Intervention de Lorelei Limousin

Réunion du 18 septembre 2014 à 9h00
Commission spéciale pour l'examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte

Lorelei Limousin, chargée de mission transports de Réseau Action Climat :

Le Réseau Action Climat, un réseau de seize associations nationales qui luttent contre le changement climatique, vous remercie de lui donner l'occasion de s'exprimer devant vous aujourd'hui sur le projet de loi relatif à la transition énergétique.

La transition énergétique, qui est une nouvelle trajectoire vers un modèle énergétique plus sobre tendant vers le 100 % renouvelable, est un enjeu crucial pour lutter contre les changements climatiques. Le projet de loi sur lequel vous travaillez sera un marqueur fort alors que la France présidera en 2015 la conférence des Nations unies sur le climat. Elle doit à ce titre faire preuve d'exemplarité et de volonté.

Le cinquième rapport du GIEC est sans équivoque. Les changements climatiques se font déjà sentir : le niveau des mers n'a jamais augmenté aussi vite et la terre s'est déjà réchauffée de 0,85 degré par rapport à l'ère préindustrielle. En France, les impacts seront multiples comme une augmentation de la fréquence des événements météorologiques extrêmes ou l'arrivée des maladies tropicales en métropole. La montée du niveau des mers menacera nos infrastructures de transports en submergeant, à en croire les études de l'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique, quelque 355 kilomètres d'autoroutes, 4 338 kilomètres de routes départementales et 1 967 kilomètres de voies ferrées.

La responsabilité de l'homme dans ces bouleversements n'a jamais été aussi certaine. Il est donc de notre responsabilité d'agir, non seulement pour éviter le scénario du pire, mais aussi parce que – tous les rapports récemment publiés l'attestent – les solutions aux changements climatiques existent et sont bénéfiques en terme d'emplois, de santé publique, de justice sociale et de lutte contre la précarité énergétique, d'indépendance et de facture énergétiques et de prévention de conflits internationaux.

En France, ces solutions passent notamment par la transition énergétique.

Dans le secteur des transports, premier secteur émetteur de gaz à effet de serre, les solutions ne peuvent se limiter à la promotion d'une seule motorisation ou des biocarburants : il faut enclencher une véritable politique durable de transport des personnes et des marchandises permettant et encourageant les mobilités alternatives.

Les points forts du titre III relatif aux transports concernent les zones de circulation restreintes ou les objectifs chiffrés imposés aux entreprises de la grande distribution pour lesquels nous attendons une mise en oeuvre effective.

Toutefois, le projet de loi ne contient pas de mesures concrètes à même de favoriser le report modal, que ce soit pour le transport des personnes ou des marchandises. Ni les modes actifs comme le vélo, ni les transports en commun n'y figurent et la lutte contre l'étalement urbain y fait grandement défaut.

Parmi l'éventail des mesures nécessaires pour atteindre dans ce secteur le facteur 4, c'est-à-dire la division par quatre des émissions de gaz à effet de serre en 2050, objectif inscrit dans le texte dans ce secteur, voici quatre propositions des organisations non gouvernementales.

Il faut en premier lieu mieux articuler urbanisme, mobilité et offre de transports dans le cadre de la planification des déplacements à l'échelon local, ou mieux intercommunal. Seule la moitié des Français, aujourd'hui, sont concernés par les plans de déplacements urbains : les PDU ne sont obligatoires que pour les agglomérations de plus de 100 000 habitants. Comme ce dispositif, après trente ans d'existence, a fait ses preuves pour développer les mobilités alternatives, il est temps d'abaisser ce seuil à 20 000 habitants.

Nous partageons le même souci de planification à l'échelle des entreprises. Alors que la proportion de Français utilisant leur voiture pour aller au travail stagne – elle ne diminue que dans les centres urbains – les plans de déplacements entreprises (PDE) gagneraient à devenir obligatoires, comme en Belgique, pour les établissements qui regroupent plus de cinquante salariés. Cette mesure aurait pour effet d'encourager les nouvelles mobilités, comme le covoiturage, une meilleure organisation du travail – télétravail, horaires flexibles pour éviter les problèmes de congestion –, les modes actifs, les transports en commun et l'intermodalité dont les possibilités sont souvent mal connues ou mal évaluées par les salariés. Ces PDE sont aussi l'occasion de réduire les coûts imputés par les transports à l'entreprise, notamment en matière de stationnement, et au salarié, qui verra ses frais de carburant baisser. Cette mesure poursuit aussi un but social, car les salariés peuvent bénéficier d'un accompagnement et d'un conseil en mobilité. Le projet d'amendement que nous proposons encourage aussi les plans de déplacement interentreprises (PDIE) pour atteindre une masse critique de covoitureurs : alors que le covoiturage se développe rapidement pour les longues distances, il reste peu employé pour la mobilité locale.

Ce dispositif devra être complété par des mesures de soutien spécifique au vélo, dont le potentiel est évident mais sous-exploité. Ainsi, les cyclistes sont les seuls à ne pas être remboursés par leurs employeurs pour leur déplacement domicile-travail : ils ne peuvent bénéficier d'un calcul de leurs frais réels comme les automobilistes, ce qui accrédite l'idée selon laquelle le vélo ne serait pas un véritable mode de transport, alors même que la moitié des trajets effectués en voiture fait moins de trois kilomètres. Une indemnité kilométrique dédiée de 25 centimes par kilomètre permettra de remettre les modes de transport sur un pied d'égalité, mais également et d'enclencher un véritable report modal. Il conviendra évidemment de multiplier les parkings à vélos sécurisés, notamment à l'occasion des travaux dans tous les bâtiments.

Nous proposons également une mesure à effet immédiat, déjà émise dans la synthèse du débat sur la transition énergétique : la baisse des limitations de vitesses d'au moins dix kilomètres-heure sur les routes et les autoroutes. L'effet escompté correspond à une diminution annuelle de 4 millions de tonnes de CO2 environ, ce qui est considérable, et revient à rapprocher la vitesse des autoroutes françaises de la vitesse moyenne européenne, qui est de 120 kilomètres heure. Instaurée en 2011 par l'Espagne, cette mesure a permis d'alléger de 450 millions d'euros sa balance commerciale. Les bénéfices de cette mesure dépassent largement la sphère environnementale puisqu'elle entraîne une diminution directe de la pollution de l'air et du nombre d'accidents. Sur plusieurs dizaines de kilomètres, cela ne fera que quelques minutes de perdues contre des centaines de vies gagnées, sans compter les économies de carburant. Par ailleurs, généraliser le trente kilomètres heure en ville permettrait d'apaiser les centres urbains et d'encourager les mobilités alternatives.

Nous savons pertinemment qu'il ne sera pas possible d'atteindre le facteur 4 sans un signal prix ambitieux et pérenne sur le carbone et l'énergie – tel est le verdict des économistes et des scientifiques. Si la contribution climat énergie n'est pas inscrite dans ce projet de loi, nos organisations redoubleront d'attention lors de l'examen du projet de loi de finances, qui aura lieu peu de temps après le sommet Climat organisé par le secrétaire général des Nations unies, M. Ban Ki Moon.

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