Le transport est le premier émetteur de gaz à effet de serre. Or l'objectif de la transition énergétique consiste à diminuer ces émissions. Il est donc regrettable que le premier secteur qui en produit ne soit pas abordé dans le projet de loi. Ce secteur est un important consommateur d'énergies fossiles, et en particulier de pétrole. Or, depuis le Grenelle de l'environnement, le report modal sur le rail et le fluvial – modes alternatifs à la route – n'a pas été opéré. Les parts modales du fer et du fluvial ont même baissé depuis l'adoption de la loi.
Il est donc nécessaire de promouvoir la multimodalité et le juste coût du transport. Le transport de marchandises est tellement sous-évalué, tant sur le mode routier que sur mer, qu'il n'est plus un frein aux délocalisations ni aux trafics parasites. Nous en avons vu quelques exemples dernièrement en France dans le transport de produits alimentaires. Il est nécessaire d'assurer un rééquilibrage des modes. Or, pour garantir un juste coût du transport qui permette un rééquilibrage, il est nécessaire d'assurer le financement d'infrastructures nouvelles pour développer les modes alternatifs – ferré et fluvial – et la régénération des réseaux. Cette dernière doit d'ailleurs aussi concerner les réseaux routiers secondaires, aujourd'hui en très mauvais état. En effet, dans une logique multimodale, nous avons besoin de tous les modes de transport. S'il convient de rééquilibrer les modes entre eux, c'est non seulement pour des raisons environnementales, mais aussi pour permettre la relocalisation des productions industrielles et donc favoriser l'économie circulaire.
Il convient également de renforcer la maîtrise et le financement publics des infrastructures. Les partenariats public-privé et les concessions vont à l'encontre du développement économique et de l'aménagement du territoire, et créent des déséquilibres entre les territoires.
Nous proposons de développer les transports collectifs publics, quels que soient les modes. Or, là encore, le manque de ressources financières de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) remet en cause de nombreux projets de transport urbain et de développement de modes alternatifs. Il aurait fallu que ce volet essentiel soit traité dans le projet de loi : nous le porterons lors de la table ronde qui sera prochainement organisée dans le cadre de la conférence environnementale, mais les risques sont grands qu'il ne soit pas intégré au texte qui nous occupe aujourd'hui.
Nous insistons aussi pour que le transport ferroviaire et fluvial de marchandises et le cabotage maritime soient déclarés d'intérêt général. Nous demandons que soit promu le concept de wagon isolé, sans lequel aucun report modal sur le mode ferré ne sera possible. Cela nécessite des infrastructures ainsi que la modernisation et la rénovation des réseaux secondaires. Certaines entreprises plaident en faveur de la rénovation et du maintien du réseau capillaire afin d'éviter la désertification de certains territoires.
Enfin, cessons de créer des besoins de transport. L'urbanisme anarchique et le développement de zones commerciales et de zones logistiques déconnectées des voies navigables ou ferrées incitent encore davantage à recourir aux camions. L'évolution induite par les nouvelles lois territoriales, notamment le développement des grandes métropoles, créent de nouveaux besoins de transport tout en déplaçant les habitants hors de régions qui se désertifient. L'Auvergne en est un exemple particulier. Dans les territoires désertifiés, il ne sera plus possible d'accéder aux transports, si ce n'est par la route. Dans le même temps, les salariés habitent sur de nouveaux territoires de plus en plus éloignés de leurs lieux de travail et de vie.
Nous nous trouvons donc confrontés à des enjeux d'urbanisation, de développement économique et d'aménagement du territoire. Il aurait été souhaitable que l'on puisse en débattre dans le cadre de ce projet de loi, pour ne pas continuer à recourir à la route. Nous voyons aujourd'hui arriver des 44 tonnes et certains évoquent même des 60 tonnes : voilà qui va à contre-courant de la notion de report modal et des enjeux environnementaux auxquels nous sommes confrontés.