Nous nous sommes mis d'accord pour que nos différentes interventions évitent de se répéter. Les représentants des différentes associations présents ce matin sont donc d'accord sur l'essentiel.
Ce texte ne satisfait évidemment pas Greenpeace, qui est favorable à une sortie la plus rapide possible du nucléaire. Toutefois, après en avoir pris connaissance avec pragmatisme, nous nous sommes concentrés sur la préservation de l'accès à l'information et de la consultation du public, surtout dans le domaine de la sûreté. Notre position fera peut-être hurler certains opposants au nucléaire, qui considéreront que nos propositions d'amendements valent acceptation de la durée de vie des centrales. Tel n'est pas le cas : nous prenons acte de l'existant, à savoir un texte qui porte sur un parc nucléaire dont la moyenne d'âge des réacteurs est de trente ans – certains approchent les quarante ans. C'est pourquoi nos propositions visent avant tout l'exploitation des réacteurs au-delà de quarante ans et l'information des citoyens – Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a évoqué la démocratie participative : il faut continuer dans ce sens, d'autant que, si les installations nucléaires font l'objet de débats publics lors de leur création, il ne se passe pratiquement plus rien après, même à des moments très importants de leur existence, comme le passage des quarante ans. Nous avons enfin formulé trois propositions d'amendements sur la gouvernance de la politique énergétique.
Pour ce qui est de l'exploitation des centrales au-delà de quarante ans, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) formulera très bientôt en direction d'EDF des recommandations génériques qu'elle aura définies. En 2019, elle annoncera les mesures à prendre pour permettre une exploitation au-delà de quarante ans. Or, aucune étape de ce processus ne prévoit une nouvelle consultation du public, alors que la remise à niveau de sûreté des centrales impliquera des modifications importantes, dont certaines pourraient déjà être qualifiées de « modifications notables », obligatoirement soumises à enquête publique comme le prévoit la loi. Chacun sait que le passage des quarante ans est primordial : M. Pierre-Franck Chevet, président de l'ASN, a plusieurs fois eu l'occasion de le souligner devant vous, ajoutant que l'exploitant aura à faire la démonstration de sa capacité non seulement à maintenir mais à augmenter le niveau de sûreté de manière à conduire le parc existant à un niveau de sûreté équivalent à la génération III, qui est celle de l'EPR.
C'est la raison pour laquelle nous préconisons que, deux ans avant les quarante ans de la centrale, l'exploitant demande de manière formelle l'autorisation de prolongation au-delà des quarante ans. Cette période de deux ans devra donner lieu à un processus similaire à la création d'une installation nucléaire de base (INB). Cette mesure devra concerner toutes les installations présentes.
Il est également impératif de préciser la notion de quarante ans, qui reste diffuse – même l'ASN et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) n'en ont pas la même définition ! À nos yeux, il est important de calculer les quarante ans non pas à partir de la mise en service mais de la divergence, c'est-à-dire du démarrage de la réaction en chaîne. Il n'est donc pas acceptable de prendre comme référence la fin de vie prévue, dans la mesure où l'on n'en sait strictement rien… Préciser la notion des quarante ans est une nécessité d'ordre réglementaire.
S'agissant de l'obligation d'information dans les périmètres des plans particuliers d'intervention (PPI) – dix kilomètres autour des installations – je rappelle qu'au niveau européen comme au sein des autorités françaises, un débat a lieu sur une extension éventuelle de ces zones. Il nous semble nécessaire, quant à nous, d'étendre l'information bien au-delà du périmètre actuel des PPI, jusqu'à cinquante kilomètres – nous avons rédigé une proposition d'amendement en ce sens. L'expérience de Fukushima a en effet largement démontré que les hôpitaux et les services communaux manquaient de l'information nécessaire sur l'attitude à adopter en cas d'incident. D'autres ont proposé de prendre en considération la notion de bassin de vie. Nous n'y sommes pas opposés. Il faut en tout cas prévoir une information des citoyens au-delà des périmètres couverts par les PPI, notoirement insuffisants.
Nous souhaitons également que le Gouvernement garde le contrôle de l'application de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE). La rédaction actuelle du texte rendant possible des flexibilités trop importantes sur la manière dont la PPE pourra être appliquée, il convient de verrouiller ce contrôle au niveau politique. Il est notamment primordial de pouvoir vérifier de manière permanente que les investissements effectués par les exploitants ne sont pas en décalage avec la PPE. Ils doivent être approuvés par le ministre chargé de l'énergie, qui doit garder le dernier mot. L'article 55 précise qu'« un commissaire du Gouvernement, nommé auprès de tout exploitant produisant plus du tiers de la production nationale d'électricité, peut s'opposer à une décision d'investissement incompatible avec la PPE » : à notre sens il devrait non pas « pouvoir » mais « être tenu » de s'opposer à toute décision incompatible avec la PPE.