Intervention de Hervé Mariton

Séance en hémicycle du 14 novembre 2012 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2013 — Gestion des finances publiques et des ressources humaines provisions régimes sociaux et de retraite

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Mariton :

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, nous sommes défavorables à l'adoption des crédits de cette mission, pour des raisons qui ne tiennent pas uniquement à l'alternance.

La réalité est que vos prédécesseurs ont réussi à donner à la modernisation de l'administration et de l'État l'impulsion qui avait fait défaut pendant de nombreuses années. Je crois que cela ne tient pas uniquement à leurs mérites, mais aussi à ce que la modernisation de l'État trouve à Bercy une capacité d'action qu'elle n'a pas dans les faits quand elle se situe ailleurs.

Il est possible en théorie de répéter cent fois, mille fois, que la modernisation de l'État relève de la responsabilité de l'ensemble des ministres, et qu'elle incombe naturellement au Premier ministre. La réalité de l'administration française au cours des dernières décennies fait que, lorsque l'on confie cette fonction au Premier ministre, quels que soient les talents de celui-ci, cela ne fonctionne pas, et l'on n'obtient pas la modernisation dont le pays a absolument besoin.

L'évolution que vous exprimez par ce budget, et que certains parlementaires socialistes veulent malheureusement aggraver – même si le problème n'est pas qu'ils soient socialistes –, consiste à retirer davantage, en raison des torts supposés de l'organisation d'hier, conduisant ainsi à des résultats tout à fait opposés à ceux que vous espérez.

Le Président de la République a rappelé hier l'importance de la modernisation de l'État et l'ampleur des économies nécessaires ; mais force est de constater qu'il n'a pas donné beaucoup de précisions sur ce sujet.

Le chahut administratif avec lequel vous démarrez et le schéma que vous privilégiez vous éloigneront, quelles que soient vos intentions, monsieur le ministre, des résultats concrets dont vous avez pourtant absolument besoin.

Je n'ai pas spécialement envie de vous adresser un compliment ; mais la réalité est que si la réforme de l'État est confiée au ministre du budget, elle a des chances d'aboutir. En revanche, lorsqu'elle est éloignée de Bercy, l'expérience enseigne que les résultats ne sont pas à la hauteur de ce dont le pays a besoin, que les gouvernements soient de gauche comme de droite. Monsieur le ministre, défendez-vous ! Nous pourrions ainsi, sur ce point au moins, vous soutenir.

Cela étant, puisque le Gouvernement a choisi son architecture, nous avons le devoir de vous demander quelles réformes supplémentaires vous entendez engager dans votre ministère, quelles économies vous envisagez d'apporter dans la durée, et pas seulement dans le budget pour 2013.

Bercy a réalisé des réformes plutôt intéressantes ces dernières années, et vous les avez à certains égards confirmées en termes d'améliorations de l'organisation et de la productivité de l'État. Vous avez la responsabilité de continuer à vous montrer exemplaire ; faites attention à ne pas faire moins bien que vos prédécesseurs !

Nous sommes également en droit de vous demander, monsieur le ministre, quelques précisions et indications sur l'évolution territoriale de votre maison. Certaines prudences ou ambiguïtés existent en effet, et ce depuis quelques années. Il est important de maintenir tout à la fois une armature territoriale et une armature de compétences.

Je conserverai longtemps le souvenir de cette remarque faite par M. Francis Mer en commission en réponse à une question : « Et que se passe-t-il quand l'agent censé donner la réponse en sait moins que la personne qui lui pose la question ? ». Cette observation acerbe, comme Francis Mer savait parfois en faire, me semble fondée.

Je souhaite également évoquer la question de la gestion de l'impôt et de la fiscalité. Il est important que votre maison assure, au-delà des choix politiques qui sont ce qu'ils sont, un bon rendement. Pour cela, nous avons besoin de dispositions fiscales les plus intelligibles et les plus simples possible. Dès le stade de la conception, elles doivent proposer un bon rendement, et la gestion administrative des systèmes ne doit pas se révéler trop coûteuse.

Je voudrais par ailleurs vous faire part de mon inquiétude concernant la revendication d'une fiscalité écologique, qui a fait l'objet d'arbitrages successifs de la majorité et dont le Président de la République a parlé hier. Je crains beaucoup d'une fiscalité moralisatrice, qui risque de coûter très cher au regard de son rendement fiscal. Nous attendons au contraire un bon fonctionnement de votre administration, garantissant que la plus grande part de l'impôt payé par le contribuable soit consacrée aux politiques publiques.

Enfin, s'agissant des douanes, j'entends aujourd'hui beaucoup d'enthousiasme et d'optimisme concernant la mise en place de la taxe poids lourds. Je souhaite que cela soit le cas et que, dans ce domaine, le rendement du système soit bon, ce qui n'est pas acquis d'avance. Il existe en effet un risque considérable que son coût de gestion soit relativement élevé. Il faudra ainsi se montrer très attentif – et je sais pouvoir compter sur vous – à ce que l'informatique soit à la hauteur de ce big bang significatif. Hélas, l'expérience des grandes réformes administratives de ces dernières années, ou de projets parfois plus modestes, montre que les intentions sont souvent là, mais que l'informatique ne suit pas toujours.

De plus, les douanes doivent montrer l'exemple en matière d'organisation de l'administration et de conception de dispositifs légaux et fiscaux efficaces, permettant d'obtenir un bon rendement, particulièrement, nous l'avons évoqué ce matin en commission, lorsqu'il s'agit de lutter contre les fraudes.

En conclusion, monsieur le ministre, même si vous faites état d'objectifs que nous pouvons largement partager, vous vous êtes engagé sur une piste qui n'assure pas le meilleur rendement de l'effort du contribuable et ne garantit pas la meilleure réforme de l'administration ; cela ne sert pas l'intérêt des citoyens que nous représentons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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