Intervention de Maryse Arditi

Réunion du 18 septembre 2014 à 9h00
Commission spéciale pour l'examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte

Maryse Arditi, responsable énergie de France Nature Environnement, FNE :

Pardonnez-moi cette expression un peu rapide.

Nous proposons tout d'abord de fixer la consommation d'énergie en 2030 à 115 millions de tonnes équivalent pétrole (TEP), un chiffre qui correspond à une évolution linéaire des objectifs d'économie d'énergie entre 2020 et 2050. Le Grenelle de l'environnement a en effet fixé l'objectif, transmis officiellement à l'Europe, de porter la consommation nationale d'énergie finale à 131,4 millions de TEP à l'horizon 2020, et le Président de la République a prévu de diviser par deux en 2050 la consommation actuelle.

Le texte évoque également l'intensité énergétique, qui est le rapport de la consommation d'énergie au produit intérieur brut. Or, si l'intensité énergétique est un excellent outil pour évaluer le secteur productif, notamment l'industrie, il n'en est pas de même pour le pays en général. Je prends un exemple : le fait que les bâtiments soient bien ou mal isolés diminue ou augmente la consommation d'énergie mais ne modifie en rien le PIB. C'est la raison pour laquelle nous proposons de clairement axer l'intensité énergétique sur le secteur industriel.

Le texte – il en est de même au plan européen – prévoit un nouveau dispositif de soutien aux énergies renouvelables fondé non plus sur l'achat mais sur la possibilité de vendre directement sur le marché l'électricité produite tout en bénéficiant du versement d'une prime, appelée « complément de rémunération ». Ce passage s'effectuerait par ordonnance sans qu'on connaisse le calendrier. Nous avons participé à la concertation organisée par la Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) sur le sujet : nous n'avons aucune opposition de principe à cette mesure à partir du moment où les énergies concernées ont atteint un niveau mature, comme c'est le cas en Allemagne ou au Danemark – ce n'est pas encore le cas en France. En effet, non seulement le niveau de développement des énergies renouvelable est trop faible – éolien et photovoltaïque représentent à peine 5 % de notre production d'électricité –, mais, de plus, le secteur des énergies renouvelables, ces dernières années, a vu s'effondrer de très nombreuses PMI et PME, ce qui a entraîné la perte d'un nombre considérable d'emplois. Une telle mesure ne ferait qu'achever les PME du secteur ; ne resteraient plus, ou presque, pour produire des énergies renouvelables, que Total, GDF et EDF. C'est pourquoi nous proposons que le nouveau dispositif de soutien ne s'applique qu'à partir du moment où les EnR, dont le photovoltaïque, représenteront 10 % de la production d'électricité en France.

Nous faisons également une proposition relative au plan de démantèlement des centrales nucléaires. Chacun a compris au moment où le Président de la République a déclaré qu'il fermerait la centrale de Fessenheim que celle-ci, à l'instar de nos cinquante-huit réacteurs, n'avait pas de plan de démantèlement. La législation, qui prévoit que toute installation nucléaire de base (INB) devra déposer, pour avoir son autorisation, un plan de démantèlement, ne date que de février 2012. Comme il n'est pas possible de demander à EDF d'établir en une année cinquante-huit plans de démantèlements, nous proposons que soit obligatoirement présenté un plan de démantèlement à chaque visite décennale, qui est une visite approfondie visant l'ensemble de la sûreté du réacteur. Tous les réacteurs auront ainsi progressivement leur plan de démantèlement. Il serait impératif de viser en premier lieu les centrales âgées au moins de trente ans.

Le projet de loi vise par ailleurs à supprimer tout débat public en cas d'installation d'une ligne à haute tension : c'est inacceptable pour France Nature Environnement, une association qui se fait un honneur de participer à tous les débats, car ce serait une véritable marche en arrière en matière de concertation et d'implication des citoyens. C'est pourquoi nous serons très attentifs à ce que cette mesure disparaisse du texte – nous avons rédigé une proposition d'amendement en ce sens.

Enfin, le texte instaure une stratégie nationale bas carbone qui repose sur la fixation d'un plafond d'émission de gaz à effet de serre réexaminé tous les cinq ans. Ce plafond ne prend en compte pour l'heure que ce que la France produit sur son territoire national. Or, si, sur les dix dernières années, le secteur industriel a énormément diminué sa consommation et donc sa production de gaz à effet de serre, c'est qu'il a délocalisé, ce qui n'a aucun effet bénéfique pour la planète et pourrait même in fine avoir un effet négatif.

C'est pourquoi nous proposons la création d'un outil fin de pilotage : à côté du plafond de production des gaz à effet de serre, il conviendrait de prévoir une évaluation de la consommation des gaz à effet de serre : elle prendrait en compte les gaz à effet de serre émis en France, auxquels seraient ajoutés les gaz à effet de serre nécessaires pour produire nos importations mais soustraits les gaz émis pour nos exportations. Ainsi, la décision d'un industriel parti en Chine de revenir en France se traduirait évidemment par une émission accrue de gaz à effet de serre « production », mais par une réduction concomitante – et probablement plus importante, et c'est ce qui compte pour la planète – du volume de gaz à effet de serre « importations ».Disposer de ces deux outils de pilotage permettrait d'évaluer la production globale – la seule qui compte pour la planète – et de favoriser des relocalisations.

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