Intervention de Sandra Lagumina

Réunion du 18 septembre 2014 à 18h00
Commission spéciale pour l'examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte

Sandra Lagumina, directeur général de GrDF :

Il était important pour les distributeurs que nous sommes d'avoir l'occasion de nous exprimer devant vous. En effet, le secteur de l'énergie évolue beaucoup aujourd'hui en France, et ce, pour trois raisons. Tout d'abord, notre système énergétique est en train de basculer d'un modèle d'offre à un modèle de demande, notamment grâce au digital. Ensuite, nous assistons à la troisième révolution gazière avec le développement du biométhane. Enfin, la transition énergétique ne se fera pas de manière dogmatique mais par la combinaison des réseaux, des usages et des énergies. Ce sont tous ces éléments que nous souhaitons voir dans ce projet de loi, d'autant que les distributeurs ont un rôle pivot à jouer dans cette transition. Ils sont à la fois à la croisée des grands équilibres et au contact de millions de consommateurs – 11 millions pour GrDF.

Si le projet de loi porte surtout sur l'électricité, le travail du Parlement peut le compléter en ce qui concerne les autres énergies.

Je présenterai d'abord brièvement GrDF afin que notre entreprise ne soit pas simplement décrite comme l'ERDF du gaz. GrDF détient 200 000 kilomètres de réseau et dessert 9 500 communes avec lesquelles il a conclu 6000 contrats de concession. La répartition géographique de nos réseaux s'adapte aux choix d'organisation des collectivités locales tout en assurant la préservation d'une péréquation nationale : sur sa zone de desserte, GrDF est en situation de monopole et applique un tarif unique fixé par un régulateur. En revanche, depuis 2008, pour les nouvelles dessertes, nous sommes en délégation de service public. GrDF finance et exploite la totalité des investissements en concession, dans la mesure où les collectivités locales n'y participent pas. Et près de la moitié de nos investissements visent à assurer la sécurité de nos réseaux. Il ne me semble d'ailleurs pas que nous ayons été critiqués quant au niveau de ces investissements, qui est resté constant. Enfin, GRDF a acquis une longue habitude de dialogue avec les collectivités locales : sont présents au sein de notre conseil d'administration un administrateur indépendant proche du monde de celles-ci, ainsi qu'un administrateur indépendant proche du monde des consommateurs. Et dans tous les travaux que nous menons, nous adoptons toujours une démarche de concertation.

GrDF, loin de rester figé sur son modèle historique, considère au contraire la transition énergétique comme une opportunité pour évoluer, et ce pour plusieurs raisons. Tout d'abord, parce qu'avec Gazpar, le compteur de gaz communicant, l'efficacité énergétique devient une des missions du distributeur, comme le précise explicitement le projet de loi. Ensuite, parce que nous sommes acteurs de la filière de biométhane, que nous avons portée sur les fonds baptismaux. Nous avons notamment été co-animateurs avec l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) du groupe de travail « injection » qui élabore la réglementation de la filière. En outre, nous agissons sur le terrain, convaincus que la transition ne peut s'opérer que grâce à des projets de territoire, en combinant des réseaux d'énergie et en recourant à des solutions innovantes telles que le pacte électrique breton. Enfin, nous sommes la seule entreprise à avoir proposé dans le débat sur la transition énergétique un scénario Facteur 4 intitulé « GrDF 2050 » qui a trouvé un certain écho.

Ce que nous attendons du projet de loi, c'est qu'il envoie des signaux positifs et offre des perspectives durables sur quatre points.

Le premier concerne le biométhane : nous sommes convaincus que le développement de cette source d'énergie constitue une grande étape dans l'histoire gazière. Nous sommes d'ailleurs habitués aux transformations du gaz puisque nous sommes passés du gaz manufacturé au gaz naturel et désormais au biométhane. La fixation d'un objectif de 10 % de gaz renouvelable dans les réseaux à l'horizon de 2030 nous semble crédible, compte tenu de nos projections, et souhaitable, puisque l'on structure aujourd'hui des projets d'économie circulaire.

Le second point concerne le gaz carburant. S'il est beaucoup question de véhicules électriques dans ce projet de loi, des voix se sont élevées pour défendre la place du gaz carburant – l'un des carburants les plus intéressants sur certains types de véhicules, notamment sur la flotte captive et les véhicules lourds qui effectuent des circuits de plusieurs centaines de kilomètres. Nous développons aujourd'hui des projets combinant le biométhane et l'utilisation de carburants et répondant aux préoccupations de recyclage des bio-déchets – enjeu majeur de demain. Il conviendrait donc d'accorder plus d'importance aux véhicules roulant au gaz naturel, et comme le préconise le Conseil économique, social et environnemental (CESE), de fixer un objectif de 20 % de véhicules GNV, GPL ou électriques en ouvrant la gamme des produits disponibles, afin de régler le problème des émissions de particules. Il faudra pour ce faire construire un écosystème en France car si notre pays dispose d'excellents spécialistes en la matière, on n'est toujours pas parvenu à les rassembler.

Le troisième point a trait à la maîtrise de la demande d'énergie et aux compteurs communicants. Le projet de loi dispose que les gestionnaires de réseaux de distribution (GRD) peuvent agir en matière d'efficacité énergétique et d'insertion des énergies renouvelables. La Commission de régulation de l'énergie (CRE) a exigé, pour valider le compteur Gazpar, que nous menions des actions de maîtrise de la demande d'énergie. Et la ministre de l'écologie a récemment validé la diffusion de ce compteur, ce qui va nous conduire à avoir accès à des données personnelles. Or, nous n'avons jamais été ambigus et considérons que ce type de données appartient au client. Il est donc normal que le législateur encadre la pratique de sorte que l'on puisse combiner la protection des données personnelles et les possibilités offertes au gestionnaire du réseau de distribution (GRD), notamment vis-à-vis des collectivités locales et des consommateurs.

Enfin, le dernier point porte sur la place du gaz naturel dans la transition énergétique : lors des quelques mois du débat national sur la transition énergétique, a été mise en évidence l'importance du gaz pour assurer cette transition dans tous les secteurs. Il importe donc d'envoyer les bons signaux quant à l'importance du gaz.

M. le président François Brottes m'a interrogée quant aux mauvais signaux à éviter : j'évoquerai en particulier des signaux fiscaux. Nous avons en effet découvert avec surprise que l'on allait appliquer la taxe carbone au biométhane alors qu'il s'agit d'une filière émergente. Il en va de même de la fiscalisation du GNV quand, dans le même temps, le diesel est exonéré lorsqu'il est utilisé par les taxis ou les tracteurs. Enfin, compte tenu de l'objectif de réduction de la consommation d'énergies fossiles à 30 %, on pourrait imaginer une modulation en fonction de l'impact environnemental de chaque énergie.

S'agissant de la CSPE, comme j'entends parler lors de chaque débat depuis dix ans de l'élargissement de son assiette, je vous rappellerai l'économie du système tel qu'il fonctionne aujourd'hui : le consommateur de gaz contribue à la fois au financement du tarif social du gaz et au développement des énergies renouvelables gazières. On peut concevoir que l'assiette actuelle de la CSPE pose problème. Mais si vous élargissez son assiette, cela conduira à une augmentation de près de 10 % du prix payé par le consommateur de gaz raccordé au réseau de distribution. Cela augmentera aussi de près de 8 % le montant de la taxe carbone. Or, dans une période où les volumes de gaz qui transitent dans nos réseaux sont en baisse grâce à une meilleure efficacité énergétique des bâtiments et à une meilleure maîtrise de la demande d'énergie, est-il opportun d'envoyer un tel signal politique et fiscal ? Faut-il tout arrêter ou bien laisser le gaz jouer son rôle d'énergie de transition, comme nous le pensons ? Enfin, faire basculer la CSPE d'un système de taxe affectée à un système d'impôt soulève des questions juridiques très délicates qu'il semble difficile de régler dans ce projet de loi.

Vous l'aurez donc compris, nous sommes très impliqués dans la transition énergétique et souhaitons continuer à l'être. Nous estimons qu'elle sera bénéfique à notre pays. Et soyez assurés que chacun des 12 000 collaborateurs de GRDF consacrera toute son énergie à ce grand projet.

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