Intervention de Philippe Monloubou

Réunion du 18 septembre 2014 à 18h00
Commission spéciale pour l'examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte

Philippe Monloubou, président du directoire de ERDF :

Le fait que les représentants des réseaux de distribution terminent ce cycle d'auditions n'est probablement pas un hasard et traduit la place que les réseaux de distribution vont prendre dans la mise en oeuvre de la transition énergétique. La contribution du réseau est en effet essentielle à la réalisation des objectifs fixés par le projet de loi : « favoriser les énergies renouvelables pour diversifier nos énergies », poursuivre une « stratégie nationale bas carbone ». Certains n'ignorent d'ailleurs pas que 95 % des énergies renouvelables sont raccordées aux réseaux de distribution, pour environ 13 000 MW, à savoir l'équivalent de dix tranches nucléaires.

Le projet de loi vise également à maîtriser la demande d'énergie et à favoriser l'efficacité énergétique. Il ne vous aura pas échappé que le compteur communicant issu du projet Linky sera un des outils majeurs de cette politique en ce qu'il permettra à chaque client d'être responsable de son environnement énergétique personnel. La ministre de l'écologie, le 4 septembre dernier, a défni les rôles de chaque acteur : « Les consommateurs auront accès à de nouveaux services sur le portail d'ERDF : suivre sa consommation au jour le jour, disposer d'alertes en cas de consommations anormales, se comparer avec des situations proches [avec des] fournisseurs [qui] auront l'obligation de convertir en euros les données de consommation. »

La troisième grande ambition du texte est de développer les transports propres : il reste 7 millions de points de charge à raccorder au réseau, ce qui nécessite anticipation et planification pour en maîtriser l'implantation. Ce n'est pas seulement déterminant du point de vue du développement lui-même du véhicule mais du point de vue de la capacité à maîtriser les enjeux de qualité, de performance et les enjeux de régulation énergétique associés. ERDF prendra toute sa place et on mesure qu'une telle ambition nécessitera une concertation étroite avec l'ensemble des acteurs et des collectivités.

Faciliter la transition énergétique dans les territoires rend la chaîne du système électrique de plus en plus complexe avec l'implication d'acteurs sans cesse plus nombreux, avec l'apparition de nouveaux enjeux techniques – intermittence, besoins qualitatifs –, et de nouvelles attentes de la part des clients. Ces nouveaux modes de production, intermittents et disséminés sur l'ensemble du territoire, ouvrent un champ nouveau à la circulation de l'énergie dans des flux bidirectionnels – alors qu'ils étaient historiquement mono-directionnels –, et ouvrent par conséquent la voie à des démarches plus flexibles, des perspectives d'autoconsommation. Dans cette chaîne, le maillon formé par le réseau a vocation à mieux maîtriser, observer, comprendre les flux d'énergie et à permettre le pilotage le plus anticipé possible, le plus fin, le plus précis des quelque 1,3 million de kilomètres de réseau.

C'est donc une vraie révolution technologique des réseaux de distribution qui est d'ores et déjà engagée. Sans réseau résilient, sans réseau intelligent, la transition énergétique ne produira pas son optimum technique et économique. ERDF renforcera donc son expertise en matière de conduite, de gestion du système électrique pour construire le réseau intelligent de demain. Ce que les Anglo-saxons nomment smart grid, bien plus qu'un concept, est déjà une réalité à ERDF avec le déploiement des compteurs Linky mais également avec la présence de dix-huit démonstrateurs sur l'ensemble du territoire, permettant d'anticiper, d'appréhender toutes les composantes de l'intégration d'énergies intermittentes. On évoque beaucoup le numérique ; or ERDF s'est engagé dans cette voie avec le compteur Linky, avec son système de conduite des réseaux moyenne tension.

Le modèle de distribution que vous connaissez présente de nombreux atouts qui vont nous permettre de franchir les prochaines étapes. Ce modèle est fondé, en particulier, sur la solidarité entre les territoires tout en revêtant une dimension nationale nécessaire pour réaliser le volume des investissements attendus, maîtriser les grands équilibres, définir les éléments de planification déterminants ; il s'appuie aussi sur la proximité avec les territoires.

Parmi les pistes que je suggérerais, il conviendrait de donner au distributeur assez de visibilité pour investir dans la durée. Le texte consacre un article à cette question essentielle. Dans les dix années à venir, ERDF investira environ 40 milliards d'euros dans les réseaux. Nous attendons donc du projet de loi qu'il permette de créer toutes les conditions, en matière de tarification en particulier, pour que le distributeur puisse investir durablement avec toute la visibilité nécessaire.

Il faut ensuite définir de nouvelles formes de dialogue avec les collectivités. Les investissements massifs nécessités par le déploiement des compteurs communicants, celui des bornes de recharge, par l'amélioration de l'efficacité des réseaux, la prise en compte des nouveaux territoires – métropoles émergentes, intercommunalités, grandes régions de demain – rendent indispensable le renforcement des espaces de dialogue avec les collectivités. Je souscris en tout cas à la volonté de les associer plus étroitement à la gouvernance de la distribution.

J'en viens au droit à l'expérimentation qu'il ne viendra à l'idée de personne de contester. Il convient de veiller à ce qu'il s'articule bien à l'optimisation nationale de la distribution d'électricité. Les évaluations de ces expérimentations devront être suffisamment précises pour qu'on puisse éventuellement procéder à une généralisation. Nous devons pouvoir nous appuyer en particulier sur les démonstrateurs précédemment évoqués, de manière à capitaliser sur les acquis déjà obtenus.

Accompagner les collectivités en leur fournissant des données de consommation sera un facteur déterminant de l'efficacité énergétique. Avec les évolutions numériques, les nouvelles technologies de l'information, les capteurs sur les réseaux que seront demain les 35 millions de compteurs communicants, nous serons en mesure de mettre des données à disposition dans des conditions de précision, d'efficacité, de temps, sans commune mesure avec ce que l'on connaît aujourd'hui. Je suis convaincu que la transition énergétique est à ce prix. Il est évident qu'ERDF jouera un rôle déterminant dans la gestion de ces données.

Enfin, vont se créer de nouveaux mécanismes de marché. Le distributeur a une place cruciale dans ces dispositifs, en complément évident des gestionnaires des réseaux de transport.

En conclusion, la transition énergétique est une incitation formidable pour le distributeur à préparer les réseaux qui porteront les enjeux de demain. Je suis convaincu que cette évolution doit se faire dans une relation renouvelée avec les territoires, tout en confortant le modèle de service public de la distribution, lequel a fait ses preuves. Je sais que le président de votre commission partage le souci de renforcer la place des territoires dans ce dialogue et je reste ouvert à ce débat.

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