Vous avez évoqué, monsieur le rapporteur, le chiffre de un milliard d'euros pour un réseau de stations susceptibles de distribuer du gaz naturel aux véhicules. Je ne dispose pas de données plus précises que vous. Nous sommes en train d'y travailler avec des distributeurs de carburant – il faut savoir où implanter les stations – et avec des fournisseurs de matériels pour affiner l'estimation des coûts de ces équipements. Contrairement à d'autres modes de propulsion automobile nouveaux, l'utilisation du gaz par les véhicules ne nécessite pas de subventions ; aussi le développement en la matière pourrait-il s'autofinancer. Le problème est de savoir comment obtenir en même temps les véhicules, le réseau de stations et l'envie des consommateurs de prendre cette direction. Ce dont nous avons besoin, avec ce projet de loi, c'est d'un cap, de l'expression d'une volonté et de la définition d'éléments sur ce que pourrait être ce réseau.
Les compresseurs utilisés par les artisans, qui coûtent plusieurs milliers d'euros, peuvent constituer une solution. L'expérimentation visant à équiper les particuliers de ce type de dispositifs a néanmoins conduit à un échec dans la mesure où, du fait notamment des nuisances sonores qu'elles provoquent, il est compliqué d'installer des machines tournantes à domicile. On peut certes imaginer ce système pour un artisan mais probablement pas pour le grand public pour lequel il faudra passer par un réseau de stations publiques, ou par un réseau de pompes installées dans les stations existantes.
En ce qui concerne l'impact éventuel de l'exploitation des gaz de schiste sur les réseaux de transport, la tendance que nous percevons est celle d'un développement de la production indigène. Il n'y a quasiment plus de gaz en France. J'ai évoqué le développement du biométhane et du power to gas. L'exploitation par la France, ou par les pays voisins, du gaz de schiste aura forcément une conséquence sur les flux. La production locale s'en trouvera accrue et le réseau de transport modifié. Reste que GRT Gaz passe son temps à traiter ce genre de situations : auparavant, le réseau devait gérer l'arrivée d'un fort flux de gaz naturel liquide (GNL), alors qu'aujourd'hui presque plus de GNL n'arrive en France. Nous nous adaptons donc en permanence. Et s'il apparaît que l'exploitation des gaz de schiste, techniquement possible, ne serait pas neutre, nous n'avons toutefois pas étudié cette hypothèse dans le détail : cela nous paraît prématuré puisqu'il est interdit d'explorer les éventuels gisements de gaz de schiste et donc impossible de savoir où ils se trouveraient.
Le président de la commission m'a interrogé sur le fait de savoir si le GNL change la donne. La capacité de la France d'importation de GNL est de l'ordre de 23 milliards de mètres cubes. L'année prochaine, quand EDF mettra en service le terminal de Dunkerque, nous passerons à 36 milliards de mètres cubes pour une consommation totale de gaz de 45 milliards de mètres cubes. En outre, 15 % du gaz consommé en France est d'origine russe. Reste que peu de GNL arrive en Europe pour des raisons de marché : les prix de l'énergie et du gaz en particulier sont suffisamment élevés en Asie pour attirer là-bas les flux de GNL et les détourner de l'Europe. Or, pour faire acheminer davantage de GNL en Europe à des conditions de marché identiques, il faudrait s'aligner sur les prix de l'Asie. Techniquement, pour ce qui est des infrastructures, il n'y a pas de difficultés particulières. Somme toute, la France reste peu exposée au risque de coupures.
Je ne résiste pas à l'envie de dire un mot de l'élargissement de l'assiette de la CSPE. Que chaque énergie paie pour ses tarifs sociaux, pour ses énergies renouvelables, me paraît d'une grande logique et parfaitement légitime. Que le gaz paie pour l'électricité me semblerait plus discutable. La CSPE est de 21 euros par MWh ; or si l'on en élargit l'assiette et qu'on divise ce montant par deux – le gaz et l'électricité représentant une consommation d'énergie équivalente –, il faudrait ajouter plus de 10 euros aux 19 euros que coûtait le gaz sur les marchés de gros au mois de juillet dernier. La donne n'en serait par conséquent pas changée qu'à la marge et un tel élargissement constituerait une catastrophe pour les industriels gazo-intensifs. Il faut en outre songer au signal ainsi envoyé : on ferait baisser le prix du chauffage électrique et augmenter le prix du chauffage au gaz, adoptant un scénario à l'Allemande suivant lequel on laisse le charbon se développer au détriment du gaz avec les conséquences qu'on sait en matière d'émissions de dioxyde de carbone.