Intervention de Jacky Chorin

Réunion du 17 septembre 2014 à 18h00
Commission spéciale pour l'examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte

Jacky Chorin, secrétaire fédéral de Force ouvrière, FO :

Le projet de loi sur la transition énergétique, fût-il rebaptisé « pour la croissance verte », reprend plusieurs points qui n'avaient pas fait consensus lors du débat national sur la transition énergétique : la réduction de 50 % de la consommation d'énergie en 2050 et la réduction de la part du nucléaire dans le mix électrique à l'horizon 2025. Force ouvrière réaffirme son opposition à ces deux points.

Pour FO, il est indispensable, en matière d'énergie, de partir d'abord des besoins des citoyens et de se situer dans une volonté de développement économique, et notamment industriel, de notre pays. L'objectif de réduction de 50 % de consommation d'énergie, que nombre d'experts estiment d'ailleurs irréalisable, va à l'encontre de ces objectifs et suppose à nos yeux un abandon de toute ambition industrielle et une logique de décroissance.

FO soutient la poursuite des efforts en matière d'efficacité énergétique dès lors qu'elle est fondée sur des incitations. C'est d'ailleurs pourquoi nous sommes opposés aux obligations de travaux prévues par ce texte, qui sont à nos yeux contre-productives. En outre, l'importance des moyens financiers qui doivent être mobilisés dans un contexte de réduction budgétaire, ajouté au fait que le texte n'institue aucune garantie de performance des travaux – elle est pourtant à nos yeux une des conditions de la réussite –, nous fait sérieusement douter de la réalisation des objectifs ambitieux prévus par ce texte.

S'agissant des mix énergétique et électrique, FO rappelle que, pour elle, le mix énergétique optimal doit articuler des impératifs de coût pour les ménages et les entreprises, la sécurité d'approvisionnement pour notre pays, la sûreté des installations – aspect qui, pour le nucléaire, est assuré par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) –, ainsi que la maîtrise des émissions directes ou indirectes de dioxyde de carbone, du nombre des emplois et du niveau des garanties collectives.

FO constate que le projet de loi cible particulièrement l'électricité d'origine nucléaire et laisse très largement de côté le pétrole et le gaz. De ce point de vue, il s'agit plus d'une loi sur l'électricité que d'une loi sur l'énergie. Elle apparaît, en bien des points, calquée sur la politique énergétique menée outre-Rhin, dont l'échec est pourtant aujourd'hui patent.

C'est pourquoi Force ouvrière tient à souligner l'aspect idéologique de ces dispositions, d'autant plus incompréhensibles qu'elles frappent un secteur industriel dans lequel la France est le leader mondial et qui emploie 220 000 salariés. Pour FO, le nucléaire est une industrie d'avenir.

En outre, plusieurs dispositions concernant le nucléaire paraissent inconstitutionnelles : celles plafonnant la part du nucléaire dans le mix électrique ou celles imposant à la seule EDF l'élaboration d'un plan stratégique soumis au contrôle du gouvernement. Il est d'ailleurs singulier de constater que les contraintes ne pèsent que sur l'opérateur énergétique public, mais que les entreprises privées en sont totalement exclues. Nous sommes donc opposés à ces dispositions, et nous en demandons le retrait.

FO s'étonne également que la représentation nationale soit amenée à se prononcer sans que les aspects financiers du texte ne soient documentés. Il n'y a en particulier aucune indication sur l'impact que l'augmentation de la part des énergies renouvelables prônée par ce texte aurait sur la contribution au service public de l'électricité (CSPE) que payent les usagers, pas plus que sur le coût complet des énergies intermittentes, notamment les coûts de réseau. Il n'y a pas non plus d'indications sur l'indemnité, dont le principe est reconnu dans l'étude d'impact, qui devrait être versée à EDF si le texte devait être promulgué en l'état s'agissant du plafonnement du nucléaire.

En réalité, le projet de loi occulte l'échec des politiques de déréglementation et de concurrence mises en oeuvre au plan européen sur l'électricité et sur le gaz, avec l'appui des gouvernements français successifs. Il va même plus loin, puisqu'il prévoit des dispositions organisant la mise en concurrence des concessions hydro-électriques. Pourtant, la récente directive européenne sur les concessions permet de maintenir des droits exclusifs au profit des services d'intérêt économique général. Or, en raison du rôle qu'elle joue en matière d'équilibrage des réseaux, l'hydraulique permet de fonder de tels droits exclusifs. Nous demandons donc le retrait des articles sur l'hydraulique : le Gouvernement a ici l'occasion de faire preuve de volontarisme en tournant enfin le dos aux déréglementations.

Quant au volet social du texte, force est de constater qu'il est quasi inexistant. La communication ministérielle affirme que l'efficacité énergétique devrait créer plusieurs milliers d'emplois. Mais ces emplois, dont le nombre dépendra de conditions que nous avons déjà précisées, sont pour nous indépendants du mix énergétique ou électrique choisi.

S'agissant des emplois dans l'électricité, nous tenons à souligner que notre Confédération n'oppose pas les énergies les unes aux autres, encore moins les salariés qui y travaillent. Nous défendons avec la même détermination les salariés de Photowatt, de Total, de GDF Suez, d'Areva, d'EDF et tous ceux qui vont travailler dans la filière de l'efficacité énergétique. Il n'en est pas moins vrai que les salariés du nucléaire se sentent aujourd'hui injustement mis en cause. Pourtant, le Comité stratégique de filière nucléaire prévoit que, d'ici à 2020, 100 000 postes devront faire l'objet de remplacements. Que deviennent ces prévisions avec ce projet de loi ? Aucune indication n'est donnée.

La question de l'emploi se double d'une question de plus en plus prégnante sur les garanties collectives des salariés du secteur, en particulier ceux qui sont soumis au statut du personnel des industries électriques et gazières. En effet, au mépris des textes existants, les exploitants d'éoliennes de plus de 8 mégawatts n'appliquent pas le statut : ils créent des sociétés de projet et sous-traitent l'ensemble de leurs activités. C'est là une fraude à la loi et un dumping social d'autant plus intolérable dans un contexte où l'on souhaite développer les EnR. Le périmètre du statut résultant de la loi et du décret, nous demandons que l'État en garantisse effectivement l'application.

C'est d'autant plus indispensable que l'un des opérateurs historiques, GDF Suez, cherche aussi à se débarrasser des personnels bénéficiant du statut de la maison-mère. Plusieurs parlementaires de la majorité et de l'opposition ont d'ailleurs saisi la ministre de cette question, et nous sommes dans l'attente de sa réponse. Pour éviter toute interprétation, nous demandons donc une modification de la loi portant nouvelle organisation du marché de l'électricité, dite loi NOME, qui, en 2010, a réécrit le périmètre du statut.

Enfin, nous approuvons la création d'un chèque énergie pour les usagers modestes, quel que soit le mode de chauffage choisi, mais nous n'avons cependant pas bien compris le mode de financement de cet outil.

Présidence de M. François Brottes, président de la commission spéciale.

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