Je m'exprimerai au nom de l'ensemble des organisations représentatives des entreprises locales de distribution (ELD) : l'ANROC, Entreprise locales d'énergie (ELE), l'Union nationale des entreprises locales d'électricité et de gaz (UNELEG) et la Fédération nationale des sociétés coopératives agricoles. J'articulerai mon propos en trois temps : je ferai tout d'abord un bref rappel des caractéristiques des ELD ; j'évoquerai ensuite l'appréciation d'ordre général qu'elles peuvent porter sur la transition énergétique à travers le projet de loi ; et je terminerai par quelques dispositions spécifiques du texte sur lesquelles nous souhaitons plus particulièrement appeler votre attention.
Les 150 ELD qui se trouvent en France comptent de 100 à plus de 400 000 clients, couvrent environ 5 % de la consommation nationale, servent 1,8 million d'utilisateurs et 3,8 millions d'habitants répartis dans 2 800 communes et emploient un peu plus de 5 000 salariés. La diversité de ces entreprises s'exprime par la diversité de leur taille mais aussi à travers leur statut – régies, sociétés d'économie mixte (SEM), coopératives agricoles d'électricité, voire sociétés anonymes (SA). Outre la gestion du réseau sur leur zone de desserte, les ELD assurent, toujours sur leur zone de desserte exclusive, la mission de service public de fourniture d'électricité ou de gaz aux tarifs réglementés de vente, ce qui justifiera que mon propos dépasse le seul sujet des réseaux de distribution. De fait, les ELD se diversifient, certaines dans le déploiement de la fibre optique, d'autres dans les services énergétiques et d'autres encore dans la distribution d'énergie pour véhicules propres. Elles sont également de plus en plus actives dans la production d'énergie renouvelable et les réseaux de chaleur.
Les ELD s'inscrivent pleinement dans le système électrique et l'organisation actuelle de la distribution. Elles sont attachées aux missions de service public qui leur sont confiées. Et, dans le contexte de la transition énergétique, elles peuvent apporter une part d'innovation et de créativité dans les territoires où elles sont implantées.
Leur taille et leurs spécificités peuvent également être un facteur de fragilité dans un environnement économique qui prend des dimensions continentales, voire mondiales. C'est pourquoi les ELD sont toujours attentives à suivre les évolutions législatives – nombreuses au cours de ces dernières années –, et à s'y adapter ; d'où leur satisfaction s'agissant de dispositions spécifiques les concernant plus directement, telles que prévues par le présent texte. C'est le cas du recours au tarif de cession leur permettant d'assurer la fourniture du contrat transitoire de six mois prévu dans le cadre de la fin des tarifs réglementés de vente d'électricité aux professionnels à compter du 1er janvier 2016. C'est aussi le cas de la disposition facilitant le respect des obligations de capacité par un fournisseur aux tarifs réglementés de vente.
Les ELD adhérent aux principes de ce projet de loi. Elles ont participé au débat national et territorial sur la transition énergétique. Vivant sur le terrain, elles constatent au quotidien les mutations irréversibles auxquelles, à plus ou moins long terme, notre société est vouée au regard des enjeux climatiques.
Elles partagent donc l'objectif consistant à faire de l'efficacité énergétique, qui est un des piliers du texte, un relais de croissance, celui consistant à améliorer la compétitivité des entreprises en lien avec le rôle fondamental de l'énergie comme facteur discriminant dans la concurrence mondiale, celui visant à alléger la facture énergétique, ou plutôt à fournir de l'énergie à un juste prix.
À cet égard, les efforts de planification autour de la « stratégie nationale de développement à faible intensité de carbone et les schémas régionaux du climat, de l'air et de l'énergie » découlent d'une approche pertinente dont l'objectif primordial doit être la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les ELD émettent toutefois une réserve sur la différence de traitement des énergies. Il est ainsi anormal que la programmation pluriannuelle des investissements n'intègre pas le pétrole. Le projet de loi est en effet insuffisamment tourné sur les efforts nécessaires pour réduire notre dépendance aux énergies fossiles.
Autre point de satisfaction : la prise en compte par le texte des dynamiques territoriales. Le développement des énergies renouvelables, l'évolution des usages, et l'implication des collectivités locales, des élus, participeront à la réussite de cette transition qui s'appuiera fortement sur les territoires.
Les ELD considèrent que les réseaux sont au coeur de la transition énergétique. J'en donnerai trois exemples :
D'abord, en ce qui concerne l'ambition affichée en termes d'électromobilité, on note non seulement des enjeux en termes d'énergie, mais également en termes d'aménagement du territoire – il est important que les gestionnaires de réseau soient associés au déploiement des bornes de recharges, disposition qui ne figure pas dans le texte. Il convient de faire attention, toutefois, à ne pas assimiler le déploiement des bornes au développement du véhicule électrique : s'il doit y avoir un amorçage pour le développement des véhicules électriques, il faudrait axer l'effort sur les flottes captives.
Ensuite, pour ce qui est du déploiement des énergies renouvelables, il convient de conforter les investissements à réaliser par les gestionnaires de réseaux à travers la construction tarifaire. Les ELD saluent les dispositions prévues en ce sens par le texte avec la sécurisation juridique du tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE).
Le dernier exemple concerne les territoires à énergie positive – élément phare du texte. Cette notion, comme celle d'ailleurs d'économie circulaire en matière d'énergie ou d'autoproduction ou d'autoconsommation mérite à nos yeux d'être précisée et surtout distinguée de l'autonomie énergétique des territoires. Au-delà du nombre envisagé de deux cents territoires à énergie positive, il reviendra aux réseaux d'assurer, entre eux, la solidarité indispensable à la sûreté du système électrique.
J'en viens à certaines dispositions nous concernant plus particulièrement, en élargissant notre analyse au-delà des réseaux.
D'importantes modifications ont été apportées au dispositif de l'obligation d'achat : les ELD défendent leurs prérogatives en termes de missions de service public ; elles doivent être parties prenantes, sur leur zone de desserte, de la mutation engagée vers la commercialisation sur le marché des productions d'électricité à base d'énergies renouvelables.
Pour ce qui concerne les modalités d'organisation des appels d'offres, il nous semble utile de mieux prendre en compte les territoires. Pour permettre un développement cohérent des ENR sur les territoires, il faudrait intégrer des objectifs régionaux s'inscrivant dans le cadre de la programmation pluriannuelle des investissements.
Autre élément important : l'opportunité est donnée aux collectivités de participer au développement de la production sur leur territoire. Afin d'améliorer cette disposition dans le sens souhaité, nous pensons qu'il y aurait un intérêt à prévoir une participation indirecte par l'intermédiaire d'un EPIC.
Enfin, pour ce qui est de la transition énergétique dans les territoires, le projet de loi conforte l'échelon régional comme chef de file sur l'efficacité énergétique et il renforce le rôle des plans climat-énergie. Les ELD saluent en outre les efforts pour développer le service public de la chaleur, les réseaux de chaleur devant constituer un bon levier pour la transition énergétique dans les territoires. Le développement d'un cadre conventionnel de boucle locale doit être apprécié au regard de l'optimisation du système électrique et des coûts comparés aux bénéfices.
Je terminerai par la précarité en matière de fourniture que les ELD traitent dans le cadre de leurs missions de service public. On peut se féliciter du remplacement des tarifs sociaux par un chèque énergie – c'est un gage de simplicité. Nous émettrons toutefois deux réserves : l'une sur le fait que la transition énergétique soit uniquement financée par l'électricité et l'autre sur l'élargissement de cette utilisation pour des investissements en matière de rénovation de bâtiments. Afin d'éviter toute déperdition, nous suggérons une affectation du chèque énergie à la facture.