Intervention de Marie-Claire Cailletaud

Réunion du 17 septembre 2014 à 18h00
Commission spéciale pour l'examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte

Marie-Claire Cailletaud, secrétaire fédérale de la Confédération générale du travail, CGT :

Personne ne conteste qu'il est important d'opérer la transition énergétique. Mais cela ne veut pas dire qu'il faut faire n'importe quoi. Or ce texte n'opère pas une transition énergétique, mais, au mieux, une transition électrique. Si la transition énergétique consiste à faire en sorte de répondre aux besoins des populations en France, en Europe et hors du continent dans le cadre contraint du réchauffement climatique, alors il convient d'observer de quels leviers on dispose pour agir. L'un des premiers leviers est celui de l'efficacité énergétique – qui n'est pas du rationnement. En France, les secteurs les plus consommateurs d'énergie et ceux qui émettent le plus de CO2 sont les transports et le logement. Or, s'il n'est pas question des transports dans le projet de loi, on y évoque le logement. En l'occurrence, il s'agit moins de fixer des objectifs chiffrés de logements à rénover que de créer une filière professionnelle et de mobiliser les financements nécessaires. Cela permettra de créer de l'emploi, de promouvoir l'efficacité énergétique et de rééquilibrer notre balance commerciale – déficitaire en raison de l'importation du pétrole et du gaz. Mais ne nous contentons pas d'instaurer une obligation légale d'isolation alors que l'on sait que les gens n'auront pas les moyens de la respecter. Si nous voulons vraiment diminuer notre consommation d'énergie, c'est à notre mode de développement qu'il faut nous attaquer, en commençant par l'urbanisme. Si les salariés sont obligés d'aller habiter à deux heures de leur lieu de travail, c'est en raison de la cherté des logements. Il convient aussi de réfléchir à l'économie circulaire et à la relocalisation des moyens de production. Je constate par ailleurs une incohérence entre les objectifs du projet de loi : la manière dont on mettra en application les engagements du Président de la République ne sont pas explicités, mais il faut quand même les appliquer, pour la seule raison qu'il les a pris !

En ce qui concerne les concessions, je rappelle que l'hydraulique est un moyen de produire de l'électricité peu chère sans émettre de CO2 et de maintenir facilement l'équilibre entre production et consommation. C'est grâce à l'hydroélectricité que l'on a pu redémarrer les centrales en 2008 et que l'on peut évacuer les énergies fatales provenant d'Allemagne. Pensez-vous que, une fois que les barrages auront été cédés à des concessionnaires privés, il sera possible de faire la même chose ? C'est là une question d'intérêt général. Je sais bien que des négociations ont eu lieu à Bruxelles concernant le dépassement par la France de la règle des 3 % de déficit et que nous avons dû céder quelque chose en échange, dont les concessions hydrauliques faisaient partie. Mais cela n'est pas sérieux.

S'agissant des ZNI, il importe de conserver une égalité entre les territoires et de ne pas favoriser l'autonomie régionale.

La sous-traitance dans le nucléaire est une question qui nous tient particulièrement à coeur et sur laquelle la CGT se bat depuis des années. Nous proposons d'une part de ré-internaliser les activités du secteur, pour en finir avec les aberrations techniques, économiques et sociales auxquelles nous sommes parvenus, et, d'autre part, que tous les travailleurs du secteur disposent du même niveau de garanties collectives.

Nous ne sommes pas d'accord avec M. Baupin lorsqu'il affirme que l'amélioration du pilotage d'EDF suppose un retour de l'État dans la politique énergétique, car celle-ci ne concerne pas que l'électricité. Si l'État veut vraiment piloter la politique énergétique, qu'il gère aussi Total et GDF Suez. Nous proposons pour notre part la constitution d'un pôle public de l'énergie, et non seulement de l'électricité. Bien que l'État détienne 85 % d'EDF, ses administrateurs ne jouent pas leur rôle : il se comporte comme le pire des actionnaires, se contentant d'essayer de faire remonter des dividendes ou d'utiliser ses participations pour rentrer au capital d'autres entreprises. Ainsi, il a récemment vendu des parts de GDF Suez afin d'entrer au capital Alstom. Ce n'est pas une bonne manière de mener une politique industrielle ! Nous proposons donc la création d'un pôle public de l'énergie en lien avec l'Agence européenne de l'énergie afin de mettre en cohérence les grands choix des différents États membres, en particulier en ce qui concerne la recherche, les réseaux, les contrats d'approvisionnement et les émissions de CO2.

S'agissant de la CSPE, nous prônons le développement des EnR en filières industrielles : ce qui veut dire que l'on ferait de la recherche en amont, que l'on porterait les technologies à maturité, puis qu'on les incorporerait au bouquet énergétique, plutôt que d'instaurer des tarifs de rachat créateurs de bulles spéculatives. En l'état actuel de la situation, la moins mauvaise des solutions consiste effectivement à étendre la CSPE à toutes les formes d'énergie.

La recherche revêt à nos yeux une très grande importance dans le domaine énergétique. Or on n'en fait pas assez en France, car elle est mal financée et mal organisée, notamment en raison d'un manque d'articulation entre la recherche fondamentale et la recherche technique. La recherche concerne non seulement les EnR, mais aussi le stockage de l'électricité et la quatrième génération de centrales – qui devra obligatoirement être envisagée si l'on pense, comme nous, que la filière nucléaire a de l'avenir.

En ce qui concerne le plafonnement du nucléaire, nous jugeons insensé de fixer des quotas : il nous faut avancer au fur et à mesure des évolutions technologiques, en nous appuyant sur les trois piliers économique, social et environnemental.

Quant à l'élargissement des accords de la branche des industries électriques et gazières à d'autres salariés, nous y sommes favorables, mais commençons par appliquer la loi NOME qui prévoit que tous les salariés contribuant à la production, au transport ou à la distribution d'électricité peuvent bénéficier du statut.

S'agissant de la prolongation jusqu'à quarante ans de la durée de vie des centrales, je fais confiance à l'ASN qui joue bien son rôle. Nous luttons d'ailleurs sur le plan syndical pour que l'Autorité et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) disposent de davantage de moyens, car l'État est en train de diminuer ses budgets. C'est à l'État de définir sa politique énergétique, et aux entreprises productrices de respecter ce cadre. Nous nous sommes dotés d'une autorité de sûreté capable de dire si l'on peut prolonger la durée de vie des centrales au regard de critères économiques et de sécurité.

En ce qui concerne ERDF, nous sommes très attachés au maintien d'une entreprise verticalement intégrée qui a fait ses preuves dans les domaines de la production, des transports et de la distribution. Il est vrai que, aujourd'hui, les liens se distendent. Mais l'on n'évoque nullement dans cette loi les dégâts qu'ont produits sur le secteur les politiques de déréglementation et de mise en concurrence. Celles-ci génèrent pourtant des gaspillages. Pour diminuer nos émissions de CO2 et faire des économies, il conviendrait donc d'y remettre de l'ordre. Il n'est pas question pour nous d'ouvrir le capital d'ERDF ou de changer de modèle. En revanche, il serait logique que les collectivités territoriales aient leur mot à dire sur les stratégies des entreprises. Nous sommes donc favorables à une évolution de la gouvernance de sorte que ces collectivités puissent entrer dans les conseils d'administration et de surveillance de ces entreprises, et qu'elles puissent y faire entendre leur voix. Elles sont en effet concernées au premier chef par toutes les questions liées aux réseaux.

Nous sommes opposés à l'exploitation des gaz de schiste à l'aide des technologies actuelles qui posent un problème environnemental. Toutefois, il faut absolument promouvoir la recherche afin de mieux connaître nos sous-sols. Et, s'il s'avère intéressant d'exploiter les gaz de schiste, il conviendra aussi de mener les recherches nécessaires pour que cette exploitation s'opère dans des conditions acceptables du point de vue environnemental et social. Nous nous trouverions, autrement, dans la situation assez hypocrite où l'on importerait du gaz, mais où l'on n'utiliserait surtout pas celui que l'on a sous les pieds.

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