Comme chaque année, le rapport très attendu de la Cour des comptes met le doigt sur des sujets importants dont certains sont justement pris en compte dans le cadre du prochain projet de loi relatif à la stratégie nationale de santé – insuffisance de pilotage de la politique de santé, articulation entre État et assurance maladie, politique conventionnelle, accès aux soins de premier recours.
Le bilan financier de l'exercice 2013 fait état d'un ralentissement de l'effort de redressement, soulignant tout de même que le déficit du régime général a été réduit, comme en 2012, des 3 milliards d'euros du Fonds de solidarité vieillesse. En outre, cet exercice 2013 a été réalisé dans un contexte bien moins favorable puisque la masse salariale a crû beaucoup moins rapidement durant cette période. Le redressement est très largement imputable à la stratégie de ralentissement des dépenses, en tout cas c'est ce que nous espérons.
S'agissant de l'ONDAM, les dépenses d'assurance maladie ont crû de 2,3 % seulement en 2012 et 2013, contre 4,8 % en moyenne pendant la décennie 1999-2008. On annonce d'ailleurs un ONDAM à 2 % sur la période 2015-2017, ce qui amplifie un effort de réduction des dépenses sans précédent, sans toucher bien évidemment à la qualité des soins ni augmenter le reste à charge pour les patients, arguments auxquels, j'en suis convaincu, la Cour des comptes est très sensible.
Merci de mettre l'accent sur la fraude aux cotisations sociales, qui coûte si cher à l'État puisqu'elle est huit à dix fois supérieure à la fraude aux prestations sociales mais fait pourtant beaucoup moins régulièrement les gros titres. Ces fraudes aux cotisations sociales sont multiples : des travailleurs détachés aux travailleurs indépendants, en passant par les heures non déclarées et le travail dissimulé, c'est une tendance globale qui prend de l'ampleur et contre laquelle la lutte est difficile. Avez-vous des pistes à préconiser pour améliorer le taux de recouvrement de 5 %, représentant environ un milliard d'euros, pour le moins dérisoire ? Faut-il renforcer les moyens humains de contrôle ? Obtiendrait-on des résultats aussi remarquables qu'en matière de fraude fiscale si des objectifs étaient fixés ?
S'agissant des pistes d'économies, la Cour appelle depuis plusieurs années, et à juste titre, à des réformes structurelles du système de santé. Alors que le passage de la théorie à la pratique peut s'avérer ô combien délicat, le Gouvernement s'est engagé à suivre nombre de ses recommandations, telles un meilleur recours aux médicaments génériques et le développement de la chirurgie ambulatoire.
Une autre piste n'est pas abordée dans le rapport, qui concerne l'hôpital public. Je réfute l'idée selon laquelle il y aurait du gaspillage au sein des hôpitaux pris individuellement. Les conditions de travail à l'hôpital public se sont durcies suite à la mise en place de la tarification à l'activité. Davantage de gains pourraient encore être obtenus par la mutualisation des activités entre plusieurs structures hospitalières. Quand quatre hôpitaux distincts de vingt kilomètres ont chacun leur blanchisserie, leur restauration, leur plateau complet de biologie, leur service de chirurgie avec un taux de fuite plus ou moins élevé – ce qui explique en partie le recours à l'emploi temporaire médical à l'hôpital –, ce pourrait effectivement être une solution. Selon une enquête récente de la Fédération hospitalière de France (FHF), les Français sont prêts à davantage de mutualisation et de coopération entre les établissements. Les élus locaux y sont sans doute un peu moins favorables, mais la situation évolue. Quant aux professionnels de santé, ils cherchent un exercice attractif, ce qu'ils pourraient trouver dans un groupement hospitalier plus efficient.
Cette piste des regroupements hospitaliers au sein des territoires vous paraît-elle intéressante ? Pensez-vous qu'une forme de gouvernance commune à plusieurs établissements serait de nature à améliorer l'efficience sans toucher au fonctionnement particulier de chaque établissement ?
La simplification administrative est au coeur de l'action du Gouvernement. Selon vous, trouverait-elle à s'appliquer dans le secteur de la santé où les normes et les contraintes peuvent s'avérer coûteuses en temps, en moyens et, finalement, en argent ?
Vous appelez à davantage de rigueur dans les dépenses liées aux dispositifs médicaux. Dans ce domaine, la France est l'un des leaders mondiaux au regard tant de l'innovation que de la détention de brevets. Pourtant, nous affichons une balance commerciale déficitaire de près de 1,5 milliard d'euros à cause d'une commande publique encore incertaine et surtout, vous le soulignez bien, d'un parcours administratif trop complexe. Combien d'entreprises bénéficient d'un marquage CE ou d'une autorisation de la Food and drug administration (FDA) sans même parvenir à se déployer sur le territoire national ? Comment améliorer le marché français du dispositif médical et ainsi ouvrir l'accès aux soins innovants à un maximum d'usagers ?