Après avoir entendu successivement les collectivités territoriales, les organisations patronales, les syndicats et les organisations non gouvernementales, je suis frappé de constater que le débat sur la transition énergétique a permis une réelle prise de conscience et a développé une expertise qui n'existait pas nécessairement au départ. Si les textes législatifs étaient plus souvent précédés de tels débats, ils y gagneraient en qualité.
Étant en charge du chapitre sur la gouvernance, j'aimerais savoir ce que vous pensez de ce dispositif innovant et inédit : au plan national, le projet prévoit la création d'un budget carbone assorti d'une stratégie ad hoc, une programmation pluriannuelle de l'énergie, des schémas stratégiques pour les producteurs d'électricité. Ces mécanismes vous semblent-ils permettre un réel pilotage par les pouvoirs publics ? S'agissant du budget carbone, la question des importations – des fuites de carbone liées aux délocalisations – est importante, comme le reconnaissait le responsable du MEDEF auditionné l'autre jour. Si nous n'y prenons garde, ce type de dispositifs peut engendrer des effets pervers et favoriser les délocalisations.
L'avant-projet de loi prévoyait la création d'un comité d'experts sur les questions énergétiques, proposition qui a été supprimée dans la version actuelle du texte, sans doute par souci de ne pas multiplier ce genre de structures. Pour ma part, je pense qu'il aurait eu le mérite de permettre la confrontation d'analyses divergentes venant d'experts indépendants et d'horizons différents, et d'éclairer les débats sur ces sujets complexes.
Marc Jedliczka a insisté sur l'importance du conseil en efficacité énergétique qui pose le problème de la territorialisation de la gouvernance. Depuis l'adoption de la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, dite loi MAPTAM, la région est devenue le chef de file pour ces questions ; elle pilote donc le service public d'efficacité énergétique créé par la loi Brottes. Avez-vous des idées sur la manière d'articuler au mieux le travail de la région avec celui des établissements publics de coopération intercommunale, chargés des plans climat territoriaux, afin d'impulser sans la brider l'initiative locale ?
S'agissant de la distribution, le statut d'ERDF est au coeur de nos débats. Même si les syndicats ont un point de vue particulier sur le sujet, tous les intervenants ont l'impression qu'une partie du tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE), payé par les consommateurs, se retrouve dans les dividendes versés par ERDF à EDF, alors qu'il n'a pas été créé pour soutenir les cours de bourse de l'opérateur et que l'on peut redouter un déficit d'investissements dans les réseaux. Pourquoi ne pas revoir le statut d'ERDF, en s'inspirant de celui de Réseau de transport d'électricité, pour avoir une meilleure maîtrise du TURPE et pour que les collectivités locales, c'est-à-dire les autorités organisatrices de la distribution d'électricité, puissent être présentes dans les instances d'ERDF ?
Je partage les points de vue exprimés sur l'insuffisance du texte en matière de transition professionnelle. Le Conseil économique, social et environnemental a fait des propositions totalement consensuelles, comme l'ont confirmé les organisations syndicales et patronales lors de la table ronde. Le texte pourrait donc être renforcé sans nuire, bien au contraire, au dialogue entre les partenaires sociaux.
La durée de vie des réacteurs nucléaires français, fixée à quarante ans, est un sujet relevant à la fois de la gouvernance et de la transparence, qui a été identifié par la commission d'enquête sur les coûts du nucléaire et par l'Autorité de sûreté nucléaire. Il faut que tout le monde – y compris l'exploitant – sache comment cela va se passer.