Il faut prendre en compte la distance maximale que peut parcourir le véhicule électrique sans être rechargé, mais 85 % des déplacements quotidiens de nos concitoyens ne dépassent pas 100 kilomètres. Le véhicule électrique ne constitue pas la réponse à tous les besoins ; sa diffusion doit peut-être s'accompagner d'une évolution comportementale et organisationnelle. Le partage du véhicule électrique pourrait être, à l'échelle du territoire, un complément aux voitures de plus longue portée. Il est également possible de combiner le véhicule électrique avec batterie et celui avec stockage hydrogène ; on peut imaginer utiliser la batterie pour un trajet de 100 kilomètres et la réserve d'hydrogène pour un parcours de 600 kilomètres – les valises prendraient alors la place de la batterie.
Les bornes seront des lieux de haute valeur ajoutée, et il ne faudra y rester que le temps de recharger le véhicule ; cela requerra de mettre de l'intelligence dans le système. Il serait légitime que la borne puisse demander au conducteur la quantité d'électricité dont il a besoin. Il faudra que le réseau soit capable de supporter l'électricité nécessaire aux sept millions de bornes.
Au CEA, nous avons conduit une expérience à Grenoble et Chambéry. Nous avons installé des panneaux photovoltaïques sur des maisons et utilisé un parc automobile de plusieurs dizaines de véhicules : la première année, nous n'avons récupéré que 30 % d'électricité et avons dû faire appel au réseau pour les autres 70 % ; après adaptation des recharges au comportement des gens, le taux de récupération est passé à 90 %. Il sera donc nécessaire de réguler et d'informer l'automobiliste pour optimiser la ressource du réseau. Je recommanderai au législateur de prévoir l'obligation d'établir une étude d'impact de ce qui existe déjà avant de passer à l'étape suivante. Personne ne peut prévoir aujourd'hui les comportements futurs sur le seul fondement des développements technologiques, et l'objectif reste de disposer d'un système économiquement viable.
Le coût du déploiement des sept millions de bornes dépendra du lieu où elles seront implantées et de leur répartition, dispersée ou concentrée, sur le territoire.
Des expérimentations de grande capacité de stockage sont menées, afin de pouvoir répondre aux besoins des habitants de zones isolées. Il convient d'éviter les décharges rapides et brutales en détournant les consommateurs des moments de pics. Les batteries sont limitées, mais les supercondensateurs permettent de répondre ponctuellement à une demande massive d'énergie : le CEA prend toute sa part dans les progrès actuellement réalisés dans ce domaine.
S'agissant du coût de production de l'hydrogène, l'hydrolyse alcaline à basse température présente des performances limitées. L'électrolyse à haute température, qui permet pourtant d'atteindre des rendements allant jusqu'à 90 %, n'est pas assez explorée. Ces technologies sont certes plus sophistiquées, mais leur utilisation ne se trouve pas hors de notre portée. La voie du stockage chimique de l'énergie permet d'envoyer immédiatement l'hydrogène produit sans avoir besoin de le stocker dans le réseau ; en mélangeant l'hydrogène et le méthane jusqu'à 25 %, on peut non seulement réduire la facture, mais aussi améliorer le rendement thermique. Le problème réside dans le coût de production qui ne diminuera pas sans progrès technique.
Le stockage hydraulique correspond à de l'énergie de très haute valeur. Le possesseur alternatif de cette énergie devra répondre aux pics plutôt que de la vendre en continu. Si on ouvre l'hydraulique à tous les producteurs, il faudra établir des contraintes.
Le texte s'avère insuffisant en matière de stockage thermique ; le chauffe-eau thermique constitue la première capacité de stockage de l'EnR. Pourquoi n'encourageons-nous pas davantage ce chauffe-eau solaire en France, qui me paraît au moins aussi important que la prise d'alimentation dans le bâtiment pour le véhicule électrique ? Nous développons aujourd'hui des systèmes de stockage solaire, ce procédé étant évidemment utile principalement dans les pays bénéficiant d'un ensoleillement élevé.
Je ne comprends pas que l'on place sur le même plan le véhicule électrique et celui à gaz de pétrole liquéfié (GPL) : soit nous souhaitons réduire notre dépendance aux énergies fossiles, soit l'enjeu est autre.
Le stockage connaît une révolution depuis une dizaine d'années déjà, avec une amélioration significative de la fiabilité et de la sûreté des batteries, ainsi que de la capacité d'emport ; ce mouvement devrait se poursuivre dans les dix ans qui viennent. Je ne crois pas au Grand Soir, mais au maintien d'un effort important de recherche fondamentale et technologique pour venir à bout de la complexité de la matière et pour réaliser des progrès. Ces derniers toucheront notamment à la gestion de la batterie ; nous devons développer le couplage des techniques de stockage avec la gestion de l'information associée. Par exemple, une batterie améliore son rendement en fonction de son état thermique. Les batteries lithium métal des véhicules parisiens Autolib' sont en connexion permanente afin de maintenir leur température et donc leur rendement – qui décline de 30 à 40 % en cas de température inappropriée. On peut donc optimiser sa batterie en acceptant de perdre un peu d'énergie électrique au profit du maintien d'une température aussi constante que possible.
Des petits bus électriques peuvent circuler, mais nous ne disposons pas de capacité d'emport d'énergie suffisante pour des plus gros. Il en existe qui peuvent partiellement se recharger à chaque arrêt, dans une logique d'optimisation de l'ensemble du système.
La recharge rapide ne doit être envisagée que pour le secours. Plutôt que des bornes, il faudrait imaginer des services, encouragés par la loi, qui répondent à la panne de batterie que redoute l'automobiliste.