Intervention de Denise Saint-Pé

Réunion du 18 septembre 2014 à 18h00
Commission spéciale pour l'examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte

Denise Saint-Pé, seconde vice-présidente déléguée de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies, FNCCR :

Sur les territoires, la distribution d'électricité, de gaz ou de chaleur constitue le dernier et le plus proche maillon de la chaîne énergétique. Il s'agit de l'activité qui conditionne directement l'approvisionnement de ces territoires en énergie, tant du point de vue quantitatif que qualitatif – activité qui se trouve en interface immédiate avec le consommateur raccordé au réseau. La FNCCR, qui représente notamment les autorités organisatrices de la distribution d'énergie (AODE), considère que cette activité devrait se voir reconnaître un statut et des missions spécifiques dans le cadre de la transition énergétique à laquelle elle peut et doit concourir très directement.

En même temps, il ne faut pas perdre de vue que la distribution d'énergie est un élément important voire déterminant de l'équilibre territorial. Les réseaux mettent en relation les zones denses et les zones peu denses, les zones excédentaires en énergie et les zones déficitaires : ils seront un élément essentiel des territoires à énergie positive.

Il nous semble donc fondamental de préserver un équilibre entre, d'une part, le rôle des réseaux de distribution d'énergie pour l'aménagement du territoire et, d'autre part, leur contribution à la transition énergétique.

Dans cette perspective, je m'arrêterai plus particulièrement sur trois points qui nous semblent essentiels : d'abord, les AODE doivent avoir la possibilité de concourir efficacement à l'adaptation des réseaux à la transition énergétique ; ensuite, la coordination des trois réseaux – électricité, gaz, chaleur ou froid – doit être mise en place ; enfin, les AODE doivent être mieux associées à la gouvernance des opérateurs dès lors que ceux-ci se voient reconnaître le bénéfice de droits exclusifs conformément à la directive européenne sur les concessions de services du 26 février 2014.

Le premier point implique de prévoir l'association ou, pour le moins, la consultation des AODE dans le cadre de certaines procédures prévues par le projet de loi. Par exemple, l'expérimentation de « services de flexibilité locaux », prévus par l'article 58, qui impliquera les gestionnaires de réseaux de distribution d'électricité (GRD), devra également associer, au moins à titre consultatif, les autorités concédantes de ces gestionnaires de réseaux.

Autre exemple : en matière de maîtrise de la demande d'énergie, si l'article 54 prévoit le principe selon lequel le « GRD met en oeuvre des actions d'efficacité énergétique et favorise l'insertion des énergies renouvelables sur le réseau », il serait nécessaire de préciser que ces actions doivent être organisées dans le cadre des concessions et de leur cahier des charges, de façon à permettre à l'AODE de veiller à une bonne adaptation de ces initiatives aux caractéristiques et aux besoins de son territoire et, par cohérence, de soumettre aussi sa propre activité de maîtrise d'ouvrage à des objectifs d'efficacité énergétique et de bonne insertion des énergies renouvelables sur le réseau.

Enfin, les AODE devraient être systématiquement consultées par les collectivités ou les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) chargés de l'élaboration des plans climat-énergie territoriaux (PCET), au moment de l'élaboration de ces plans, dans le souci d'une bonne coordination entre les hypothèses retenues par les plans et chartes d'engagement plan climat air énergie territoriaux (PCAET) en matière de production et de consommation d'énergie, et les programmes de développement des réseaux dont les AODE ont la responsabilité.

Ce même souci de coordination doit d'ailleurs se décliner entre les trois réseaux eux-mêmes, et c'est mon deuxième point.

Nous avons fait ces dernières années des progrès significatifs en matière de programmation des investissements sur les réseaux de distribution d'électricité ou de gaz grâce aux conférences départementales instituées par la loi de décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l'électricité (NOME), en étant conscients que pour le gaz il convenait de redonner une impulsion pour guider les acteurs locaux à l'instar de ce que l'on a fait en concertation avec ERDF. Actuellement, nous continuons de travailler ce sujet avec GRDF.

Toutefois, ces conférences, qui ne concernent pas actuellement la chaleur, n'appréhendent pas la façon dont le développement des différents réseaux doit être mis en cohérence. Il s'agit pourtant d'une nécessité si l'on veut, d'une part, rationaliser l'utilisation des ressources énergétiques locales, en orientant l'alimentation énergétique d'un territoire vers la minimisation des émissions de gaz à effet de serre ; et si l'on veut, d'autre part, mieux orienter la dépense publique lorsqu'elle est affectée au développement de ces réseaux.

C'est la raison pour laquelle nous proposons la possibilité, pour les collectivités et les AODE qui le souhaitent, de créer des pôles territoriaux énergétiques, sous forme de syndicats mixtes ayant vocation à élaborer – à la demande des territoires – des schémas de coordination des trois réseaux et à organiser la coopération entre les territoires excédentaires en énergie et les territoires déficitaires, dans une logique globale de territoires à énergie positive.

Troisième et dernier point, le débat national sur la transition énergétique, qui s'est tenu l'année dernière, a fait émerger l'idée que cette transition va requérir de la part des collectivités locales, la mise en place de politiques locales, qui nécessiteront que ces collectivités maîtrisent au mieux les différents outils de ces politiques.

Dans cette perspective, la FNCCR estime qu'il est nécessaire de donner aux AODE les moyens de mieux assurer leur fonction de régulateurs locaux de la distribution d'énergie, en leur attribuant des moyens de travail en commun plus directs et plus efficaces avec les GRD – avec lesquels nous travaillons de façon tout à fait positive –, tout en garantissant le maintien de la solidarité territoriale, qui s'incarne par la péréquation et par les droits exclusifs dont bénéficient ERDF et GrDF.

Nous regrettons à cet égard qu'à son article 38, le projet de loi supprime la possibilité, pour les AODE, de percevoir du GRD des pénalités en cas de mauvaise qualité de l'électricité distribuée. Nous demandons le maintien de cette possibilité, qui ne fait pas obstacle à ce que la commission de régulation de l'énergie (CRE) opère sa propre régulation incitative.

La FNCCR souhaite également que les AODE soient davantage intégrées à la gouvernance d'ERDF. Les modalités de cette association peuvent être diverses : entrée d'élus au conseil de surveillance, création d'instances de suivi des investissements… Nous sommes ouverts au dialogue sur ces diverses hypothèses. L'essentiel pour la FNCCR est que soient respectés quelques principes : l'association des élus à la gouvernance d'ERDF devra être réelle et les représentants qui pourraient y siéger devront vraiment disposer d'un pouvoir délibératif et non pas seulement consultatif. La logique de la concession devra être soigneusement préservée, ce qui implique que les attributions des AODE en termes de contrôle soient respectées et que la propriété des réseaux publics de distribution d'énergie électrique, qui leur est reconnue par la loi, ne soit en aucun cas remise en cause. Sous ces réserves, il nous semble possible et même souhaitable de profiter de ce projet de loi pour progresser de manière significative.

Pour conclure, les collectivités et groupements de collectivités représentés par la FNCCR considèrent que le meilleur facteur de réussite de la transition énergétique sera le réalisme avec lequel elle sera mise en cohérence avec les contraintes économiques, financières et sociales fortes auxquelles nous sommes tous confrontés. Nous sommes convaincus que l'efficacité et la solidarité ne se contredisent pas, mais qu'elles sont au contraire en synergie ; et nous formons le voeu que la représentation nationale le prenne pleinement en compte au moment de faire des choix décisifs pour notre avenir.

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