S'agissant des énergies renouvelables, il faut selon nous –ainsi que la Suède l'a décidé dans le cadre de sa stratégie bas carbone – privilégier les EnR thermiques que sont les réseaux de chaleur renouvelables, la méthanisation et le biogaz. Ce sont en effet des EnR continues et locales. Le développement des EnR électriques en substitution du nucléaire et non en substitution des énergies fossiles est un non-sens au vu de l'objectif de réduction des émissions de CO2. De plus, ces EnR-là présentent l'inconvénient d'être intermittentes, ce qui induit des coûts importants pour le réseau.
Nous sommes favorables à l'évolution des mécanismes de soutien aux ENR et à une exposition progressive des ENR des filières technologiques matures aux prix de marché, afin d'obtenir une neutralité régulatoire sur l'ensemble des technologies de production d'électricité et d'éviter les distorsions ayant conduit à une déstructuration du marché électrique européen.
Quant au processus d'appels d'offres qui a été développé pour les EnR produites par des éoliennes offshore, il permet de soutenir des filières industrielles et par conséquent de disposer d'un complément de tarif qui soit lié au développement de filières réellement françaises. Et le dispositif de complément de prix ne doit pas s'appliquer ex ante, mais plutôt ex post.
Les dispositions des articles 28 et 29 sur l'hydraulique ne nous paraissent pas parfaitement cohérentes avec les objectifs de la loi. S'il s'agit de satisfaire à une obligation de mise en concurrence, cela fait plusieurs années que l'on hésite sur le sujet. L'organisation nationale de l'hydraulique est le fruit de l'histoire de l'organisation du système électrique français. Quant à l'organisation par vallées, elle ne répond pas aux enjeux de sûreté du système électrique. Comme l'a souligné mon collègue de la CFDT, l'ingénierie et la recherche en matière hydraulique, qui permettent à la France de jouir d'un leadership mondial, ont une dimension nationale. Nous sommes donc favorables à toute disposition qui permettrait de préserver l'organisation nationale de l'hydroélectricité, qui correspond à l'organisation actuelle.
Nous sommes favorables à la prolongation des concessions hydrauliques, en échange d'une relance immédiate des investissements qui sont créateurs d'emplois dans les territoires.
Nous soutenons aussi l'idée de créer une SEM nationale autour des groupements d'intérêt économique (GIE) regroupant EDF et GDF Suez. Cela contribuera à préserver la filière et les emplois. Les propositions qui ont été formulées par M. Straumann et Mme Battistel mériteraient d'être étudiées afin de répondre à l'enjeu des conséquences du réchauffement climatique sur la réalité du parc hydraulique français. Lorsqu'il y aura davantage de sécheresses, on se heurtera à des problèmes de tenue des barrages et de conflits d'usage de l'eau – problèmes dont on n'a pas tenu compte dans la réflexion sur l'avenir des concessions hydrauliques et qui relèvent de la dimension de service public environnemental de ces installations, voire des services d'intérêt économique général (SIEG).
En ce qui concerne ERDF, nous sommes convaincus que les réseaux de distribution d'électricité et de gaz sont au coeur de la mise en oeuvre d'une transition énergétique qui soit économiquement et techniquement pertinente. Qu'il s'agisse de l'intégration rationnelle des EnR dans les territoires ou de la gestion active de la demande, nous soutiendrons toute disposition en matière de gouvernance qui permettra de conforter l'organisation nationale de la distribution telle que nous la connaissons aujourd'hui et de renforcer le dialogue avec les collectivités locales.
On peut effectivement élargir l'assiette de la CSPE à l'ensemble des énergies, mais il conviendrait aussi d'optimiser les charges pesant sur le service public, au premier rang desquelles figurent les subventions aux EnR et aux ZNI. En outre, la CSPE finance aujourd'hui le tarif de première nécessité (TPN). Si ce tarif disparaît au profit du chèque énergie, il conviendra de s'interroger sur le financement de ce dernier qui concernera toutes les énergies et ne devra donc pas être financé exclusivement par les consommateurs d'électricité et de gaz. Il serait paradoxal et incohérent avec la stratégie dite du « bas carbone » que les consommateurs d'énergie peu carbonée financent le chèque énergie des énergies fossiles.
Avant de se poser la question de l'utilisation de la rente supposée des gaz de schiste, il conviendrait de s'interroger sur la réalité du potentiel français : à quel coût peut-on exploiter ces gaz et quelle technologie permettrait de le faire dans le respect de l'environnement ?
Enfin, concernant la gouvernance, cette loi est effectivement électro-centrée. La programmation pluriannuelle de l'énergie vise essentiellement l'électricité et le gaz et ne comprend aucun dispositif de pilotage dans le domaine pétrolier. Le plafonnement et le projet stratégique ne concernent qu'EDF et pas Total.
La transition énergétique doit être l'occasion d'instaurer un modèle de gouvernance de la transition et des opérateurs qui soit plus participatif, et qui associe plus fortement les citoyens – non seulement par le biais du financement citoyen des projets EnR mais aussi des opérateurs. Nous proposons de faire évoluer la gouvernance d'EDF afin de sortir de la logique boursière et de remettre le service public au coeur de la gouvernance de la transition énergétique, condition indispensable du succès de cette transition.