Intervention de Yannick Rousselet

Réunion du 18 septembre 2014 à 9h00
Commission spéciale pour l'examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte

Yannick Rousselet, chargé de campagne nucléaire de Greenpeace :

Est-il difficile de parvenir à un consensus ? Il est vrai les positions peuvent être radicales sur le nucléaire, mais nos propositions d'amendements me semblent de bon sens et peuvent faire l'objet d'un large consensus.

Cet après-midi, vous allez recevoir l'Association nationale des comités et commissions locales d'information qui va revenir sur cette affaire des quarante ans. Un consensus est possible sur cette question sur laquelle l'ASN a régulièrement appelé l'attention.

Pour notre part, nous préconisons un processus tout simple s'appuyant sur la réglementation en vigueur pour la création d'une installation nucléaire de base. Deux ans avant le terme des quarante ans, l'exploitant demanderait une prolongation à laquelle s'appliquerait la réglementation applicable aux créations d'INB. C'est d'une simplicité absolue.

Nous avons regretté que le texte ne détaille pas davantage les moyens de l'ASN – un thème qui est revenu de manière récurrente dans les débats – et ne prévoie pas de l'autoriser à appliquer des sanctions graduelles. Que ce soit dans la loi ou dans des ordonnances futures, ces sanctions devront être inscrites dans les textes le plus rapidement possible. Actuellement, l'ASN n'a d'autres choix que de laisser fonctionner ou d'arrêter une installation ; elle ne dispose pas d'un arsenal de mesures coercitives variées et graduelles. Nous espérons que le texte va créer un système de sanctions graduelles, calculées en fonction des moyens des exploitants et qui ne se limitent pas aux 1 500 euros prévus pour les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). Elles devront être proportionnelles à l'importance des installations.

S'ils sont appliqués dans les délais, les niveaux de sûreté des installations, qui prévoient notamment une réévaluation tous les dix ans, sont plutôt satisfaisants. Nombre de mes collègues étrangers aimeraient voir s'appliquer un processus de ce niveau dans leur propre pays. L'ASN a une bonne méthode et un bon calendrier ; encore faut-il qu'elle ait les moyens – notamment humains – de les appliquer. Dans les mois et les années à venir, l'agence va devoir faire face à une surcharge de travail gigantesque due à l'application du délai de quarante ans et à l'élaboration de nouvelles normes « post Fukushima », un travail qui n'est pas terminé. Les textes existants sont plutôt bien faits mais encore faut-il les respecter et s'en donner les moyens.

Les gens se fichent des risques nucléaires, dites-vous. Je vis moi-même à dix-huit kilomètres de l'usine de La Hague et à environ vingt kilomètres de celle de Flamanville, j'y suis né ; j'aime cet endroit ; je participe aux différentes commissions locales d'information et je fais partie d'autres institutions. Je n'ai pas l'impression que les gens s'en fichent. Ils n'ont pas eu l'habitude d'être associés à ces processus et les exercices nucléaires tels qu'ils sont pratiqués, même s'ils tendent à s'améliorer, ont plutôt été contre-productifs : d'un côté, on demande aux gens de faire les exercices et de jouer le jeu ; de l'autre, on leur explique qu'il ne faut rien changer à la vie économique ni aux habitudes de l'endroit.

Où que j'aie participé à des exercices – Penly, Paluel, La Hague ou Cruas – j'ai constaté que l'on disait une chose et son contraire à la population. Pour lutter contre le désintérêt des gens, nous devons améliorer les méthodes d'information du public, ce qui n'est pas contradictoire avec le fait d'élargir le cercle des personnes informées. À Fukushima, il a été constaté que le personnel hospitalier ou les agents de la circulation exerçant autour de la zone étaient très dépourvus de formation et d'information.

Il est absolument nécessaire d'élargir le périmètre actuellement défini dans le projet de loi en ce qui concerne l'information et la formation du public, notamment celles de certains employés communaux, des personnels des hôpitaux et autres centres de secours. En fonction des scénarios d'accident, les zones d'évacuation peuvent aller au-delà des dix kilomètres prévus. Nous avons proposé cinquante kilomètres. On peut en discuter. Les commissions locales d'information proposent de se caler sur la notion de bassin de vie. Pourquoi pas ? En tout état de cause, il faut aller au-delà du périmètre du PPI d'un site nucléaire.

Rappelons qu'une partie du public agit par délégation. Quand les commissions locales d'information sont pluralistes – qu'elles intègrent notamment des représentants d'associations et de syndicats – et qu'elles fonctionnent bien, les gens leur font confiance et accordent du crédit aux informations officielles. D'où l'importance d'avoir de vrais contre-pouvoirs dans ces instances.

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