse faire redémarrer la croissance mondiale. Dans ce domaine, on peut réfléchir par exemple au stockage de l'électricité ou au moyen d'exploiter des énergies renouvelables à moindre coût.

Le projet permettrait de redonner confiance à notre pays, en proie à la dépression : une partie des élites est obsédée par le déclin français, selon le mot trop connu de Nicolas Baverez, tandis qu'une autre fuit à l'étranger, pour des raisons pas toujours honorables.

Le projet d'exposition universelle s'inscrit dans une perspective macroéconomique caractérisée par un fort besoin d'investissement et une diminution de l'épargne. Celle-ci provenait naguère des pays émergents, principalement de la Chine, qui consommera davantage dans les dix prochaines années. Une population vieillissante perdant le goût du danger, l'épargne ne s'investira pas dans des placements risqués, ce qui fera remonter fortement les taux d'intérêt.

Votre projet – novateur mais plus modeste que celui des expositions universelles précédentes – me semble adapté à une période moins dynamique en termes de croissance ou d'évolution des revenus. Il mettra l'accent non sur les parfums, le luxe et ou tourisme, mais sur l'invention et la science, sources de progrès technologique. Il devra exclure tout clivage politique et s'adresser, à travers la jeunesse, à l'ensemble du pays.

À la mairie de Neuilly, monsieur le président, vous avez pris dans votre équipe le responsable européen de Microsoft. Son parcours incarne parfaitement des valeurs qui nous permettront de sortir de la dépression. Pour intervenir plusieurs fois par semaine devant des étudiants, je suis frappé par leur dynamisme, qui, hélas, trouve difficilement à s'employer. Si vous parvenez à le faire émerger, le Cercle des économistes sera derrière vous.

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