C'est pourquoi nous souhaiterions que le projet de loi comporte des dispositions non de simplification – je n'aime pas le mot car il ne s'agit pas d'obtenir des passe-droits – mais de rationalisation. Il s'agit d'obtenir plus rapidement des résultats en termes d'informations, de consultation et de concertation avec nos concitoyens. La qualité d'une concertation n'est pas nécessairement proportionnelle à sa durée : elle est proportionnelle à la manière dont elle est menée.
Deux propositions concrètes figurent dans le projet de loi et nous souhaiterions qu'elles demeurent dans la version finale. La première concerne, dans le cadre du débat public, le recours à la formule dite du garant. Il y a deux manières d'organiser un débat public : soit en nommant une commission particulière – cette procédure est assez lourde puisqu'il faut désigner un président, définir un cahier d'acteurs, etc. – soit en organisant un débat sous la responsabilité du maître d'oeuvre avec un garant. Ce dernier est en quelque sorte un sage qui peut conseiller le maître d'ouvrage et les opposants et qui donne des orientations sur la façon de mener le débat. Nous avons une expérience concrète de débats qui sont menés sous une forme ou sous une autre : le résultat semble équivalent en termes de satisfaction ou de frustration. Par contre, nous avons fait le ratio entre le nombre de jours de concertation et le kilomètre de ligne : un débat avec garant dure sept jours par kilomètre de ligne contre quarante-cinq jours pour un débat avec commission particulière. J'ajoute que les populations concernées par un débat avec garant se considèrent aussi bien informées que celles qui ont pu bénéficier d'un débat public.
Tout à l'heure, j'ai indiqué qu'il faudrait renforcer considérablement les interconnexions européennes. Certaines d'entre elles emprunteront la voie maritime, y compris avec des riverains terrestres. Si l'on devait à nouveau renforcer l'interconnexion avec l'Espagne, il est clair que cela ne pourrait se faire par voie souterraine ni par les Pyrénées du fait des dérangements qu'occasionneraient les travaux même s'ils sont de courte durée. Nous pensons donc, avec nos collègues Espagnols, qu'il vaudrait mieux emprunter la voie maritime et réaliser une liaison entre Bilbao et Bordeaux. Pour ce faire, il faut se relier à un moment donné au réseau terrestre. Or la loi littoral ne prévoit pas la possibilité de demander une dérogation. Cette faculté existe lorsqu'il s'agit de raccorder des installations de production d'énergie renouvelable en mer – par exemple pour le raccordement des éoliennes offshore – mais nous ne pouvons pas l'utiliser pour créer une interconnexion. Nous souhaiterions donc que le projet de loi prévoie la possibilité de réaliser ces interconnexions, faute de quoi nous ne pourrons pas les réaliser, ou à un coût prohibitif.
Les textes actuels nous confient déjà, en tant qu'acteur ni producteur ni consommateur, un certain nombre d'éléments sur la réflexion prévisionnelle. Le projet de loi renforce notre possibilité d'accéder à des informations tout en étant transparents. Nous avons développé des applications disponibles sur les smartphones qui permettent de connaître, en temps réel, l'état de la production d'électricité, les importations et les exportations. Pour établir ces travaux, nous avons en effet besoin d'avoir accès à ces données.
Vous avez évoqué également le mécanisme de capacité. Si le mot est simple, le concept est un peu plus compliqué. Ce mécanisme a été mis en place compte tenu de la disparition du monopole d'EDF. Auparavant, EDF était responsable de tout. Aujourd'hui, il reste l'opérateur dominant mais il n'est pas seul. Ce mécanisme est destiné à faire en sorte que la préoccupation collective de sécurité d'alimentation électrique soit assurée avec une répartition équitable entre les différents acteurs. La loi précise qu'il appartient à chaque fournisseur du marché français de justifier qu'il dispose directement ou indirectement des capacités de production ou d'effacement nécessaires à la satisfaction de ses clients.
Le mécanisme prévu permet de trouver les leviers obligeant chaque fournisseur à justifier qu'il dispose bien de ces moyens et devrait être mis en application cette année. Chaque fournisseur remplira un registre où il inscrira d'un côté les clients potentiels qu'il devrait avoir d'ici deux à cinq ans et de l'autre les moyens de production ou les capacités d'effacement dont il dispose ou qu'il aura contractualisés. Par définition, ces deux colonnes devront être égales ou au moins égales. Certains auront peut-être plus de capacité de production ou d'effacement que leurs clients n'en ont besoin. Ils pourront alors se porter vendeurs de ces capacités auprès de ceux qui seraient en déficit.
Vous avez fait allusion au message d'alerte que j'ai lancé il y a une semaine. Quand on fait une simulation de l'évolution de la consommation qui n'est pas très forte dans les deux ans qui viennent, de l'évolution des moyens de production ou des capacités d'effacement et des importations telles qu'elles sont aujourd'hui, compte tenu des annonces faites par les différents producteurs et de la mise en oeuvre des directives européennes de grandes installations de combustion qui vont retirer du marché des moyens de production qui ne répondront plus aux normes à partir du 1er janvier 2016, il apparaît qu'il manque aujourd'hui 2 000 mégawatts. Bien sûr nous avons retenu l'hypothèse d'un hiver froid.