En effet.
M. Aubert a évoqué différents scénarios. En matière d'énergie on utilise souvent des unités commodes, le MW entre autres, mais il faut également prendre en compte des aspects qualitatifs : un MW d'un moyen de production commandable, qu'il s'agisse d'une centrale à gaz ou d'une centrale nucléaire, n'a pas la même productibilité qu'un MW d'origine hydraulique, qu'un MW d'origine éolienne ou encore qu'un MW d'origine solaire. En France, une éolienne produit pendant 25 % du temps ; un panneau solaire, pendant mille heures, à savoir environ 15 % du temps. Aussi, pour obtenir la même production qu'un cycle combiné à gaz de 1 000 MW, il faut 3 000 MW d'éolien et quasiment 10 000 MW de photovoltaïque. Ensuite, pour nous en tant que réseau, le facteur dimensionnant est le MW, à savoir la puissance maximale susceptible de passer dans le réseau, faute de quoi on écrête, ce qui pourrait pousser les producteurs à stocker sur place afin de limiter la puissance qu'ils évacuent.
Je me suis en effet montré serein, monsieur Aubert, quant à l'adaptation du réseau, du fait sans doute de mon tempérament optimiste. Certes, la transition énergétique a un impact sur le réseau et c'est un des facteurs majeurs de son développement et de celui des interconnexions. Nous avons évalué qu'avec les hypothèses moyennes et raisonnables de développement de la transition énergétique aujourd'hui en Europe, il nous faudrait, d'ici à 2030, tripler la capacité d'interconnexions pour fonctionner raisonnablement. Il ne suffira pas de constituer des autoroutes aux frontières, il faudra renforcer les réseaux amont et aval. On évalue à quelque 20 % de nos besoins d'investissements les conséquences de la prise en compte de la transition énergétique française et européenne dans les quinze années à venir.
En ce qui concerne le marché de capacité, faut-il changer de modèle ? Nous partageons tout à fait votre diagnostic, monsieur le président : c'est bien parce que le modèle Energy only, c'est-à-dire le modèle qui rémunère uniquement l'énergie, est insuffisant, qu'il faut créer un marché de capacité qui, lui, prendra en compte la rémunération de la puissance. Ensuite, le fonctionnement du marché de capacité, qui est un dispositif complexe même si le texte de loi est simple, ne consiste pas en une injection d'argent extérieur mais à pousser les fournisseurs à dépenser ce qu'il faut pour satisfaire les besoins de leurs clients au moment voulu. Cela revient à un surcroît de dépense mais d'une dépense saine puisqu'elle est destinée à garantir aux clients qu'ils disposeront bien de l'électricité dont ils auront besoin – quitte à consommer moins par le biais de l'effacement.
Le marché de capacité est le levier qui nous permet d'obliger les différents fournisseurs à tenir leurs engagements. Pourquoi prévoir une loi pour ce qui paraît aller de soi ? Dans un système très ouvert chacun peut avoir sa propre stratégie ou avoir tendance à trop compter sur les autres. La situation était beaucoup plus simple, en effet, quand il y avait un opérateur unique. C'est la complexité du système qui explique celle du mécanisme de capacité.
Les coûts, quant à eux, ne représentent que la valorisation de la sécurité d'alimentation du système. C'est l'équivalent d'une prime d'assurance : vous préférez la payer plutôt que d'avoir à faire face à un sinistre. Ici, le risque de défaillance n'est jamais certain. Les coûts que l'on fait porter sur les fournisseurs sont reportés par ces derniers soit sur leurs marges, soit sur leurs prix mais cela revient au même qu'une injonction à un grand producteur de maintenir en service telle centrale.