Intervention de Marie Castelli

Réunion du 17 septembre 2014 à 21h00
Commission spéciale pour l'examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte

Marie Castelli, secrétaire générale d'AVERE France :

Les annonces de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie concernent non pas des bornes de recharge, mais des points de charge. Dans ces derniers, un véhicule peut stationner et se brancher, alors qu'une borne comporte plusieurs points de charge ; les stations de recharge sont constituées de plusieurs bornes de recharge. Les sept millions de points de charge seront à la fois publics et privés ; ce chiffre peut paraître énorme, mais il s'agit de la prise domestique – éventuellement renforcée – de la personne disposant de son véhicule à son domicile. Le coût de ce plan dépendra de la répartition de leur localisation entre l'espace privé, l'entreprise et le domaine public, de même que des types de puissance choisis. Le prix d'un point pour un particulier s'élève à 500 euros, et non à plusieurs milliers d'euros. Le point public permettant de recharger le véhicule en six à huit heures coûte autour de 5 000 euros, et les bornes rapides – qui doivent en effet rester de secours – exigent un investissement de 30 000 à 50 000 euros. Mais ce sont les points chez les particuliers qui se trouvent au coeur du plan, si bien que son coût total s'avère moins important que ce que l'on a pu entendre, même s'il reste difficile à évaluer à l'avance.

L'impact sur le réseau dépendra des puissances appelées ; la recharge normale de 3 kilowatts n'est pas très exigeante et la recharge rapide – demandant 50 kilowatts – pèsera davantage sur le réseau, d'où l'importance de l'utilisation intelligente, comme l'a souligné M. Bernard Bigot. Le smart grid doit être intégré aux infrastructures de recharge, qui doivent être capables de gérer la recharge des véhicules en la programmant aux heures creuses lorsque la consommation est faible et en délivrant la puissance en fonction de la fragilité du réseau.

La moyenne de déplacement quotidien des Français est de 31 kilomètres ; or un véhicule électrique possède une autonomie comprise entre 150 et 200 kilomètres selon la façon dont il est conduit. Il répond donc aux besoins des trajets pendulaires de la plupart de nos concitoyens, même s'il ne correspond pas à tous les usages. Il convient d'installer un réseau de bornes de recharge rapide – de dimension limitée dans un premier temps – sur les grands axes routiers, afin d'étendre les capacités du véhicule électrique, et d'atteindre un mix énergétique dans les transports. Le projet de loi s'inscrit dans l'ère de la rationalisation de l'utilisation de l'énergie, que l'on doit faire correspondre aux besoins et aux usages. Dans ce cadre, le véhicule électrique n'est pas pertinent partout et tout le temps ; l'hybride et l'hydrogène, voire le gaz, doivent être également utilisés. L'option électrique s'avère, en revanche, la meilleure dans l'optique de l'indépendance énergétique de la France. Au final, le problème de l'autonomie des véhicules électriques apparaît surévalué lorsqu'on le confronte aux usages des Français.

Par ailleurs, je m'inscris en faux contre l'idée reçue que la voiture électrique est un véhicule urbain. Certes, elle répond à la question de la pollution en ville, mais elle est également adaptée dans les zones rurales et périurbaines ; d'ailleurs, c'est dans des villes de moins de 50 000 habitants que se fait la majorité des ventes aux particuliers. L'autonomie de ces véhicules, qui permet d'effectuer les trajets pendulaires, et l'habitat en maison individuelle où il est facile de recharger les voitures donnent toute sa pertinence à ce choix, d'autant que les pompes à essence se raréfient en zone rurale. En outre, avec une moyenne de déplacement de 38 kilomètres en zone rurale, contre18 kilomètres en ville, l'économie réalisée avec un véhicule électrique y est plus importante puisque, au regard du coût du plein – qui avoisine les deux euros pour 100 kilomètres –, elle s'accroît à chaque kilomètre parcouru par rapport au véhicule thermique.

Plutôt que de songer à réserver des places aux véhicules électriques, il convient de leur ménager des lieux pour les recharger, notamment dans les centres urbains où les gens vivent dans des immeubles et ne disposent pas de parking. La gratuité du stationnement évite l'accaparement des places du centre-ville et constitue une incitation à conduire un véhicule électrique, comme on peut le constater à Paris.

Nous ne disposons de solutions techniques mûres pour les transports en commun électriques que pour les petits bus, comme le Montmartrobus qui circule dans le 18e arrondissement de Paris ou certains véhicules roulant à La Rochelle. Il est possible de développer des bus électriques de plus grande taille grâce à des technologies de recharge par induction des véhicules à l'arrêt, mais le coût excède largement celui d'un véhicule thermique ce qui rebute la plupart de collectivités. En revanche, la technologie et l'équilibre économique des véhicules de transport en commun hybrides sont plus robustes. La question n'est donc pas liée à l'action d'un lobby des bus thermiques.

Le bonus écologique représente déjà une forme de prime à la conversion ; à l'occasion de ce projet de loi, on a entendu l'annonce d'une prime supplémentaire au bonus déjà existant. Il y aurait un intérêt à le faire, car le coût des véhicules électriques constitue la barrière à l'achat. Si le bonus permet de ramener le prix d'un véhicule électrique au niveau de son équivalent thermique, son autonomie reste toutefois quatre fois inférieure. Il aura beau coûter quatre fois moins cher en rechargement ensuite, le prix de l'achat conserve un impact psychologique important. Les gens raisonnent rarement en coût global d'usage, comme l'a montré l'enquête d'Ipsos réalisée cet été. C'est la réduction du prix des véhicules qui aura une influence sur les ventes ; une fois que l'augmentation des volumes sera constatée, les aides pourront être supprimées, car elles n'ont pas vocation à être pérennisées. Il s'agit juste de lancer le marché.

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