Intervention de Isabelle Martin

Réunion du 18 septembre 2014 à 10h00
Mission d'information sur le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi

Isabelle Martin, secrétaire confédérale de la CFDT :

Avant d'en venir à nos premières impressions sur le CICE, je vais commencer par un bref rappel du contexte. Les questions que nous allons évoquer aujourd'hui ne sont pas sans me faire penser à celles que nous avions commencé à aborder dans le cadre de la mission d'information de l'Assemblée sur les coûts de production et les enjeux de la compétitivité. Le CICE a été décidé par le Gouvernement, puis voté, à l'issue du rapport Gallois, lequel faisait un diagnostic d'ensemble, partagé par la CFDT, comprenant à la fois les éléments de compétitivité-coût, les éléments essentiels de compétitivité hors coût et l'idée que la mesure ne pouvait fonctionner qu'à condition de conclure un pacte de confiance et de réaffirmer l'importance du dialogue social comme facteur de compétitivité.

Depuis, nous sommes passés au pacte de responsabilité, mais pour nous, les enjeux sont restés les mêmes. Si nous sommes évidemment disposés à discuter d'une augmentation des marges de manoeuvre des entreprises, nous estimons que cela doit se faire dans le cadre d'une politique d'ensemble au service de l'emploi et de l'investissement, afin de préparer l'avenir et de réorienter le modèle productif vers davantage de qualité. De ce fait, l'un de nos sujets de préoccupation est le suivant : comment nous assurer que les marges dégagées par le CICE aillent bien à la relance de l'activité, à l'investissement productif et à l'emploi sous toutes ses formes, qu'il s'agisse de création d'emploi ou de qualité de l'emploi – par la réduction de la précarité et la formation ?

Comme vous l'avez dit, monsieur le président, il est un peu tôt pour faire un bilan d'ensemble du CICE. En revanche, il est d'ores et déjà essentiel de souligner que, pour la première fois, nous avons vu une mesure de cette nature, représentant une aide publique d'importance, être décidée en même temps que son processus d'évaluation – une évaluation qui ne se limite pas à quelques chiffres, mais vise à déterminer l'efficacité économique et sociale de la mesure votée et la réelle utilisation qui est faite de l'argent public. Ainsi a-t-il été mis en place un comité de suivi au plan national, associant l'ensemble des organisations syndicales, tandis que la loi prévoit qu'une information-consultation portant sur l'usage des crédits doit être organisée au sein de chaque entreprise concernée – les deux dispositifs ayant vocation à se nourrir mutuellement.

La CFDT voit dans le CICE l'un des leviers susceptibles d'améliorer sensiblement le dialogue et la confrontation sur la stratégie des entreprises, en permettant aux instances représentatives du personnel de s'emparer de l'ensemble du dialogue économique et social pour mieux anticiper les projets de l'entreprise et être en mesure de peser sur les décisions à venir. Un tel objectif suppose que soient mis en place des processus d'information-consultation utiles et le cas échéant de les améliorer.

Pour ce qui est des premiers constats que l'on peut faire sur le CICE, en tant que membre – comme la plupart de mes camarades ici présents – du comité de suivi piloté par France Stratégie, je veux d'abord souligner que le suivi constitue une démarche d'évaluation extrêmement sérieuse et ambitieuse, puisqu'il s'agit à la fois de travailler sur une amélioration de l'outil statistique et de se donner les moyens d'envisager une approche qualitative, afin de voir ce qui se passe sur le terrain et de mettre en évidence les différences qui peuvent exister – selon les secteurs ou les régions, par exemple. De ce point de vue, il convient de souligner l'ampleur des moyens déployés ainsi que la cohérence du dispositif.

Je considère que l'on ne pourra sans doute pas dégager avant 2016 des résultats définitifs et consolidés sur les effets du dispositif en 2013-2014. Néanmoins, certains points peuvent d'ores et déjà être soulignés. Premièrement, même si cela ne faisait pas forcément partie des objectifs du CICE, on a assisté, en particulier pour les PME et les entreprises de taille intermédiaire (ETI), à une forte montée en puissance du préfinancement : de nombreuses entreprises confrontées à des difficultés de trésorerie se sont emparées du dispositif dans un esprit défensif, afin de préserver leurs emplois, voire leur existence. Ceci et d'autres points seront évoqués dans le deuxième rapport que le comité de suivi est en train de rédiger et qui sera prochainement transmis à la représentation nationale.

Pour ce qui est du dialogue social, cette première année de mise en oeuvre est évidemment une année d'apprentissage de part et d'autre, c'est-à-dire à la fois du côté de la direction des entreprises et des représentants des salariés. Cela dit, tant nos équipes – que nous avons largement mobilisées afin de recueillir des renseignements – que le cabinet Syndex, intervenu à la demande du comité de suivi auprès d'un échantillon d'une centaine d'entreprises, font état de situations fortement contrastées. Dans un certain nombre de cas, il n'y a eu aucune information-consultation. Dans d'autres cas – la plupart du temps – les entreprises se sont efforcées, après avoir touché leur chèque, de chercher un moyen de justifier l'utilisation des crédits correspondants en mettant en oeuvre une information de qualité inégale.

De ce point de vue, l'un des enjeux majeurs du CICE va consister à passer de cette logique de justification a posteriori à une logique de consultation permettant de débattre de la stratégie de l'entreprise pour l'année qui vient, en fonction de la situation de l'entreprise et du secteur, que ce soit en termes d'investissements productifs, de transition énergétique ou de formation. Il faudrait passer du respect de la forme de la loi à celui de l'esprit de la loi. Accomplir cette évolution culturelle – le montant important d'aide publique que représente le CICE le justifie – suppose que le patronat tienne ses engagements en permettant que l'on discute, au sein de l'entreprise, de la stratégie à mettre en oeuvre au cours de l'année à venir et qu'il joue le jeu en matière de transparence et de traçabilité en mettant en place la base de données économiques et sociales prévue par la loi. C'est en s'inscrivant dans cette logique d'approfondissement du dialogue social que l'information-consultation sur le CICE sera utile et efficace.

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