Intervention de Dominique Olivier

Réunion du 17 septembre 2014 à 18h00
Commission spéciale pour l'examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte

Dominique Olivier, secrétaire confédéral de la Confédération française démocratique du travail, CFDT :

Bien que la CFDT approuve les grands objectifs définis dans le projet de loi relatif à la transition énergétique, je voudrais formuler quelques réserves et remarques.

Il nous semble que la recherche d'un « prix compétitif de l'énergie » va à l'encontre de la philosophie du signal-prix, qui tend à dissuader la consommation. Si le projet de loi pose en principe l'économie circulaire, cette référence au prix compétitif est dénuée de sens, puisque le but est précisément de se passer du recours à l'énergie.

Par ailleurs, plutôt qu'un « accès de tous à l'énergie », il vaudrait mieux évoquer un « accès aux services requérant de l'énergie ». Il ne faut pas se borner à viser l'optimisation des ressources et de l'énergie, mais englober cet objectif dans une approche plus large incluant le transport et la mobilité durable, notamment pour définir les territoires à énergie positive.

La CFDT approuve et soutient les objectifs ambitieux du projet de loi, notamment la division par quatre des gaz à effet de serre d'ici à 2050, ainsi que la division par deux des consommations finales d'énergie. Mais il manque, à ses yeux, un objectif intermédiaire de réduction de la consommation pour 2030. Nous souhaiterions également que la loi précise que la sobriété passe avant l'efficacité énergétique, alors que le projet de loi prend le chemin inverse. Enfin, la question des informations stratégiques à protéger dans le champ de l'énergie et de la mobilité n'est pas traitée. Certaines sociétés pourraient faire main basse sur des informations commerciales ou des données de géolocalisation, et il ne faudrait pas que, demain, le consommateur soit contraint de passer par elles, comme il est aujourd'hui obligé de passer par Booking.com pour réserver une chambre d'hôtel. C'est la puissance publique – par le biais d'une agence, par exemple – qui doit garder la mainmise sur ces données : ceux qui en ont besoin y auront accès, mais elles ne seront pas monnayées.

En matière de rénovation thermique, nous sommes plutôt favorables aux mesures envisagées, notamment celles qui visent à lever les freins en matière de règles d'urbanisme pour des obligations de travaux motivées et limitées. Il manque toutefois un cadrage des guichets uniques pour les candidats à la rénovation thermique des bâtiments. Nous avons aujourd'hui des espaces Info-énergie et des structures décentralisées de l'ADEME : que vont-ils devenir ?

Le tiers financement doit également être facilité, afin que les collectivités territoriales puissent nouer des partenariats avec les établissements bancaires. Cela exigerait une dérogation, limitée et ponctuelle, au code monétaire et financier.

En ce qui concerne le transport et la mobilité durable, nous critiquons la priorité donnée aux véhicules électriques et hybrides rechargeables, dont l'usage ne devrait pas être généralisé. Le chiffrage des bornes de recharge est au demeurant fantaisiste, car elles coûteront sans doute plus cher. Il faut d'ailleurs préciser ce que sont des véhicules propres. Nous donnons la priorité à la motorisation au gaz renouvelable, issu de la biomasse, qui permettrait d'éviter l'usage de gasoil très polluant et émetteur de particules fines. Certaines innovations, comme l'Hybrid Air de Peugeot, sont déjà assez performantes.

Les transports par câble, tel le téléphérique urbain, sont quasi inexistants en France. Ils représentent pourtant un fort potentiel : quatre-vingts pays en sont déjà équipés.

Quant au soutien aux énergies renouvelables (EnR), la modulation du tarif d'achat en fonction d'un prix de marché et d'un complément de rémunération est une formule qui nous convient. Mieux vaut en effet encourager l'investissement que la rente, car un tarif d'achat garanti n'est rien d'autre qu'une rente sur vingt ans.

Nous estimons que les citoyens et les collectifs citoyens doivent pouvoir participer à des sociétés de projet d'EnR, sans que cela soit une simple option.

Au sujet des concessions hydrauliques, il faut éviter la politique de l'autruche et répondre aux exigences de l'Union européenne. Le système proposé présente cependant des faiblesses. Certes, il sécurise l'emploi et le statut des salariés des ouvrages. Mais le sort des services généraux resterait incertain, car ils ne seraient pas intégrés aux sociétés d'économie mixte (SEM), mais ne pourraient travailler pour l'opérateur historique. Enfin, le système intégré de l'hydroélectricité serait affaibli, puisque la production et le réseau seraient nettement séparés. Mieux vaut ouvrir une large concertation et surseoir à ce qui est envisagé.

Au-delà des chiffres invoqués comme des totems, la CFDT défend une réduction de la part d'électricité provenant du nucléaire, mais elle la chiffre à 60 % en 2030. Bien sûr, certaines centrales devront fermer, mais il convient de réfléchir à la manière de s'y préparer. En l'état, le dialogue social ne permet pas de répondre aux questions posées. La transition professionnelle doit être envisagée. Les personnels non statutaires, sous-traitants et prestataires, sont les plus menacés. Les offres de mobilité peuvent apporter des solutions aux personnels statutaires, mais elles peuvent aussi entraîner des problèmes humains et familiaux.

Parmi les points que le projet de loi ne fait qu'effleurer, je citerai l'information des populations. Il ne définit pas les conditions d'une prolongation au-delà de quarante ans de la durée de vie d'une centrale : doit-elle faire l'objet d'une simple information des populations ou d'une concertation enrichie ? Comme la convention d'Aarhus doit-elle s'appliquer en pareil cas ? Loin des préoccupations idéologiques, il faut mener un débat de qualité avec nos concitoyens, pour faire reculer les refus de principe au profit d'une approche plus pragmatique.

Au sujet de la gouvernance, nous approuvons particulièrement la définition d'une stratégie bas carbone avec des budgets carbone sectoriels, de même que la programmation pluriannuelle de l'énergie. Tout cela doit être mis en cohérence avec la déclinaison territoriale prévue dans les schémas régionaux climat, air, énergie (SRCAE). Le volet de l'emploi, des compétences et de la transition professionnelle fait cependant défaut à tous ces instruments de planification. Nous ferons dès demain des propositions écrites à ce sujet.

D'autre part, si le secteur des transports se voit allouer un budget carbone en baisse, comment cette évolution sera-t-elle accompagnée sur le plan social ? La grande distribution est ciblée, alors que d'autres secteurs – auxquels chacun pense – ne le sont pas, tel celui des transports.

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